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CINQUANTE-SIXIÈME CONFÉRENCE

LA DISPENSATION DE LA GRACE

MONSEIGNEUR,

Plus j'y pense, plus je me convaincs que le moyen le plus efficace de ramener à la foi un esprit égaré est de lui offrir une exposition exacte du dogme catholique, et de l'appuyer avec force sur les faits éclatants qui prouvent la divinité de Jésus-Christ et de son Église.

L'esprit attentif et humble, qui écoute et qui prie, voit les difficultés s'évanouir, et s'étonne bientôt d'être croyant et fidèle. C'est la marche, Messieurs, que je cherche à suivre dans les enseignements de cette chaire. Et c'est ce qu'il faut surtout rappeler quand on étudie au sens catholique la dispensation des dons de la grâce parmi les hommes, dispensation inégale sans aucun doute et profondément mystérieuse à

certains égards, mais qu'on accuse sans droit et sans raison.

Pourquoi, demande-t-on, si la grâce réparatrice. est absolument nécessaire au salut pour tous et en tout temps, pourquoi durant de si longs siècles, tant de nations abandonnées à elles-mêmes, sans secours et sans aucune participation des effets de la rédemption?

Pourquoi le peuple juif choisi seul entre tous et séparé du reste du monde pour être si longtemps le dépositaire exclusif de la foi et de la grâce véritables?

Pourquoi Jésus-Christ sauveur du monde n'est-il envoyé que quatre à cinq mille ans après la chute qu'il devait réparer?

Pourquoi d'innombrables générations et la plus grande partie du genre humain sont-elles encore aujourd'hui, seront-elles toujours privées des lumières de l'Évangile?

Pourquoi, quand Dieu tient en biens de la grâce et tous les cœurs,

main tous les les hommes ne sont-ils pas tous amenés à la foi, ce don libre du Seigneur? Pourquoi ne sont-ils point placés dans la voie du salut?

Comment, si le catholicisme est la religion nécessaire à croire et à pratiquer, tous ne l'embrassent-ils pas, ne l'observent-ils pas? Comment se fait-il que le petit nombre des hommes soit de ceux qui croient et sont sauvés, et que le grand nombre, au contraire, soit de ceux qui ne croient pas et sont damnés?

Ces questions, fort anciennes dans les luttes de la

foi, puisqu'elles sont contemporaines des résistances païennes et des premiers apologistes chrétiens, se représentent toujours à beaucoup d'esprits comme une montagne infranchissable. Plusieurs, et il n'y a pas longtemps encore, ont désespéré de les résoudre, et ils sont tombés dans ces basses régions du naturalisme où l'humanité se débat en vain et se replie misérablement sur elle-même.

En vérité, Messieurs, mystère pour mystère, je ne vois pas que le fatalisme d'un progrès naturel continu et indéfini de l'humanité soit quelque chose de plus intelligible et de plus consolant que l'action divine de la grâce venant aider et ennoblir la liberté humaine.

Quoi qu'il en soit, et pour résoudre les difficultés que je viens de rappeler, j'établirai deux propositions : la première, que la dispensation inégale des dons de la grâce n'est pas injuste; la seconde, que leur dispensation générale est certaine.

Car si d'un côté il n'y a point d'injustice dans l'inégale distribution des dons surnaturels; si de l'autre il est certain que Dieu les accorda et les accorde toujours à tous les hommes dans la proportion nécessaire, il ne saurait y avoir lieu à aucun reproche contre le dogme catholique.

C'est ce que j'espère démontrer avec l'assistance divine dans cette conférence, qui traitera donc du grave sujet de la dispensation de la grâce.

I. P. L'inégale répartition des dons de la grâce et des moyens de salut est, Messieurs, un fait du gouvernement surnaturel de la Providence que nous de

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vons venger de tout reproche d'injustice. Cette inégalité des dons et des secours divins parmi les hommes est évidente, et nous ne venons nullement la contester.

Mais la première réponse aux difficultés qu'on soulève doit être sans doute la réponse du Maître; elle est dans l'Évangile, écoutons-la dans sa divine simplicité 1 :

« Le royaume des cieux est semblable au père de famille qui sortit un jour de grand matin pour louer des ouvriers qu'il envoya travailler à sa vigne. Le salaire convenu pour la journée fut un denier. Sorti encore vers la troisième heure, le maître voit d'autres ouvriers sans travail; il leur dit : « Allez aussi à ma vigne, je vous donnerai ce qui sera juste, » quod justum fuerit. Ces ouvriers se rendirent à la vigne. A la sixième et à la neuvième heure le père de famille fit encore de même.

Mais à la onzième heure (c'était bien tard), il sort de nouveau, en trouve encore d'autres oisifs, et leur dit: « Pourquoi restez-vous donc tout le jour sans rien faire?» Ils répondirent : « Personne ne nous a donné d'ouvrage. » Le maître leur dit : « Allez, vous aussi, à ma vigne. »

Le soir arrivé, le père de famille ordonne de faire venir les ouvriers et de leur payer le salaire en commençant par les derniers. Ceux qui s'étaient donc rendus à la onzième heure reçurent chacun le denier, salaire du jour. Ceux qui avaient commencé les pre

1 Matth. xx, 1 et seq.

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