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drait-on, en étudiant la foi dans ses sources augustes et vénérables, de poser des bornes trop étroites à l'élan de l'investigation et du génie ?

Mais c'est la foi seule qui ouvre les champs du surnaturel et du possible, au delà des limites de la raison et de la nature. C'est avec sa lumière seule que nous parcourons d'un pas ferme et sûr les mondes invisibles, que nous scrutons jusqu'aux profondeurs de Dieu. C'est la foi seule qui nous fait aspirer à la vision de Dieu tel qu'il est en lui-même.

Est-ce que saint Augustin, saint Anselme et saint Thomas, Descartes et Malebranche, Bossuet et Fénelon ne durent pas en grande partie à la foi la hauteur de leurs pensées et la fécondité de leurs recherches! Et quels philosophes leur comparerez-vous?

Je le dirai hautement, Messieurs, la philosophie sans la foi, fût-elle jointe aux dons les plus précieux de la science et du génie, n'est pour moi qu'une terre basse, obscure, froide et stérile; la foi m'élève et me porte parmi les splendeurs des cieux.

Tout alors s'ouvre devant moi; je ne puis sans doute mesurer et comprendre l'infini, je puis du moins en approcher davantage et sans crainte, en contempler mieux les ineffables beautés et m'élancer avec ce guide infaillible vers les régions les plus élevées de l'essence et de la gloire divine, centre de toute vérité et de tout bien.

Tel homme rampe et se traîne dans des vallées resserrées, obscures et tortueuses; tel autre gravit d'un pas ferme la cime des montagnes. Pour celui-ci la route a pu cacher quelque temps à ses regards les ma

gnificences d'un vaste horizon. Mais son courage est pleinement récompensé : au sommet il trouve le repos après la fatigue, le soleil radieux après les nuages sombres, l'immensité des cieux après les bornes étroites de la terre. C'est une image vive du champ et de la vue de l'infini; il semble qu'on domine et qu'on dépasse les limites de cette création visible.

Ainsi en est-il des méditations de la philosophie jointes aux élévations de la foi, nobles et pures jouissances d'un cœur qui étudie et recherche son Dieu avec amour!

Je crois avoir, Messieurs, suffisamment fixé la notion du surnaturel; passons maintenant à l'examen rapide des préjugés qui en repoussent l'existence.

II. P. C'est au nom des droits de la raison qu'on prétend ne garder pour règle de croyance religieuse qu'une vague philosophie de la nature et rejeter le surnaturel révélé.

Pour certains esprits, il semble que la nature et la raison soient l'unique et véritable patrie des âmes. La foi leur paraît être le songe idéal de l'Atlantide. Ils sont, sans la foi, comme placés dans un continent fermé, d'où on ne saurait sortir sans tomber dans un abîme.

Non, nous ne détruisons point la nature et la raison en admettant le surnaturel enseigné par la foi. Nous reconnaissons au contraire que la foi elle-même suppose un emploi légitime de la raison naturelle; et nous aimons à proclamer la noble alliance de la phi

losophie et du christianisme; il y en a, je crois, des monuments glorieux dans tous les âges.

Réduisant la question à ses termes les plus simples, et fidèle à l'enseignement traditionnel et commun des Pères et des théologiens catholiques, nous disons encore ce qu'ils ont toujours dit bien avant Descartescomme depuis ce philosophe :

« Une chose quoique surnaturelle peut, avec l'aide du raisonnement et des lumières naturelles, devenir évidemment croyable par les miracles ou par d'autres moyens sensibles; parce que la crédibilité (qui n'est pas la foi) provient d'un moyen ou signe extérieur qui peut être évidemment et naturellement connu. » Ce sont les paroles mêmes de Suarez dans son traité de la Foi; elles reproduisent à peu près celles de saint Thomas sur la même matière, et je les ai fidèlement traduites 1. »

L'évidence de crédibilité perçue, ou la force reconnue des preuves qui rendent évidemment croyables les choses surnaturelles en d'autres termes, le fait même de la révélation divine, accepté par conviction, voilà, quant à l'appréciation du surnaturel chrétien, quel est le droit, ou mieux encore, le devoir de la raison.

Une forte et saine philosophie ne fera jamais autre chose, Messieurs, que de rendre plus inébranlables et plus certains pour l'intelligence humaine les fondements de la foi du surnaturel.

1 Suarez, De Fide disp. Iv, sect. 2, n. 4, 7, 8. — S. Th. 2a 2, q. 1, art. 4.

La méditation attentive retrouve aisément la lumière intérieure et naturelle qui nous montre invinciblement la certitude d'idées premières et des premiers principes; et ces premiers principes forment, à vrai dire, le fond de l'intelligence. Mais la raison sincère avoue en même temps ses bornes étroites, avec l'immense besoin qu'elle a cependant de connaître ce qui dépasse infiniment ses forces.

En vertu de la constitution de son intelligence et de l'usage nécessaire de ses organes, l'homme, qui ne peut déjà douter de son existence propre ni d'un certain nombre de vérités évidentes, ne peut pas douter davantage de l'existence des autres hommes. Au moyen des sens notre âme affectée et modifiée par une perception constante et uniforme à l'égard des objets ou des faits extérieurs, les voit, les touche pour ainsi dire elle-même; elle constate leur existence et n'en saurait nier la vérité. Et puisqu'il existe un Dieu auteur et conservateur de toutes choses, il serait luimême responsable de l'illusion et de l'erreur, si le témoignage et la signification des sens, dans leurs données les plus constantes et les plus naturelles, devaient nous tromper nous-mêmes.

Aussi, Messieurs, la philosophie noble et pure des génies chrétiens, en pénétrant jusqu'à la dernière raison des choses, trouve-t-elle pour garant de l'évidence et de la certitude dans l'ordre naturel, d'abord Dieu même et sa véracité infinie; Dieu présent et agissant au fond de l'intelligence de l'homme et dans tous les êtres qui nous entourent; Dieu manifestant clairement à l'homme les vérités premières et essen

tielles, ainsi que les existences contingentes et extérieures qui frappent uniformément nos sens. Elle trouve ensuite le témoignage certain des sens, qui se conserve et se perpétue dans le témoignage également certain des hommes.

Quand donc, sur des faits éclatants, sensibles et inévitablement connus, le témoignage des hommes nous est présenté dans des circonstances de vérification, de sagesse, de désintéressement et d'unanimité, qui, suivant toutes les lois morales des jugements humains, excluent absolument et comme impossibles à la fois l'erreur et l'imposture, alors ces faits, quels qu'ils soient d'ailleurs, sont avérés, irréfragables. Ou bien il n'y a plus de faits au monde, il n'y a plus d'histoire, il n'y a plus de générations se succédant d'âge en âge et se léguant les traditions du passé. Autant vaut dire : Il n'y a plus d'humanité, ni de société, ni de famille; car leur existence et leur état reposent en grande partie sur la succession de faits indubitables.

Ainsi, Messieurs, s'élèvent et planent, dans la lumière de la certitude historique, les faits primitifs du christianisme. Ils sont bien au-dessus des incertaines et sombres spéculations d'esprits aventureux qui semblent les mépriser comme s'ils n'étaient pas, ou s'ils n'avaient aucune signification, ou comme s'ils s'étaient passés dans une région beaucoup trop basse pour eux.

Quant à nous, le naturel est certain, autant et plus que toutes les vérités naturelles; car il repose sur des faits irréfragables qui le montrent révélé, institué par Dieu même. Je préciserai davantage ces faits tout à

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