Obrazy na stronie
PDF
ePub

QUARANTE-HUITIÈME CONFÉRENCE

LA TRINITÉ

MONSEIGNEUR,

On a voulu quelquefois concentrer systématiquement toute l'histoire dans la marche et l'influence de certaines idées dominantes aux diverses époques de l'existence des peuples. Les faits, les révolutions subies, les civilisations développées ne seraient ainsi que la forme et l'exposition des opinions et des idées ayant cours dans l'intelligence humaine.

J'admettrais ce principe dans une juste mesure; mais je pense qu'il cesse d'être vrai quand on veut, comme il arrive souvent, en faire une règle exclusive et absolue. On a pour lors d'avance une forme arrêtée des faits dans laquelle on les force, bon gré, mal gré, de rentrer, et qu'ils doivent exprimer comme un effet exprime sa cause, ce qui place bien souvent l'histoire dans le faux.

Cette injustice systématique a été commise par exemple à l'égard du christianisme, et commise doublement, quand on a voulu caractériser philosophiquement l'histoire de son établissement et de ses dogmes.

Ainsi on a voulu prétendre que le christianisme ne fut qu'un produit, un progrès des opinions dominantes de la philosophie; et la philosophie dominante lui fut diamétralement opposée, car l'épicuréisme présidait alors à la société romaine, à tel point que les comédiens dominaient dans Rome, au rapport de Sénèque, de Suétone et de Tacite. On a voulu prétendre aussi que les dogmes et les mystères chrétiens n'étaient que des formules tirées des philosophies orientales ou grecques; et ce furent ces philosophes, au contraire, qui combattirent la foi avec acharnement, et fournirent à l'hérésie antique ses armes, ses formes et l'appui d'une résistance opiniâtre.

Les faits nés des idées humaines et philosophiques furent ici, à vrai dire, le combat de l'hérésie contre le christianisme; la foi des mystères est alors un fait qui n'a son type et sa raison que dans des idées et une force supérieures à l'humanité tout entière.

J'ai cru, Messieurs, que je pouvais vous en offrir une nouvelle preuve.

Après vous avoir parlé jusqu'ici du besoin, de la nature, de la certitude et de l'obscurité de la foi, je dois aborder enfin son objet, nos mystères et nos dogmes eux-mêmes.

J'ai donc résolu aujourd'hui, avec le secours de la grâce, de vous parler de l'incompréhensible Tri

nité, le premier, le plus auguste des mystères catholiques.

Pour remplir ce grand devoir avec plus de fruit et d'intérêt, il m'a semblé que nous pouvions considérer ce dogme comme un fait dont l'origine et la durée au sein du christianisme sont une histoire.

Cette histoire, nous la trouverons tracée pas à 'pas et successivement par les erreurs mêmes qui attaquèrent la foi de l'Eglise en ce point.

L'erreur nous enseignera ainsi elle-même la vérité dans ce qu'elle attaqua sous toutes les formes.

L'erreur nous montrera sa mère la philosophie humaine; et la foi remontera toujours pour nous à la prédication révélée des pêcheurs de Galilée et de leur Maître, comme à sa source.

Sur le mystère auguste de l'adorable Trinité, deux erreurs capitales résument ici toutes les autres et pour tous les temps: le sabellianisme et l'arianisme.

Nous en étudierons l'origine, puis les phases diverses et les transformations jusqu'à nos jours.

I. P. La doctrine orthodoxe sur le mystère de la Trinité peut, Messieurs, se réduire aux données théologiques suivantes :

Il n'y a qu'un Dieu, qu'une seule et même nature divine, simple, indivisible dans la plus parfaite unité.

Il y a trois personnes distinctes dans la nature divine: le Père, le Fils, et le Saint-Esprit.

C'est-à-dire que l'essence divine, une, simple et identique, appartient à trois, subsiste en trois; de sorte

que l'unité de nature n'empêche pas la pluralité des personnes, et que la pluralité des personnes n'empêche point l'unité de nature.

Chaque personne divine est véritablement Dieu;

Les trois personnes divines sont parfaitement égales en tout;

La nature divine et les trois personnes ne sont pas quatre, ne constituent pas ce qu'on pourrait nommer une quaternité, mais bien une trinité.

Le Père n'a point de principe qui le produise; le Fils est engendré par le Père seul; le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, mais non par voie de gé– nération.

Quoique toutes les opérations extérieures, toutes les œuvres de Dieu ad extra, comme parle l'école, appartiennent par indivis et soient communes aux trois personnes de la très-sainte Trinité; cependant ni le Père ni le Saint-Esprit ne se sont incarnés, mais le Fils seul. Il y en a une raison dogmatique dans le fait révélé l'incarnation divine accomplie est la subsistance personnelle du Verbe seul dans l'une et l'autre nature divine et humaine.

Enfin les trois personnes, quoique réellement distinctes entre elles, sont consubstantielles, coessentielles et un Dieu unique; non à cause d'un consentement de volonté seulement, non comme collection réunie, ce qui ne ferait que l'unité morale; mais à cause de leur mutuelle union de subsistance dans une même nature, ce que les théologiens appellent circuminsession ou inexistence, et ce qui emporte et renferme avec une indivisible trinité de personnes, selon le langage théo

logique encore, une indivise unité de nature, individua Trinitas, indivisa unitas; voilà pourquoi le Fils de Dieu disait : « Mon Père et moi sommes une même chose, » Ego et Pater unum sumus.

Tel est, Messieurs, sommairement l'énoncé catholique du dogme de l'adorable Trinité; et nous avons dû vous l'apporter dans les termes consacrés eux-mêmes. Deux de ces termes sont à définir, nature et per

sonne.

La nature, l'essence ou la substance, quand il s'agit de Dieu, ont la même signification.

L'essence ou nature, c'est la raison même constitutive de l'être, ce par quoi il est ce qu'il est, et non pas autre.

La personne, c'est une nature intelligente et individuelle, complète, et terminée en elle-même; la personne est ce qui peut dire moi, ego; c'est le maître et le propriétaire des actions de la nature individuelle; la personne seule dira: Ces actions sont les miennes.

Vous savez bien d'avance, Messieurs, que nous ne venons point vous expliquer cet impénétrable mystère nous prétendons au contraire et nous professons ne pouvoir, ne devoir ni l'expliquer ni le comprendre.

L'Église de Jésus-Christ enseigne et définit le dogme de la Trinité; son autorité infaillible divinement instituée m'est garant de l'existence et du sens de la révélation divine en ce point; ainsi je crois la Trinité enseignée par l'Église parce que Dieu l'a révélée telle est la foi du catholique. Et l'âme s'arrête et se repose en paix dans la foi. Mais l'erreur indocile

« PoprzedniaDalej »