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Le jour consacré à la mémoire de ces trois prodiges est-il en même temps l'anniversaire de leur accomplissement? Cette question est débattue entre les savants. Dans ce livre, où notre but n'est autre que de favoriser la piété des fidèles, nous n'entrerons point dans ces discussions purement critiques; nous nous contenterons de dire que l'adoration des Mages a eu lieu en ce jour même, d'après le sentiment si grave de Baronius, de Suarez, de Théophile Raynaud, d'Honoré de Sainte-Marie, du cardinal Gotti, de Sandini, et d'une infinité d'autres, à l'opinion desquels se joint expressément le suffrage éclairé de Benoît XIV. Le Baptême du Christ, au six janvier, est un fait reconnu par les critiques les plus exigeants, par Tillemont lui-même, et qui n'a été contesté que par une imperceptible minorité d'écrivains. Quant au miracle des Noces de Cana, la certitude du jour précis de son accomplissement est moins grande, bien qu'il soit impossible de démontrer que ce prodige n'ait pas eu lieu le six janvier. Mais il suffit aux enfants de l'Eglise que leur Mère ait fixé la mémoire de ces trois manifestations dans la Fête d'aujourd'hui, pour que leurs cœurs applaudissent aux triomphes du divin Fils de Marie.

Si nous considérons maintenant en détail le multiple objet de la solennité, nous remarquons d'abord que l'adoration des Mages est celui des trois mystères que la sainte Eglise Romaine honore aujourd'hui avec le plus de complaisance. La majeure partie des chants de l'Office et de la Messe est employée à le célébrer; et les deux grands Docteurs du Siège Apostolique, saint Léon et saint Grégoire, ont paru vouloir y insister presque uniquement, dans leurs Homélies sur cette fête, quoiqu'ils confessent avec saint Augustin, saint

Paulin de Nole, saint Maxime de Turin, saint Pierre Chrysologue, saint Hilaire d'Arles, et saint Isidore de Séville, la triplicité du mystère de l'Epiphanie. La raison de la préférence de l'Eglise Romaine pour le mystère de la Vocation des Gentils, vient de ce que ce grand mystère est souverainement glorieux à Rome, qui, de chef de la gentilité qu'elle était jusqu'alors, est devenue le chef de l'Eglise chrétienne et de l'humanité, par la vocation céleste qui appelle en ce jour tous les peuples à l'admirable lumière de la foi, en la personne des Mages.

L'Eglise Grecque ne fait point aujourd'hui une mention spéciale de l'adoration des Mages; elle a réuni ce mystère à celui de la Naissance du Sauveur dans ses Offices pour le jour de Noël. Toutes ses louanges, dans la présente solennité, ont pour objet unique le Baptême de Jésus-Christ.

Ce second mystère de l'Epiphanie est célébré en commun avec les deux autres par l'Eglise latine, au six janvier. Il en est fait plusieurs fois mention dans l'Office d'aujourd'hui ; mais la venue des Mages au berceau du Roi nouveau-né attirant surtout l'attention de Rome chrétienne en cette journée, il a été nécessaire, pour que le mystère de la sanctification des eaux fût dignement honoré, d'en attacher la mémoire à un autre jour. L'Octave de l'Epiphanie a été choisie par l'Eglise d'Occident pour honorer spécialement le Baptême du Sauveur.

Le troisième mystère de l'Epiphanie étant aussi un peu offusqué par l'éclat du premier, quoiqu'il soit plusieurs fois rappelé dans les chants de la Fête, sa célébration spéciale a été pareillement remise à un autre jour, savoir au deuxième Dimanche après l'Epiphanie.

Plusieurs Eglises ont réuni au mystère du changement de l'eau en vin celui de la multiplication des pains, qui renferme en effet plusieurs analogies avec le premier, et dans lequel le Sauveur manifesta pareillement sa puissance divine; mais l'Eglise Romaine, en tolérant cet usage dans les rites Ambrosien et Mozarabe, ne l'a jamais reçu, pour ne pas déroger au nombre de trois qui doit marquer sur le Cycle les triomphes du Christ, au six janvier ; et aussi parce que saint Jean nous apprend, dans son Evangile, que le miracle de la multiplication des pains eut lieu aux approches de la Fête de Pâques : ce qui ne pourrait convenir en aucune façon à l'époque de l'année où l'on célèbre l'Epiphanie.

Pour la disposition des matières, dans cette solennité, nous garderons l'ordre suivant. Aujourd'hui, nous honorerons avec l'Eglise les trois mystères à la fois; dans le cours de l'Octave, nous contemplerons le mystère de la venue des Mages; nous vénérerons le Baptême du Sauveur, au jour même de l'Octave; et nous traiterons le mystère des Noces de Cana, au deuxième Dimanche après la fête, jour auquel l'Eglise a réuni, dans ces derniers temps, avec une parfaite harmonie, la solennité du très saint Nom de Jésus.

Livrons-nous donc tout entiers à l'allégresse d'un si beau jour; et dans cette fête de la Théophanie, des saintes Lumières, des Rois Mages, considérons avec amour l'éblouissante lumière de notre divin Soleil qui monte à pas de géant, comme dit le Psalmiste (Ps. xvIII), et qui verse sur nous les flots d'une lumière aussi douce qu'éclatante. Déjà les bergers accourus à la voix de l'Ange ont vu renforcer leur troupe fidèle ; le prince des Martyrs, le Disciple Bien-Aimé, la blanche cohorte

des Innocents, le glorieux Thomas, Silvestre, le Patriarche de la paix, ne sont plus seuls à veiller sur le berceau de l'Emmanuel; leurs rangs s'ouvrent pour laisser passer les Rois de l'Orient, porteurs des vœux et des adorations de l'humanité entière. L'humble étable est devenue trop étroite pour un tel concours; et Bethlehem apparaît vaste comme l'univers. Marie, le Trône de la divine Sagesse, accueille tous les membres de cette cour avec son gracieux sourire de Mère et de Reine; elle présente son Fils aux adorations de la terre et aux complaisances du ciel. Dieu se manifeste aux hommes, parce qu'il est grand; mais il se manifeste par Marie, parce qu'il est miséricordieux.

Nous trouvons dans les premiers siècles de l'Eglise deux événements remarquables qui ont signalé la grande journée qui nous rassemble aux pieds du Roi pacifique. Le six janvier 361, le César Julien, déjà apostat dans son cœur, à la veille de monter sur le trône impérial que bientôt la mort de Constance allait laisser vacant, se trouvait à Vienne dans les Gaules. Il avait besoin encore de l'appui de cette Eglise chrétienne dans laquelle on disait même qu'il avait reçu le degré de Lecteur, et que cependant il se préparait à attaquer avec toute la souplesse et toute la férocité du tigre. Nouvel Hérode, artificieux comme l'ancien, il voulut aussi, dans ce jour de l'Epiphanie, aller adorer le Roi nouveau-né. Au rapport de son panégyriste Ammien Marcellin, on vit le philosophe couronné sortir de l'impie sanctuaire où il consultait en secret les aruspices, puis s'avancer sous les portiques de l'église, et au milieu de l'assemblée des fidèles, offrir au Dieu des chrétiens un hommage aussi solennel que sacrilège.

Onze ans plus tard, en 372, un autre Empereur

pénétrait aussi dans l'église, en cette même solennité de l'Epiphanie. C'était Valens, chrétien par le Baptême comme Julien, mais persécuteur, au nom de l'Arianisme, de cette même Eglise que Julien poursuivait au nom de ses dieux impuissants et de sa stérile philosophie. La liberté évangélique d'un saint Evêque abattit Valens aux pieds du Christ Roi, en ce même jour où la politique avait contraint Julien de s'incliner devant la divinité du Galiléen.

Saint Basile sortait à peine de son célèbre entretien avec le préfet Modestus, dans lequel il avait vaincu toute la force du siècle par la liberté de son âme épiscopale. Valens arrive à Césarée, et, l'impiété arienne dans le cœur, il se rend à la basilique où le Pontife célébrait avec son peuple la glorieuse Théophanie. « Mais, comme le dit <«< éloquemment saint Grégoire de Nazianze, à « peine l'Empereur a-t-il franchi le seuil de l'en<< ceinte sacrée, que le chant des psaumes reten<< tit à ses oreilles comme un tonnerre. Il contem«ple avec saisissement la multitude du peuple « fidèle, semblable à une mer. L'ordre, la pompe << du sanctuaire éclatent à ses yeux d'une majesté plus angélique qu'humaine. Mais ce qui l'é<< meut plus que tout le reste, c'est cet Archevê<< que debout en présence de son peuple, le corps, « les yeux, l'esprit aussi fermes que si rien de << nouveau ne se fût passé; tout entier à Dieu et à <«<l'autel. Valens considère aussi les ministres « sacrés, immobiles dans le recueillement, rem<< plis de la sainte frayeur des Mystères. Jamais l'Empereur n'avait assisté à un spectacle si au<«< guste; sa vue s'obscurcit, sa tête tourne, son <«< âme est saisie d'étonnement et d'horreur. »

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Le Roi des siècles, Fils de Dieu et Fils de

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