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tend, ainsi qu'à l'horreur générale qu'ils inspirent: et voilà les furies qui tourmentent et punissent les mauvais rois, les mauvais pères, les enfans ingrats, etc.

ou

Le premier bien d'une grande ame est sa propre estime: elle seule lui fait compter pour rien pour très-peu de chose, l'estime des autres; contente de la mériter, elle y est d'autant plus indifférente qu'elle leur est plus supérieure: elle n'aspire tout au plus qu'à cette estime sentie, qu'accorde au vrai mérite l'homme de probité, de talent et de génie; mais elle ne fait aucun cas des éloges ou des mépris du vulgaire, c'est-à-dire de la très-grande majorité de l'espèce humaine.

Puisqu'il n'y a qu'une vraie raison, et partant qu'une vraie justice, il n'y a donc qu'une vraie conscience, celle de l'homme éclairé et juste. — Les individus qui, au lieu d'être gouvernés par la raison, le sont par l'opinion, la superstition, les préjugés, l'autorité, l'exemple, etc., n'ont point de conscience à eux, ou n'ont qu'une fausse conscience : leur conduite est incertaine et variable; car à peine savent-ils ce qui est bien, ce qui est mal; pour eux les vraies vertus sont sans prix, et les fausses vertus en ont beaucoup; trop souvent ils décorent de ce beau nom des actions inutiles et par fois abominables, des procédés insignifians ou ridicules, des habitudes vicieuses, etc. Souvent le fanatisme leur fait commettre, au nom du ciel et des dieux, les crimes les plus atroces en vain un reste de raison veut encore se faire entendre à ces esprits égarés ; la re

ligion et les prêtres ordonnent le contraire, et ils obéissent; mais comme la voix de la nature (qui ne peut être toujours et entièrement étouffée) devient par fois plus forte que celle des prêtres, on les voit souvent nouveaux Séïdes expirer dans les ane goisses de la douleur et du remords.

S'il n'est pas au monde de plus beau spectacle que celui d'un homme juste et ferme, constamment dirigé par les lumières d'une raison mâle et forte (1), il n'y a rien de si triste que le sort de cette foule d'individus qui, soumis aux impulsions contradictoires du bon sens ou de la lumière naturelle, des lois absurdes de l'exemple, de l'usage et de la mode, flottent incertains sans gouvernail et sans guide, jouets de leurs propres passions et de celles d'autrui. Au lieu de cette vive et pure lumière qui éclaire tous les pas du sage, ils n'ont pour se conduire que quelques lueurs fausses et vacillantes qui les égarent et les jettent dans les précipices (2).

La complication des passions et des intérêts dans

(1) Justum et tenacem propositi virum
Non civium ardor prava jubentium
Non vultus instantis tyranni

Mente quatit solida, neque auster
Dux inquieti turbidus Adriæ "
Si fractus illabatur orbis

Impavidum ferient ruinæ.

(HORACE.)

(2) Sed nil dulcius est bene quam munita tenere
Edita doctrinâ sapientium templa serenâ

Despicere, unde queas alios passimque videre

Errare, atque viam palantes quærere vita. (LUCRECF.)

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ces grandes masses d'hommes formant les sociétés ; la multitude des besoins, l'impossibilité de prévoir l'avenir, qui nous empêche de voir d'un coup-d'œil toute la chaîne de notre existence, et de prononcer à-la-fois sur tout l'ensemble de nos actions (en regardant la conduite de la vie entière comme un seul problême à résoudre ); la force malheureusement trop grande de l'imagination, des préjugés, des mauvaises institutions, de l'opinion, de la coutume etc., rendent très-pénible et très-difficile, même pour l'homme le plus éclairé et le plus honnête, l'exercice continuel de la raison pure: on est donc souvent réduit à gauchir, à biaiser, ou à louvoyer pour arriver à son but, en conciliant plusieurs puissances ennemies, et se maintenir en sûreté et en paix parmi les orages de la vie civile. Alors on est obligé de se servir de la raison comme d'une arme ou instrument flexible, comme d'un bouclier dont on se sert pour écarter les obstacles, parer les coups, et, autant qu'il se peut, faire face à tous les ennemis, à tous les dangers. universelle ainsi modifiée et habilement adaptée à tous les cas particuliers de la vie, par la nécessité de veiller à notre conservation, à notre intérêt, sans blesser celui des autres, est ce que j'appelle prudence.

La raison

Cette importante vertu, fille de la méditation et de l'expérience, ne s'acquiert que par un long apprentissage; c'est la vertu des hommes faits, et surtout de ceux qui sont destinés à commander aux autres. Elle est d'autant plus exercée, plus étendue

et plus active, que l'on a plus vécu et dans un poste plus élevé, car alors on a eu à résoudre journellement un bien plus grand nombre de problêmes, et des problêmes plus compliqués, plus importans; elle est indispensable à tous les hommes d'état, c'est le pivot de l'art de gouverner.

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La sagesse est un composé d'esprit, de raison de prudence, de justice, etc., en un mot c'est le résultat de toutes les lumières et de toutes les vertus devenues habituelles; c'est le talent de l'homme toujours maître de ses passions et de ses facultés et par cela même capable de manier habilement celles des autres : fruit précieux de la réflexion et de l'observation; elle contient l'art de vivre et de se bien conduire dans tous les cas possibles et dans toutes les conditions: compagne de la vraie philosophie, elle est la mère de la santé des plaisirs nobles et purs, et du vrai bonheur.

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Si la raison renferme ou fait naître toutes les vertus, on peut dire que la déraison, ce honteux composé d'ignorance, de fausseté, de préjugés, de sottise et d'erreurs, est la source de tous les vices et abus qui désolent les sociétés. Mère d'imprudence, d'iniquités, d'emportemens et d'excès, elle engendre et entretient le despotisme, la superstition, le fanatisme, l'intolérance, les troubles civils, les guerres injustes, les mauvaises lois, les mauvais plans d'éducation, enfin les mauvais gouvernemens et suite cette foule de vices et ma9 par ladies morales., fléaux des états, et résultat nécessaire d'une mauvaise police; tels sont l'égoïsme

l'apathie sociale ou l'indifférence pour le bien public, l'abrutissement de l'homme, l'esclavage, le monachisme, la lâcheté, la paresse, la mendicité, la misère, le vol, la débauche et la corruption générale des mœurs.

Conclusion de ce chapitre.

Aimer et hair, voilà donc en dernière analyse les deux grandes opérations de la volonté (force qui, comme je l'ai fait voir, doit sa naissance et son développement au système général de nos sensations, ou à l'action constante des objets extérieurs sur nos sens, et à celle du mécanisme intérieur). L'amour s'étend à tout ce qui peut nous faire jouir, et la haine à tout ce qui peut nous faire souffrir; de là l'amour de l'indépendance, de la liberté, des fenmes, des richesses, des dignités, des sciences, des voyages, de la société, de la musique, des spectacles, des jeux, des festins, des divertissemens, et en général de tout ce qui peut varier l'existence, et rendre la vie douce et commode; et la haine de l'esclavage, de la pauvreté, de l'obscurité, de l'uniformité, de l'ennui, des privations, des rigueurs du tems, de la dureté, du mépris et de l'injustice des hommes bien plus insupportables, de toutes les situations pénibles du corps, de l'esprit et du cœur, en un mot de tout ce qui tend à diminuer nos plaisirs et à augmenter nos peines.

L'amour renferme tous nos goûts favoris, nos penchans vertueux, les affections et passions douces

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