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ou absurdes, est ou au-dessus de la raison, ou contre la raison, d'où il suit qu'un homme de bon sens ne peut ni ne doit s'en occuper : un bon citoyen doit tous ses momens à la chose publique, à sa famille, à ses amis, et il ne lui en reste point à perdre dans de vains débats et le dédale obscur de toutes ces orgueilleuses puérilités; 2°. que la vraie philosophie, qui n'est que la science de l'homme, des arts et de la nature, se compose uniquement de tous les élémens précités, qui sont aussi ceux de la raison, dont le perfectionnement est notre premier devoir et doit faire notre plus constante occupation, puisque c'est là-dessus que repose l'art d'élever, de guérir, de gouverner les hommes, c'est-à-dire, l'ensemble des moyens de les rendre heureux (ou plus exactement aussi peu malheureux qu'il est possible); 3°. ce n'est pas sans un bon motif que j'ai séparé la connoissance de l'histoire de la nature de celle de la fable et de la superstition (1). Elles sont formées d'élémens incompatibles, qu'il seroit fort dangereux de mêler et de confondre, parce qu'ils se combattroient et se détruiroient mutuellement dans une tête encore trop foible pour en faire le départ; au lieu que dans un esprit formé les êtres fantastiques ne sont plus que

(1) Une dernière précaution ( dit l'illustre chancelier Bacon, OEuvres philosophiques et morales, tom. 2, pag, 163), mais la plus essentielle, c'est de ne jamais former un mélange adul→ tère de la nature avec la religion; cette mésalliance n'enfante que des erreurs, la révélation ne prend point la raison pour interprète; et si l'homme est l'image de dieu, la nature n'offre point de miroir de cette ressemblance.

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des ombres, qui fuient devant la vérité comme les ténèbres devant la lumière du jour. - Comme pourtant l'histoire des êtres imaginaires fait partie de celle de l'esprit humain, dont il n'est guère moins utile de connoître les écarts et les erreurs que la marche méthodique et les productions régulières; comme d'ailleurs la fable est un vieux magasin d'où l'imagination tire encore ses principaux sujets, la base de ses comparaisons et de ses compositions en peinture, en sculpture et en poésie, qui contribuent tant à nos plaisirs et répandent une foule d'agrémens sur les voyages, sur-tout quand ils ont pour but l'archeologie ou l'étude des monumens antiques, elle ne doit pas être tout-à-fait négligée dans un bon plan d'éducation; mais il falloit avant tout avoir les moyens de la reconnoître pour ce qu'elle est, pour la fable.

Ce n'est qu'après avoir suffisamment étudié la langue de l'analyse de la raison et des sciences qu'on devroit passer à celle de l'imagination et de la poésie (qui au reste a bien aussi son genre d'analyse); alors on ne seroit plus exposé à réaliser et à diviniser des chimères; on ne seroit plus la dupe d'une expression figurée, d'une fiction poétique que l'on sauroit réduire à sa juste valeur, en un mot l'on parleroit une langue que l'on entendroit. Il y auroit peut-être, en suivant cette méthode, un peu moins d'orateurs, de poètes et de beaux esprits; mais

il

y auroit aussi beaucoup moins d'enthousiastes, d'esprits faux, etc., et beaucoup plus d'esprits so

là les hommes vraiment utiles pour la bonne orga nisation et la bonne administration des sociétés que les autres ne font qu'amuser ou embellir lorsqu'ils ne contribuent pas à les séduire, à les égarer et à les corrompre. Je regarde donc comme très-vicieux, sous ce rapport et beaucoup d'autres, l'ancien plan d'études des colléges qui, commençant l'enseignement par où on auroit dû le finir, ne remplissoit d'abord la tête des élèves que des détails de grammaire, d'histoire ancienne, des contes de la mythologie et de la théologie, etc., dont le langage, souvent aussi inexplicable pour les maîtres qu'inintelligible pour les écoliers, étoit un puissant obstacle au développement de leurs facultés, et plutôt une introduction aux préjugés, aux erreurs et à l'esprit fauxi, qu'à l'étude des connoissances vraiment utiles, à la vérité, à la raison et au bon esprit.

Le bon sens nous dit que dans tout pays où l'abrutissement de l'homme n'est pas réduit en systême, il faut étudier les objets réels avant les êtres fantastiques et imaginaires, et voir l'homme, l'univers et la nature tels qu'ils sont, tels que les montre l'observation constante des peuples, ou plutôt des hommes de génie et des bons observateurs dans chaque pays, avant de les envisager tels qu'ils ont été créés, embellis ou défigurés par] défigurés par les théologiens et les poètes. Ainsi l'instruction doit commencer, ainsi que je l'ai dit, par l'étude descriptive des diverses branches de l'histoire naturelle et. des arts, se continuer 1o. par celle des élémens de physique expérimentale et de chimie; 2°. par celle du dessin,.

de la géométrie et de toutes les sciences mathématiques; 3. en s'élevant toujours du plus simple au

plus composé se terminer par celle de la morale, de l'histoire, de la législation, de l'économie politique, etc., enfin par l'analyse générale des sciences et de l'esprit humain qui suppose dans une tête l'immense récapitulation de toutes nos connoissances. 4°. L'on peut, pour n'être pas étranger aux productions des beaux arts et en bien juger, ajouter à tout cela la connoissance de la fable et des antiquités et se livrer quelque tems à l'analyse des produits de l'imagination reconnus pour tels comme on l'avoit fait pour les ouvrages de la nature. En se conduisant ainsi, l'on saura toujours où l'on en est, on sera toujours en état de distinguer le monde réel du monde fabuleux, et d'éviter les erreurs les préjugés et la confusion qui naissent nécessairement du mélange inconsidéré de l'un avec l'autre.

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Conclusion de ce chapitre.

L'on voit par ce tableau abrégé des élémens d'une bonne éducation, quel être précieux et rare est un habile instituteur, qui doit réunir les lumières, les talens et les vertus. Connoissance approfondie do l'esprit et du cœur, talent de l'observation, prudence, patience, sang-froid, usage du monde et des affaires, politesse, surveillance continuelle sur lui-même comme sur son élève, etc. telles sont les qualités qu'il doit réunir pour ne pas manquer

sible; de plus c'est un homme qui renonce , pour ainsi dire, à sa propre existence, pour ne plus s'occuper que du soin de créer celle d'un autre, et qui ne peut attendre pour prix d'un aussi grand, d'un aussi généreux dévouement, ni la fortune, ni la gloire ; il peut tout au plus se promettre la reconnoissance souvent incertaine de ses élèves. Combien donc un père riche, et qui ne peut veiller lui-même à l'éducation de ses enfans, ne doit-il pas s'estimer heureux de pouvoir, à quelque prix que ce soit, rencontrer un bon gouverneur qui le remplace dans cette importante fonction? car nous avons peu bligation à ceux qui nous ont donné la vie, s'ils ne nous donnent en même tems ce qui peut la rendre douce et heureuse, ou du moins supportable, et rien ne peut mieux procurer cet avantage qu'une excellente éducation, de beaucoup préférable à la fortune la plus étendue, lorsqu'elle ne s'y trouve pas jointe.

d'o

J'avoue que de tels hommes sont aussi rares que ceux qui sont capables de les apprécier et qui veulent les payer. Aussi les bons gouvernemens, jaloux de créer ou de renouveller cette pépinière d'hommes à talent, d'où ils doivent tirer tous les fonctionnaires publics (soutiens des états), doivent-ils s'empresser de suppléer par un excellent plan d'instruction publique à l'impossibilité où sont les particuliers de trouver pour leurs enfans des précepteurs qui réunissent tant de connoissances diverses. Ils peuvent, à l'aide du trésor public, faire ce qui étoit impossible aux revenus particuliers; ils trouveront aisément, avec

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