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jockey-club. Le duc de Nemours et le duc d'Aumale se chargent d'en continuer les meilleures traditions.

Quant aux théâtres proprement dits, nous n'avons à signaler que l'apparition d'un vaudeville qui a médiocrement réussi aux Variétés. Cette petite comédie des Trois Epiciers dure beaucoup trop, et les acteurs l'ont assez mal jouée. La pièce est trop longue, et les acteurs trop vieux. Les Italiens ont repris Don Juan, et jamais Rubini et Tamburini n'ont mieux chanté. Mlle Pauline Garcia, qui a pris à l'improviste le rôle de Zerline à la seconde représentation, a chanté et joué avec un art charmant, dont elle seule connaît le secret à dixhuit ans. L'Opéra a repris aussi la Vendetta; Mme Stoltz a chanté la partie de Duprez avec talent, mais la musique de M. de Ruolz n'a pas reçu un bien vif accueil. L'Opéra doit hâter la première représentation des Martyrs de Donizetti,

Comme on le voit, les théâtres n'ont vécu ces derniers jours que sur leur passé. La Renaissance elle-même, ce théâtre si actif, si aventureux en pièces nouvelles, a remis une pièce qui avait déjà paru sur une autre scène. Si Clotilde a eu à la Renaissance toute la solennité d'une première représentation, ce n'est pas qu'un bien grand intérêt littéraire se rattachât au drame de MM. Soulié et Bossange. Clotilde est sans aucun doute une des œuvres dramatiques où M. Frédéric Soulié a le plus dépensé de cette sauvage énergie qui lui est propre. L'exposition est lente; les premiers actes sont languissans; la préparation est d'une longueur qui lasse l'attention et décourage la patience; le drame ne commence guère, à vrai dire, que vers la fin du troisième acte; mais dès lors les sympathies s'éveillent, l'attention se ranime, l'intérêt s'allume, et je ne pense pas que le drame moderne nous ait jamais fait assister à une lutte plus passionnée et plus terrible. Malheureusement il en est de cette œuvre comme de toutes celles que nous avons vues naître en ce temps de littérature hasardée et de productions hâtives. Elles ne manquent pour la plupart ni de force, ni de puissance; mais c'est vainement qu'on chercherait en elles les qualités exquises qui donnent l'éternelle vie et assurent l'éternelle jeunesse. Parées du prestige de la nouveauté, elles répandent à leur apparition un assez vif éclat; mais, dépouillées une fois de ce charme printanier qui s'attache à toute œuvre nouvelle, elles tombent bientôt dans l'oubli, et, lorsqu'on les retrouve, après quelques années d'absence, on est stupéfait de voir qu'il ait fallu si peu de jours pour ternir tout cet éclat et abattre toute cette flamme. Au foyer qui jetait de si brillantes étincelles, il ne reste plus que de la cendre froide et des tisons noircis. Je ne sais rien de plus douloureux que d'observer ainsi les ravages du temps sur les produits de l'intelligence. Je ne parle plus de Clotilde, qui est, malgré ses nombreuses imperfections, une des œuvres modernes que le temps ait le plus épargnées. Mais combien en est-il que nous avons vues, à leur lever, resplendir comme des soleils, et que nous ne reconnaissons plus à cette heure, lorsqu'elles s'avisent de secouer le pâle linceul où l'indifférence les tient ensevelies! Il en a été de ce faux sentiment et de ce faux langage comme de l'or faux et des faux diamans le temps les a trahis. Où sont allées toutes ces imaginations extravagantes qui, voici tantôt dix ans, ameutaient l'admiration autour d'elles? Que sont devenues ces merveilleuses inventions qui n'avaient que la prétention de condamner Racine au mépris? Dix ans à peine ont passé là-dessus, et tout cela est vieux et décrépit, bon tout au plus à pendre aux crocs de la friperie litté

raire. Il n'est que la vérité qui soit éternellement belle. On peut surprendre l'admiration des sots et même des gens d'esprit, on se grise bien avec de méchant vin; mais alors il en est de l'ivresse du triomphe comme de celle du festin, le lendemain est un mauvais jour.

Quoiqu'il en soit, après une longue absence, Clotilde a reparu avec succès au théâtre de la Renaissance. Est-ce à dire que ce drame renferme plusieurs des qualités qui font les œuvres impérissables? Nous n'oserions l'affirmer. Mais on se rappelait quel grand et légitime triomphe obtint jadis au ThéâtreFrançais Mlle Mars dans le rôle de Clotilde. Cette fois, moins par prétention rivale que par fantaisie d'artiste, Mme Dorval devait tenter le même rôle, et le public est accouru, toujours épris, quoi qu'on dise, de ces belles luttes de l'art. Tout parallèle est un jeu d'esprit devenu si vulgaire, qu'on nous dispensera d'en établir aucun entre ces deux actrices, qui tiennent à des titres si divers le haut de la scène française.

La critique n'a-t-elle pas épuisé ce sujet fécond en fines antithèses? Tout ce que nous pouvons dire, c'est que ce rôle de Clotilde a été créé deux fois; c'est qu'à cette heure il existe deux Clotilde, différant absolument l'une de l'autre, au point que les auteurs eux-mêmes ne sauraient imaginer que c'est le même personnage. L'une, noble et charmante, au chaste maintien, à la voix mélodieuse, au geste contenu, semble égarée et mal à l'aise au milieu de cette passion turbulente où l'a jetée la fatalité. On sent qu'elle était née pour des sentimens plus calmes et plus voilés. Ce front serein n'appelait point l'orage; ces lèvres ne devaient que sourire; l'ivresse de la douleur ne sied pas à tant de grace et de perfection. Elle le sait bien elle-même, elle sait bien que ces grands désespoirs ne lui vont pas, et qu'elle y perd quelque chose du charme de la nature. Aussi, dans sa passion, que d'art et que d'adresse! quelle jalousie élégante! quelle fureur bien élevée! et comme on voit bien que cette femme a honte de ses emportemens, et que sa place n'est point là, mais bien dans quelque salon doré, vêtue de fleurs et de satin que la colère n'effeuille ni ne froisse, au milieu de femmes qui l'envient et d'hommes aux belles manières qui recueillent avec respect les trésors de son langage et de son sourire! L'autre Clotilde représente, au contraire, la passion dans sa force et dans sa liberté. C'est la Clotilde du poète, celle qui a du sang italien dans les veines, nature indomptée qui ne saurait s'assouplir aux exigences du monde, cœur avide de tourmens et de pleurs. Celle-là ne connaît point de règle et n'admet pas de frein. Sa voix, âpre et vibrante, éclate dans les tempêtes de l'ame. On sent que celle-là prend la passion au sérieux et qu'elle n'y va pas de main morte, aussi terrible dans sa douleur que la première est réservée dans son désespoir. Ce sont bien, cette fois, de vrais sanglots et de véritables larmes. Celle-là ne craint pas d'arracher les fleurs de ses cheveux, de déchirer le satin de sa robe, de se meurtrir le sein et d'ensanglanter son visage. Elle se soucie bien qu'on l'observe d'un regard railleur ! Elle aime, elle est trahie, elle veut mourir, elle mourra, mais non pas sans vengeance. Elle meurt en effet; si bien qu'après avoir applaudi, dans la première, le charme de la fiction, vous admirez, dans la seconde, la poésie de la réalité. L'une supplée la nature par l'art, l'autre l'art par la nature. La première se nomme Mile Mars, la seconde Me Dorval.

F. BONNAIRE.

REVUE

DE PARIS.

XIV.

IMPRIMERIE DE H. FOURNIER ET CIE, Rue de seine, 14 BIS.

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