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blis dans un coin de terre éloigné, qu'ils ont été les premiers à rendre habitable, il est difficile de voir d'après quels principes (si ce n'est ceux de la tyrannie) on peut les empêcher de vivre là à leur guise, pourvu qu'ils ne commettent point d'agression envers les autres nations, et qu'ils laissent aux mécontents toute liberté de départ. Un écrivain moderne d'un mérite considérable à quelques égards, propose (nous nous servons de ses propres termes) non pas une croisade, mais une civilisade contre cette communauté polygame, pour mettre fin à ce qui lui semble un pas rétrograde dans la civilisation. Je vois la chose de même, mais je ne sache pas qu'aucune communauté ait le droit d'en forcer une autre à être civilisée. Du moment où les victimes d'une mauvaise loi n'invoquent pas le secours des autres communautés, je ne puis admettre que des personnes complétement étrangères aient le droit de venir exiger la cessation d'un état de choses qui paraît satisfaire toutes les parties intéressées, uniquement parce que c'est un scandale pour des gens éloignés de quelques milliers de milles et parfaitement désintéressés dans la question. Envoyez-leur des missionnaires, si bon vous semble, pour les prêcher là-dessus, et employez tous les moyens loyaux (imposer silence aux novateurs n'en est pas un) pour empêcher le progrès de semblables doctrines dans votre pays. Si la civilisation a prévalu sur la barba

rie, quand la barbarie possédait le monde à elle seule, il est excessif de craindre que la barbarie défaite une bonne fois puisse revivre et conquérir la civilisation. Une civilisation qui pourrait succomber ainsi devant son ennemi vaincu doit être tellement dégénérée, que ni ses prêtres, ni ses instituteurs officiels, ni personne autre n'a la capacité ou ne veut prendre la peine de la défendre. S'il en est ainsi, plutôt on sera quitte de cette civilisation, mieux ce sera. Elle ne peut qu'aller de mal en pire, jusqu'à ce qu'elle soit détruite et régénérée (comme l'empire d'Occident) par d'énergiques barbares.

CHAPITRE V

APPLICATIONS

Les principes proclamés dans cet ouvrage doivent être admis plus généralement comme base pour une discussion de détails, avant qu'on puisse essayer avec quelque chance de succès de les appliquer aux diverses branches de la politique et de la morale. Le peu d'observations que je me propose de faire sur des questions de détails, sont destinées à éclaircir les principes plutôt qu'à les suivre dans leurs conséquences. Je n'offre pas tant des applications que des échantillons d'applications, lesquels peuvent servir à jeter plus de lumière sur le sens et les limites des deux maximes qui sont le fond de cet essai : en outre ces applications peuvent aider le jugement à prononcer avec équité, toutes les fois qu'on ne sait trop laquelle des deux maximes appliquer.

Voici maintenant ces maximes: 1° l'individu n'est

pas responsable envers la société de ses actions, du moment où elles ne touchent les intérêts de personne autre que lui-même. Les conseils, l'instruction, la persuasion, l'isolement, si les autres jugent nécessaire pour leur propre bien de recourir à ce dernier moyen, telles sont les seules manières dont la société puisse légitimement témoigner son dégoût ou sa désapprobation de la conduite de l'individu; 2o pour des actions estimées préjudiciables aux intérêts d'autrui, l'individu est responsable et peut être soumis aux punitions sociales ou légales, si la société juge les unes ou les autres nécessaires pour se protéger.

D'abord il ne faut nullement croire qu'un tort ou le risque d'un tort fait aux intérêts d'autrui puisse toujours justifier l'intervention de la société, parce qu'il peut seul la justifier dans certains cas. Dans un grand nombre de cas un individu en poursuivant un objet légitime cause nécessairement, et par suite légitimement, un tort ou une peine à d'autres individus, ou intercepte un bien qu'ils pouvaient raisonnablement espérer. De telles oppositions d'intérêts entre les individus proviennent souvent de mauvaises institutions, mais sont inévitables tant que ces institutions durent; quelques-unes même seraient inévitables sous toute espèce d'institutions. Quiconque réussit dans une profession encombrée ou dans un concours, quiconque est préféré à un autre dans toute

lutte pour un objet que deux personnes désiraient, tire un profit de la perte des autres, de leurs exertions frustrées et de leur désappointement. Mais c'est chose admise de tous: il vaut mieux, dans l'intérêt général de l'humanité, que les hommes continuent leurs poursuites, sans en être détournés par cette sorte de conséquences. En d'autres termes, la société ne reconnaît aux compétiteurs désappointés aucun droit légal ou moral à être exempts de cette espèce de souffrance: elle ne se sent appelée à intervenir que lorsque les moyens de succès employés sont de ceux que l'intérêt général ne peut permettre, savoir la fraude ou l'escroquerie, et la violence.

Encore une fois commercer est un acte social. Quiconque entreprend de vendre une marchandise quelconque, fait là une chose qui touche les intérêts d'autrui et de la société en général; donc, en principe, sa conduite encourt la juridiction de la société en conséquence, on regardait autrefois comme du devoir des gouvernements, dans tous les cas de quelque importance, de fixer les prix et de régler les procédés de manufactures. Mais on reconnaît maintenant, quoique seulement après une longue lutte, qu'on assure plus efficacement le bon marché et la bonne qualité des denrées en laissant les producteurs et les vendeurs parfaitement libres, sans autre frein que l'égale liberté pour les acheteurs de se fournir ailleurs. Telle est la doctrine dite du libre

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