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SECONDE

EXHORTATION

POUR

LA BOURSE CLERICALE

DE SAINT-NICOLAS-DU-CHARDONNET, A PARIS.

Honora Dominum ex totâ animâ tuâ : honorifica sacerdotes, et da illis partem, sicut mandatum est tibi, primitiarum.

Honorez le Seigneur de toute votre âme honorez les prêtres et donnez-leur la part des prémices, comme la loi vous l'ordonne. Dans l'Ecclésiaste, chap. v11.

Ce n'est pas sans raison que l'Écriture sainte, qui est la source de la vérité et de la règle de nos devoirs, nous représente presque toujours l'honneur que nous devons aux prêtres, avec celui que nous devons à Dieu; parce qu'il y a une liaison nécessaire entre Dieu et ses ministres, et que l'intérêt de l'un est inséparable de celui des autres. Si je regarde ce que Dieu fait pour eux, ce sont des hommes que Dieu choisit pour sa miséricorde, qu'il sanctifie par sa grâce, qu'il consacre par ses onctions, qu'il conduit par sa providence, qu'il éclaire par sa vérité, et qu'il couronne par sa gloire. Si je regarde leur ministère

à l'égard de Dieu, ce sont des hommes qu'il a choisis pour servir à l'accroissement de son règne, à l'accomplissement de ses mystères, à la dispensation de son Évangile, à la conduite spirituelle de sa famille. Si je considère le soin qu'il a de leur honneur; tantôt il commande de s'humilier en leur présence, parce qu'ils portent le caractère de son royal sacerdoce; tantôt il ordonne de leur obéir, parce qu'ils sont les ministres de ses volontés et de sa parole; tantôt il exhorte de les assister dans leurs besoins, parce que les offices qu'on leur rend font une partie de sa religion; tantôt il enjoint de les nourrir, parce qu'il veut qu'ils soient tous à lui, et qu'ils soient dégagés de tous les embarras des affaires séculières. D'où je conclus qu'il n'y a rien de si conforme aux intentions de Dieu que la miséricorde qu'on a pour ses prêtres, et que rien ne lui déplaît tant que le refus qu'on fait de les secourir dans leurs nécessités; parce que c'est manquer à l'honneur qu'on lui doit que de ne pas avoir soin de ses ministres.

Il faut donc connoître la dignité du sacerdoce chrétien, et remarquer qu'il y a trois qualités qui font toute la grandeur de Jésus-Christ: celle de Rédempteur des hommes, qu'il a acquise par l'effusionde son sang; celle de juge des hommes, qu'il a reçue de son Père quand il a été constitué juge des vivans et des morts; celle de Pontife et d'Intercesseur, qu'il exerce dans le ciel, exposant nos besoins et demandant miséricorde pour nous. Ainsi, selon ces différens états, il a droit de réparer les péchés, de juger

les pécheurs, d'intercéder pour les pécheurs. Or, comme le Père a donné tout pouvoir à Jésus-Christ, Jésus-Christ a donné tout pouvoir au prêtre en l'établissant au-dessus du reste des hommes, et lui donnant une puissance de sacrifice, une puissance de jugement, une puissance d'intercession. Par la première, le prêtre consacre le corps et le sang de JésusChrist; il l'offre sous les symboles mystiques après l'avoir consacré ; et continue à exercer sur la terre le sacerdoce de Jésus-Christ, qu'il ne peut y exercer luimême en cet état d'abaissement et de mort où il est présenté sur nos autels. Quoi de plus noble? Par la seconde, il est établi juge des pécheurs ; il ouvre et il ferme ; il lie et il délie; il retient et il remet; et, comme s'il étoit au-dessus de toutes les foiblesses dé notre nature mortelle, et affranchi de toutes les passions humaines, le ciel retient ce qu'il a retenu, et remet ce qu'il a remis. Quoi de plus puissant? Enfin il intercède pour le peuple; et, se mettant entre Dieu et les hommes comme un entremetteur charitable et accrédité, il porte à Dieu les vœux, les oblations et les prières des hommes, et rapporte aux hommes les grâces et les bienfaits de Dieu; et, par ces offices mutuels, il réconcilie le ciel avec la terre. Quoi de plus honorable ?

Mais ce qui rend leur condition plus élevée, la rend aussi plus dangereuse; et je vois dans leur propre grandeur les devoirs qu'elle leur prescrit et les dangers où elle les expose. S'ils sont les prêtres du Dieu vivant, ils doivent être en même temps ses victimes;

s'ils offrent Jésus-Christ comme le sacrifice de leur main, ils doivent s'offrir eux-mêmes comme le sacrifice de leur cœur; s'ils sont prêtres par cette ordination extérieure, qui les attache au ministère des autels, ils doivent être victimes par cette onction intérieure qui les appelle à la destruction de leurs passions. S'ils sont établis juges dans le tribunal de la pénitence, ne faut-il pas qu'ils soient remplis des lumières de la seience et de la doctrine de la vérité, et qu'ils trouvent en eux ce tempérament de force et de douceur qui est si rare et si difficile, afin qu'ils n'irritent pas les pécheurs par une sévérité excessive, ou qu'ils ne les corrompent pas par une indulgence inconsidérée, et qu'on puisse dire d'eux ce que saint Bernard dit de Dieu même : que sa force est tempé rée par sa douceur, et sa douceur soutenue par sa force? S'ils sont enfin les intercesseurs et les réconciliateurs entre Dieu et les hommes, comment s'en acquitteront-ils, s'ils ne sont dans la charité de Dieu, s'ils n'ont de la charité pour les hommes ? Malheur à ces ministres infidèles qui, n'étant pas encore réconciliés avec Dieu, entreprennent de réconcilier les pécheurs avec lui! Malheur à ces enfans de colère qui, devant être les ministres animés des grâces du Dieu vivant, ne sont eux-mêmes que des instrumens morts, par lesquels l'Esprit de Dieu produit ses grâces pour la sanctification des autres et pour leur propre condamnation!

Combien voit-on de prêtres dans les villages, et souvent même dans les villes, indignes du sacerdoce

où ils se sont jetés précipitamment et sans épreuve, incertains de ce qu'ils doivent pratiquer et de ce qu'ils doivent enseigner aux autres; qui regardent leur vocation, non pas comme un ministère de travail, mais comme un prétexte d'oisiveté; non pas comme un emploi qui doit les sanctifier, mais comme un métier qui doit les nourrir; qui font un trafic de la piété, et une composition monstrueuse d'une âme basse et intéressée, avec une dignité toute sublime, toute spirituelle, toute sainte. De là vient qu'au mi- . lieu de la religion ils vivent comme des profanes; qu'ils s'approchent non-seulement sans crainte et sans tremblement, mais encore avec une confiance criminelle, des mystères effroyables; et qu'ils ne rapportent de la fréquentation des choses saintes, que le mépris qui naît de la familiarité et de la coutume qu'ils ont de les violer. De là vient que, prenant les vices des peuples qu'ils conduisent au lieu de leur communiquer leurs vertus, déshonorés par leurs déréglemens et par leur ignorance ils font passer du mépris de leurs personnes à celui de leur dignité; et, perdant les premiers le respect qu'ils doivent à la sainteté de leur caractère, ils se rendent les premiers coupables des mépris et des injures qu'ils souffrent des autres.

Pardonnez si je découvre ici une des principales plaies de l'Église pour vous exciter à contribuer aux remèdes nécessaires pour la guérir. Vous pouvez arrêter une partie de ces désordres par les secours que vous donnerez aux prêtres qu'on instruit, et qu'on

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