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PREMIÈRE

EXHORTATION

POUR

LA BOURSE CLERICALE

DE SAINT-NICOLAS-DU-CHARDONNET, A PARIS.

Beatus qui intelligit super egenum et pauperem.

Bienheureux celui qui sait discerner le pauvre d'avec le pauvre.

Ces paroles sont tirées du Psaume XL.

QUOIQUE la pauvreté et la misère en général soient l'objet de la compassion et de la miséricorde des hommes; quoiqu'il ne soit pas sûr de resserrer la charité et de lui marquer les bornes précises, que la loi de Dieu lui a prescrites; quoiqu'il soit dangereux de raisonner sur les misères d'autrui, et mettre des préférences entre ceux que la providence de Dieu semble avoir rendus également misérables; toutefois l'Écriture Sainte nous enseigne qu'il y a un ordre dans nos devoirs ; que la charité a ses règles pour faire plus ou moins de bien selon les occasions; qu'encore qu'elle soit toujours libérale, elle doit être toujours prudente et circonspecte; et que, si c'est sa gloire de répandre partout les assistances qu'on lui demande, c'est son

bonheur de découvrir les plus pressans besoins, et de soulager les nécessités les plus importantes.

C'est sur ce fondement que je viens vous représenter aujourd'hui une espèce de pauvres doublement évangéliques, que Jésus-Christ a choisis pour l'imiter et pour le servir; pour pratiquer l'Évangile et pour l'annoncer; pour être les images de són humilité et de sa patience, comme pauvres ; et les ministres de sa puissance et de sa charité, comme prêtres. Ne craignez pas que vos aumônes soient mal employées; ils ne reçoivent des secours temporels que pour acquérir des richesses spirituelles, et pour les répandre après sur leurs frères. Ce ne sont pas de ces hommes errans, que leur malheur ou leur propre faute a réduits à vivre aux dépens d'autrui; et qui, consumant, dans une grande inutilité de vie, les fruits de la terre sans la cultiver, rendent les riches tributaires de leurs misères, par l'importunité de leurs demandes; et peut-être complices innocens de leur oisiveté, par la facilité des assistances qu'on leur donne. Ne craignez pas qu'en soulageant la pauvreté de ceux pour qui je vous parle, vous entreteniez leur paresse. Ils ne veulent que travailler, et ne travaillent que pour Dieu. Ce sont autant d'ouvriers que vous louez pour le père de famille. Si l'honneur de l'Église vous touche; si la dignité dn sacerdoce vous est connue; si vous vous intéressez au salut des âmes qui coûte si cher à Jésus-Christ; j'ai lieu de croire que, comme vos aumônes sont les plus justes, elles seront aussi les plus abondantes.

La nature a mis dans le cœur de chacun je ne sais quelle tendresse pour la patrie, qui a fait de tout temps comme une espèce de piété et de religion parmi les hommes. On s'intéresse à ce qui la regarde; on sent qu'on lui appartient; on est touché de ses pertes et de ses disgrâces; on se réjouit de ses prospérités, on n'épargne ni bien, ni repos, ni vie même, lorsqu'il s'agit de son salut ou de sa gloire; soit qu'un instinct secret nous porte à tout donner pour celle qui nous a donné la naissance; soit qu'un mélange d'intérêt et une union de fortune lient les particuliers avec le public; soit que la Providence divine ait voulu entretenir la charité parmi les hommes, par le commerce des secours et des assistances mutuelles qu'ils se rendent.

Si l'amour de la patrie terrestre et les droits de la société civile sont des devoirs si forts et si indispensables, quelle doit être l'union des chrétiens, qui sont les domestiques de Dieu et les citoyens de la Jérusalem céleste, je veux dire de l'Église, bâtie sur le fondement des Prophètes et des Apôtres, et dont JésusChrist est la pierre angulaire ? C'est dans son sein que nous sommes devenus enfans de Dieu par une renaissance spirituelle. C'est par elle que nous avons été dépouillés du vieil homme, et revêtus du nouveau, créés dans la justice et dans la sainteté de la vérité. C'est par la bouche de ses ministres que nous avons entendu ces paroles de vie éternelle, qui ont formé Jésus-Christ en nous. C'est de sa main que nous avons reçu le corps et le sang de son époux. C'est

par elle que nous sont communiqués tous les trésors de la sagesse, de la science, et de la charité de Dieu.

Puis donc que nous lui appartenons par tant de titres, et que nous avons reçu tant de grâces d'elle, s'il nous reste tant soit peu de foi dans l'esprit, tant soit peu de religion dans le cœur, pouvons-nous vivre dans cette honteuse indifférence où nous vivons

pour l'Église. Jésus-Christ s'est employé uniquement pour elle; il est venu la chercher; il l'a assemblée avec tant de soin, il l'a conduite avec tant de sagesse; il l'a enseignée avec tant de bonté ; il l'a enrichie avec tant de profusion; il est mort pour elle avec tant d'amour : et nous lui refusons un peu de soin, une petite portion de nos biens. Nous vivons comme des étrangers dans notre patrie, et comme des infidèles dans la foi.

En quel état sont les temples du Dieu vivant dans la campagne? On y voit des églises nues et désolées, et où le déshonneur, s'il faut ainsi dire, se trouve joint à la pauvreté, pendant que vous ne croyez pas être logés décemment, si vous ne joignez à la propreté le luxe et la magnificence; des tabernacles ou rompus, ou difformes, ou mal ornés, où il ne paroît aucune trace de la majesté du Dieu qui y réside, ni de la piété et de la révérence des hommes qui l'y adorent; au lieu qu'il n'y a jamais assez de peintures ou de dorures dans vos cabinets et dans vos alcoves le corps de Jésus-Christ consacré dans des vases, que la longueur du temps qu'ils servent, la négligence de ceux qui les gardent, la vileté du mé

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tal dont ils sont faits rendent méprisables; pendant que vos buffets sont chargés de vases précieux, où la façon relève le prix de la matière; que nous sommes éloignés de l'esprit et de la dévotion des chrétiens des siècles passés! Après avoir soulagé les nécessités des pauvres, qui sont les temples vivans du Saint-Esprit, ils songeoient à la décoration des églises. Ils croyoient ne pouvoir pas mieux employer leur or et leur argent, qu'à loger le corps sacré de Jésus-Christ; ils ne pouvoient voir l'arche de l'Alliance sous des tentes et sous des masures, tandis qu'ils habitoient dans de superbes maisons et dans des palais magnifiques. Tant d'églises richement dorées, tant d'ornemens précieux, tant de vases fabriqués avec tant d'art et tant de richesses, sont encore aujourd'hui les glorieux monumens des pieuses libéralités de nos pères, et les reproches muets de notre tiédeur et de notre avarice.

Mais il y a des choses plus importantes que nous négligeons; c'est le progrès de la religion; c'est l'augmentation intérieure de la foi; c'est le salut de nos frères; c'est la gloire de Jésus-Christ. Combien de chrétiens, que nous pourrions avoir peut-être rachetés par une aumône, demeurent dans l'esclavage du démon? Combien de nos frères dans des provinces éloignées, qui pourroient travailler avec succès dans la vigne du Seigneur, si vous leur donniez le moyen de s'instruire de leurs devoirs, et de s'acquitter de leur travail, demeurent dans l'oisiveté? Peut-être direz-vous: Nous remédions aux désordres que nous voyons; nous avons soin de ceux qui sont présens et qui vivent avec

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