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on achète à grand prix l'honneur d'approcher de leurs augustes personnes, soit pour admirer de plus près les vertus du prince, soit pour être plus prêts à recueillir les grâces qui tombent autour du trône soit pour se rendre plus considérables par l'éclat et par la protection qu'ils en reçoivent.

Ce que je dis à l'égard des souverains, ne dois-je pas le dire des souverains à l'égard de Dieu ? Leur grandeur est leur dépendance, et ils ne règnent jamais plus glorieusement que lorsqu'ils font gloire d'être eux-mêmes les humbles sujets de celui qui, selon saint Paul, est le chef de toute principauté; et que, jetant leur couronne au pied du trône de Dieu, comme ces anciens de l'Apocalypse, ils reconnoissent qu'ils ne sont rien s'ils ne sont unis, par des liens de charité et d'humilité chrétienne, à cette majesté suprême qui les a faits tout ce qu'ils sont.

La raison qu'en donne saint Augustin, c'est qu'il n'y a rien de si trompeur que l'orgueil; il fait qu'on se resserre honteusement et qu'on s'anéantit, lors même qu'on tâche de s'étendre et de s'agrandir dans son imagination. Oui, messieurs, tout homme qui cherche sa propre gloire perd celle qu'il reçoit de Dieu; il se réduit à un bien particulier et imaginaire, et se prive de la part qu'il auroit au bien souverain et universel. Il borne son ambition à soi-même par une vaine complaisance, au lieu de porter ses désirs jusqu'à Dieu par une piété solide; et, pour une onibre et un fantôme de gloire, il abandonne une gloire effective et réelle, je veux dire la gloire de Dieu

même, qui est le partage de l'humilité chrétienne.

Suivant ce principe, plus on se dépouille de soimême, plus on est rempli des grâces du ciel. A mesure qu'on reconnoît son néant, on entre, pour ainsi dire, en société de grandeur avec Dieu. Si vous êtes en cet état, jouissez innocemment de la gloire de Dieu même. Ce n'est pas une usurpation que vous faites, c'est une grâce que vous recevez ; ce n'est pas vous qui vous élevez jusqu'à Dieu par une présomption 'sacrilége, c'est Dieu qui descend jusqu'à vous par une compassion charitable; ce n'est pas vous qui entreprenez sur ses droits, c'est lui qui vous les communique. Ainsi, vous êtes grands sans être orgueilleux, au lieu que vous cessez de l'être si vous vous confiez en vos forces et en votre propre puissance.

Aussi le Saint-Esprit ne recommande rien tant dans l'Écriture que cette heureuse dépendance. S'il ordonne d'honorer les grands, ce n'est jamais que par rapport à Dieu, dont la providence les a élevés. S'il parle de leur puissance, il leur représente toujours, ou quelques-unes de leurs foiblesses, ou quelquesuns de leurs devoirs. S'il raconte leurs péchés, il ajoute la suite funeste des menaces et des châtimens. Tantôt il appelle leurs guerres, les guerres du Seigneur, pour les avertir que, quelques forces qu'ils assemblent, le succès dépend du Dieu des armées, qui inspire la gloire ou jette la terreur, comme il lui plaît, dans l'esprit des combattans. Tantôt il leur commande d'adresser au ciel leurs chants de triomphe, pour leur apprendre que c'est le bras du Tout

Puissant qui défait leurs ennemis, et qu'ils ne sont que les instrumens de leurs propres victoires. Il ne parle de leurs conseils et de leur sagesse que comme des dons qui viennent d'en haut et qui descendent du Père des lumières; et s'il les appelle quelquefois des dieux, ce n'est pas pour leur accorder aucune sorte d'indépendance, mais plutôt pour leur marquer qu'ils ne peuvent rien si Dieu n'agit conjointement avec

eux.

D'où je tire cette conséquence que si, par une soumission fidèle, comme ils reçoivent tout de Dieu, ils rapportent tout à lui, tout ce qu'ils font a quelque chose de glorieux et de divin; mais s'ils ne consacrent leurs actions par la religion, et si Dieu n'en est la fin et le principe, ce qui seroit de grandes vertus n'est plus que de grandes passions : leurs guerres ne sont que d'ambitieuses entreprises, leurs victoires que d'heureuses vengeances, leur gloire qu'un éclat passager, leur sagesse qu'une vaine politique; et leur autorité, quelque établie qu'elle soit sur les hommes, n'est qu'usurpée sur la puissance et sur la majesté de Dieu.

2° Ce que j'ai dit de la dépendance où l'on doit être à l'égard de Dieu se doit entendre de l'obéissance qu'on doit à sa loi. Le Sage les unit ensemble dans son Ecclésiaste, comme deux parties inséparables de l'humilité, qui font toute la grandeur des ámes chrétiennes. Ce prince, éclairé des lumières de sagesse divine, après avoir exposé les grandes idées qu'il avoit conçues du néant de toutes choses, et ré

la

vélé tous les mystères de la vanité des hommes vains dans leurs pensées, dans leurs désirs, dans leurs espérances, dans leurs craintes; pour recueillir enfin le fruit de tout son discours, souhaite d'imprimer dans l'esprit de ceux de son siècle, et dans la mẻmoire de toute la postérité cette admirable sentence: Craignez Dieu, et observez ses commandemens; car c'est là tout l'homme. Craindre Dieu et l'adorer avec la vénération profonde que la créature doit à son Créateur, accompagner cette crainte respectueuse d'une obéissance exacte et fidèle: voilà toute la loi, tous les devoirs et toute la grandeur de l'homme.

3o Mais cette humilité n'est pas encore parfaite si la reconnaissance ne la couronne. Toute la piété chrétienne se réduit à deux choses: à recevoir les grâces de Dieu, et à les lui rendre ; et, comme il n'y a rien de si Ordinaire que les effets de sa bonté et de sa miséricorde, il n'y a rien dé si nécessaire que de lui offrir des actions de grâces sans interruption, et un sacrifice continuel de louanges, suivant le précepte de l'Apôtre à ceux de Thessalonique. Car, que sont les vertus que nous recevons de Dieu ? Des dons excellens qui viennent d'en haut, et qui doivent retourner au lieu de leur origine. Ce sont des ruisseaux qui, après avoir coulé quelque temps dans les canaux étrangers, doivent remonter dans leur source. Ce sont des grâces divines, qui, après être sorties du sein de Dieu et avoir sanctifié les âmes, doivent se perdre heureusement dans cette abîme infini de grandeur et de sainteté ; de sorte que celui-là seul peut être appelé serviteur fi

dèle, qui, après les avoir attirées à soi par l'humilité, en renvoie toute la gloire à Dieu par la reconnoissance..

La raison de cette vérité, c'est que la gloire est un bien dont la propriété n'appartient qu'à Dieu, dont il déclare qu'il ne veut entrer en aucun partage avec les hommes, se la réservant tout entière comme un tribut de son empire souverain, et comme un encens destiné à ne brûler que sur ses autels. De là vient, dit saint Chrysostôme, que l'homme, quelque avide qu'il soit de louanges, ne peut s'entendre louer sans rougir. Il sent une espèce de trouble qui passe du cœur sur le visage. L'âme ne sait si elle doit se recueillir en elle-même ou se répandre au dehors. Il se fait une émotion subite, et comme une révolution de tout le sang; la providence de Dieu ayant laissé, dans: le fond même de la nature corrompue, un instinct secret et un mouvement presque involontaire par lequel il témoigne visiblement que l'honneur appar tient à Dieu seul, et qu'il y a de la honte à s'appliquer à soi-même, et à retenir par ingratitude ce qu'on. tient de sa pure libéralité.

De là vient que les saints se sont réjouis en tremblant, et que David, après en avoir donné le conseil, en veut encore inspirer le sentiment. Ce roi selon le cœur de Dieu, rappelant dans sa mémoire toutes les marques visibles de la protection du ciel sur sa royale personne les forces de ses ennemis abattues, leurs. conseils prévenus, leurs conjurations découvertes, leurs ligues rompues, leurs entreprises dissipées, leurs villes prises, et tout leur orgueil réduit à faire

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