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SECOND

SERMON

PRÉCHÉ A L'OUVERTURE DES ÉTATS DE LANGUEDOC, A MONTPELLIER, EN 1691.

Ne dicas: Quid putas causæ est quod priora tempora meliora fuêre quam nunc sunt? stulta enim est hujuscemodi interrogatio.

Ne dites pas : D'où vient que les temps passés ont été meilleurs que ceux d'aujourd'hui; car cette demande n'est pas raisonnable.

De l'Ecclésiaste, chap. vit.

MONSEIGNEUR,

Il n'y a rien de si ordinaire dans les raisonnemens et dans les entretiens du monde en un temps de tribulation comme le nôtre, que cette plainte qu'on y fait que notre siècle est malheureux; qu'il ne nous reste plus aucun vestige de l'abondance et de la tranquillité de nos pères; que la nature empire tous les jours, et que le monde s'affoiblit et se ressent, pour ainsi dire, de sa vieillesse. On allègue l'intempérie des saisons, les stérilités de la terre, les hor

reurs d'une guerre sanglante et universelle, les intérêts des particuliers nécessairement sacrifiés au bien public, les subsides et les tributs proportionnés au besoin d'un État qui se soutient de tous côtés contre la fureur et l'envie, les armées qui ruinent, les combats qui désolent, les victoires mêmes qui coûtent cher.

Dans cette vue, on se dégoûte du présent, on se préoccupe du passé; on murmure contre les ordres de la Providence; on tombe dans cette tristesse du siècle, qui, selon l'Apôtre, opère la mort en étouffant la piété; on s'attache d'autant plus aux biens du monde, qu'on sent qu'ils diminuent et qu'ils nous échappent; et parce que les temps sont mauvais, on se persuade insensiblement qu'il est difficile d'être bon. Les temps ne sont bons ou méchans qu'à proportion que nous sommes justes ou injustes. Ce sont nos vices ou nos vertus, dit saint Jérôme, qui font les temps heureux ou malheureux. Ainsi ne nous plaignons pas que les premiers temps ont été meilleurs que les nôtres; plaignons-nous de ce que nous ne sommes pas nous-mêmes aussi bons que ceux qui ont vécu devant nous.

Encore, si l'on se plaignoit que la charité se refroidit et que la corruption augmente. Il n'est que trop vrai que les vertus et les vérités sont diminuées parmi les enfans des hommes; que la religion même s'affoiblit, et qu'il y a dans les mœurs, comme dans la nature, une défaillance d'esprit et de vie. Il n'est que trop vrai qu'il ne nous reste presque plus rien

des premiers chrétiens que leur nom; que nous sommes leurs successeurs dans la foi, mais les déserteurs de leur discipline; que la vertu gémit sous l'iniquité dans le relâchement des siècles; que seize cents ans, qui sont écoulés depuis Jésus-Christ jusqu'à nous, sont comme autant de degrés par lesquels nous sommes descendus de cette première perfection, et que nous voyons en nos jours ce que l'Évangile a prédit, qué la foi est presque éteinte en Israël.

Mais ce n'est pas ce qui inquiète les gens du monde. Ils pensent à la misère, non pas à la malice des jours. S'ils gémissent dans les afflictions, ce n'est pas une douleur qui les porte à recourir à Dieu, mais une sensibilité mondaine qui leur fait regretter les plaisirs et les biens qu'ils perdent. Élevons nos esprits au-dessus de tous sentimens humains, et recherchant, dans les règles du christianisme la nature et les causes des calamités publiques et des afflictions particulières de ce temps, disons qu'elles viennent de ce que,

1° Nous les avons attirées par nos péchés;

2° Nous ne les adoucissons point que par nos vertus; 3° Nous ne les détournons point par nos prières : matière importante et digne de cette auguste compagnie assemblée pour les intérêts de la religion, pour la gloire du roi, pour le secours de l'état, pour le soulagement des peuples de cette province. Demandons à l'esprit de Dieu les grâces qui nous sont nécessaires, par l'intercession de la Vierge. Ave, Maria, etc.

PREMIER POINT.

MONSEIGNEUR,

C'EST une vérité répandue dans les saintes Écritures que nos péchés sont la cause de tous les maux qui nous arrivent en cette vie. Dieu s'est érigé un tribunal de correction au milieu de la nature, où il exerce sur les pécheurs ses jugemens temporels et ses justices passagères pour les ramener et pour les punir. C'est de là que, découvrant les iniquités qui s'élèvent de nos consciences comme autant de malignes et sombres vapeurs qu'il assemble dans sa colère, et dont il forme ces tristes nuages qui portent les foudres, les grêles, les vents contagieux, les inondations et les sécheresses, dit Tertullien, c'est de là, dis-je, qu'il verse sur les nations ingrates et criminelles le calice de son indignation et de sa colère.

J'ai commencé de te frapper sur tes péchés, dit-il par un de ses prophètes; tu sèmeras, et tu ne moissonneras point; tu presseras l'olive, et l'huile n'en coulera pas. Qui est-ce qui allume les guerres contre Jacob? qui est-ce qui désole Israël? N'est-ce pas le Seigneur que nous avons offensé? Ne te flatte pas d'une innocence imaginaire, je te ferai sentir que tu es pécheur par les châtimens que j'exercerai sur toi, dit-il par un autre. Ce qui fait dire à saint Chrysostôme On parle de tant de calamités, il n'y en a qu'une qui soit véritable, c'est le péché. Dans les

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autres maux, il y entre beaucoup d'imagination, dans le péché tout est réel. Les autres maux peuvent produire des biens, mais le péché ne peut produire que des maux. C'est une calamité qui est la source de toutes les calamités et de toutes les afflictions qui nous arrivent, et qui sont des châtimens salutaires que Dieu nous envoie.

Il en use ainsi pour plusieurs raisons. La première, c'est que le péché vient de l'attachement, l'attachement vient du plaisir. Il y a dans le péché un plaisir des sens qu'on appelle volupté, un plaisir de l'esprit qui est satisfaction et joie. Sa punition naturelle est l'affliction et la douleur. Il est juste que le pécheur soit redressé, et qu'il sente qu'il est dur et amer d'avoir abandonné le Seigneur, dit Jérémie.

La seconde raison, c'est que, dans l'ordre de la justice de Dieu, la peine et le péché sont deux choses inséparables. Cette verge miraculeuse de Moïse fut changée en serpent, et Moïse s'enfuit devant elle. Dieu fait en nous un prodige tout contraire nos péchés, qui sont des serpens de l'engeance de celui qui séduisit nos premiers pères, se changent en verges pour nous frapper, et nous devons fuir devant eux comme devant les auteurs de nos afflictions et de nos misères. Dès que nous manquons, nous sommes jugés. La discipline suit le péché ; et comme la malice est la cause de la punition, la punition est la consommation de la malice,

La troisième raison, c'est qu'il est de la sagesse de Dieu d'arrêter, par des châtimens extérieurs et

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