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dres arbrisseaux ; que tout le poids de leur fortune n'est fondé que sur l'appui d'une vie foible et mortelle; et que, selon l'expression de saint Paul, ils portent leur grandeur, qui est leur trésor, dans des vases d'argile, qui, tout peints et tout dorés qu'ils sont dans leurs ornemens, ne laissent pas d'être fragiles dans leur matière. La religion leur enseigne qu'ils sont pécheurs, et qu'ils doivent répondre de leurs actions devant un juge souverain qui ne fait nulle acception de personnes ; qui ne les distingue pas par leurs dignités, mais par leurs vertus ; et qui les jugera plus sévèrement, si, comme ils ont été les images visibles de sa puissance, ils ne sont les imitateurs de sa sainteté.

Mais peut-être trouveront-ils dans leur condition de quoi flatter leur vanité. Y a-t-il rien de plus éclatant ni de plus heureux en apparence que la grandeur? On s'en forme de brillantes idées ; on s'en fait le souverain bien. Tous les hommes la cherchent avec empressement, la souhaitent avec passion, la possèdent avec orgueil, ou la regardent avec envie. Je ne m'en étonne pas : les richesses, les plaisirs, les honneurs se réunissant en ce point, la concupiscence entière s'y trouve recueillie, et c'est la règle du monde d'estimer ainsi ce qui favorise ses passions. Mais, selon les règles de l'Évangile, il n'y a rien de si humiliant que la grandeur même. JésusChrist semble l'avoir négligée, comme incapable ou comme indigne de sa grâce et de sa doctrine. S'il prêche, c'est pour les peuples; s'il veut découvrir

les mystères de sa religion, il rend grâces au Père éternel de les avoir cachés aux puissans et aux sages du siècle, et de ne les avoir révélés qu'aux petits. Saint Paul, animé de même esprit, ne prononce-t-il pas cette terrible sentence: Que Dieu n'a pas choisi pour le ciel plusieurs puissans ni plusieurs sages, selon la chair? pour faire entendre que rien n'est si dangereux qu'un état où les passions sont si fortes, les devoirs si difficiles à remplir, et les obstacles au salut si difficiles à surmonter ; qu'il semble qu'il y a une opposition secrète entre la grandeur et la sainteté; que plus on se trouve avancé dans le monde, plus on est éloigné de la voie étroite, qui est la seule qui mène au salut; et que, par un échange funeste, on est souvent beaucoup moins chrétien à mesure qu'on est plus puissant.

Quoi donc ! faut-il descendre des trônes et des tribunaux ? Faut-il se dépouiller de toutes les marques de grandeur, pour vivre obscurément dans quelque sombre retraite ? Dieu ne donne-t-il aux grands les biens du monde que pour leur ôter les éternels, et sa miséricorde seroit-elle moindre pour ceux dont sa providence semble avoir pris tant de soin? Non, messieurs; l'Écriture nous enseigne que toute puissance vient de Dieu; que, dans le trésor infini de ses grâces, il y en a de proportionnées à tous les états ; qu'il protége et qu'il soutient ceux qu'il élève, voulant qu'ils soient honorés, et qu'ils révèrent euxmêmes la part qu'ils ont à sa souveraine grandeur. Mais il veut que cette élévation, au lieu de leur être

un sujet de vanité, leur soit un exercice d'humilité et de sagesse, en la réduisant à cette petitesse évangélique qui est la plus essentielle partie du christia

nisme.

Ainsi, ceux qui, par une élection particulière, sont destinés à commander aux autres, doivent descendre du haut de leurs dignités jusqu'à leur néant, rétrécir dans leur cœur tout cet éclat et ce faste extérieur qui les accompagne, ramener leur vie tumultueuse à une simplicité de vie chrétienne, et réduire toute leur ambition à l'unité d'un seul désir, c'est-à-dire au désir de leur salut. Ceux qui, par leurs actions éclatantes, sont arrivés au comble de la gloire, sont obligés de descendre de cet état glorieux, de se diminuer, autant qu'ils peuvent dans leur esprit, leur propre gloire, pour entrer dans les voies de JésusChrist humilié; afin qu'ils s'efforcent d'être humbles dans les honneurs, tempérans dans les plaisirs, simples dans la sagesse, modestes dans la gloire ; et que la cupidité soit d'autant plus retranchée au dedans qu'elle s'étend et se multiplie au dehors.

Mais il me reste une raison encore plus forte pour vous persuader l'humilité; c'est l'exemple de JésusChrist. Quand vous auriez oublié ce qu'il dit dans son Évangile, je me contente que vous sachiez ce qu'il a fait pendant sa vie, qui est un Évangile réduit en actions, et comme une loi sensible et animée capable de convaincre l'esprit et de toucher le cœur tout ensemble. C'est un principe de saint Augustin, fondé sur l'Écriture sainte, que le principal

dessein de Jésus-Christ dans l'Incarnation fut de nous donner les moyens d'arriver à Dieu, qui est notre unique fin et notre souverain bien; et qu'ayant uni en sa personne la nature humaine avec la divine, il a recueilli en lui toute la religion, en l'établissant et la pratiquant tout ensemble. Il est Dieu, c'est à lui qu'il faut aller; voilà notre fin. Il est homme, et c'est par lui qu'il faut aller; voilà nos moyens. Comme Dieu il nous a donné sa loi; comme homme il s'y est assujetti; et d'un côté, réglant notre foi par l'autorité de sa parole, de l'autre, l'animant par la forcede son exemple, il nous a imposé une indispensable nécessité de lui obéir et de le suivre : tant parce qu'il ne peut rien ordonner qui ne soit juste, que parce que l'obéissance qu'il nous demande n'est qu'une imitation de ce qu'il a fait.

S'il est donc vrai que l'esprit de Jésus-Christ, par la tradition de ses actions saintes et divines, doit couler de lui comme d'une source toute pure dans la vie de tous les chrétiens, et si son humilité est une conséquence pour la leur, y a-t-il orgueil si inflexible qui ne se brise? y a-t-il grandeur si fière qui ne s'anéantisse? y a-t-il prétexte si apparent qui ne se détruise à la vue d'un Dieu humilié? La loi écrite est une loi morte, sujette à des interprétations captieuses. L'esprit de l'homme n'est que trop porté à diminuer les vérités qui incommodent ses passions, et à chercher des biais et des adoucissemens pour éluder la sévérité des préceptes. On sc flatte sur sa qualité; on se forme des distinctions frivoles; on met

de vaines bienséances à la place des véritables devoirs. Des commandemens austères, on se fait de foibles conseils; et l'on tâche souvent d'autoriser ses relâchemens par la parole de Dieu même, quelque sainte et quelque immuable qu'elle puisse être. Mais pour la loi vivante, je veux dire les actions du Fils de Dieu, ce sont des règles qui s'expliquent par ellesmêmes; et comme on ne peut nier que Jésus-Christ n'ait été toujours grand et toujours humble, on ne peut nier qu'un chrétien ne soit obligé de s'humilier incessamment dans la grandeur même, non-seulement par un principe de charité, mais encore par un motif de vérité et de justice.

Car, messieurs, il y a deux sortes d'humilité, selon saint Bernard : une humilité d'esprit et de connoissance, par laquelle, après s'être considéré tel qu'on est, convaincu de sa corruption et de sa foiblesse, on s'estime indigne de tout honneur; et une humilité de cœur et de charité, par laquelle on se dépouille volontairement de ses propres avantages; et, renvoyant à Dieu la gloire de tout, bien loin de se glorifier des bonnes qualités qu'on n'a pas, on oublie et l'on cache même celles qu'on a. Or, Jésus-Christ n'a pu pratiquer cette première humilité, parce qu'étant né de Dieu, inséparable d'avec lui, plein de grâce et de vérité, et rempli de la divinité même qui habitoit en lui corporellement : Il n'a pas cru que ce fút une usurpation et une injustice de se croire égal à son père; mais il n'a pas laissé de s'anéantir par un abaissement volontaire, prenant la forme d'un

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