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rasme corrigea le petit livre de Lilius, principal directeur de cette école, sur la Construction des huit parties du discours. Il le modifia si profondément que Lilius ne voulait pas y reconnaître son ouvrage et que le correcteur ne le pouvait pas non plus malgré sa bonne volonté. Aussi le petit livre parut-il d'abord sans nom d'auteur; mais plus tard on le mit sous le nom d'Érasme. C'était un traité de syntaxe latine où il avait cherché à être aussi bref et aussi clair que possible.

Érasme ne se contentait pas de servir la Renaissance par ses publications personnelles. Il ne cessait de provoquer et d'encourager celles d'autrui. On vient de voir à quel travail il invitait Budé. Lorsque ce savant se décida enfin à mettre au jour ses Observations sur la langue grecque, quoique brouillé avec lui, il reconnut le service éminent rendu aux amis des langues. Il pressa aussi l'anglais Linacer de livrer au public les fruits de ses veilles. Il lui offrit même son concours pour cette affaire, bien qu'il eût contre lui quelque sujet de rancune. Il vantait sans cesse le mérite de ce personnage afin d'exciter les autres à l'étude. Linacer avait traduit le traité de Galien sur la Santé. Cet ouvrage fut imprimé à Paris chez Badius. Érasme, qui l'attendait avec impatience, loua la fidélité, la clarté lumineuse, l'éclat de cette traduction latine. Il revint à la charge et exhorta le savant anglais à publier ses autres travaux. Linacer, qui avait débuté par la Sphère de Proclus, donna les livres de la Thérapeutique de Galien qui étaient auparavant dans le plus triste état. II aborda ensuite les Météores d'Aristote qu'il corrigea et traduisit avec une patience infatigable. Érasme annonça cette œuvre avant qu'elle parût, et lui donna les plus grands éloges.

Il mit un zèle pieux à faire connaître les ouvrages de R. Agricola. Il en pressa la publication; il se plaignait des retards de l'imprimeur Mathias Schurer. Il publia lui-même le discours prononcé à Milan par Agricola. Il engageait son compatriote et son parent Hermann Phrysius à donner une édition de sa Rhétorique et à rechercher avec soin tous les

écrits de cet homme divin qu'il croyait éminemment utiles au progrès des études.

Un savant distingué, Lazare Baïf, avait composé un petit livre excellent sur les diverses espèces de Vêtements. Ayant appris que la publication de ce livre éprouvait des retards, Erasme lui offrit de le faire imprimer à Bâle. Il citait plus tard ce travail comme un modèle et invitait les savants à composer des écrits semblables qui étaient d'une utilité universelle. Bientôt Baïf prépara un petit livre sur les Vases de cuisine. Il le fit passer à Érasme avec le petit livre sur les Vêtements corrigé et enrichi d'un appendice. Érasme le lut, ôta les fautes nombreuses du copiste et remit le manuscrit à Froben pour être imprimé.

Il ne refusa pas non plus son patronage au dialogue de George Agricola sur la Métallurgie et disposa l'imprimeur à le publier. Il agit de même pour le petit traité de Coelius Calcagnino sur le Libre arbitre. Il montra plus de zèle encore pour hâter l'impression des ouvrages de Thomas Morus. Ce qu'il faisait pour un ami, il n'hésita pas à le faire pour un rival qui l'accusait de jalousie et de plagiat. A son instigation ou plutôt grâce à ses instances, Froben imprima les Proverbes de Polydore Virgilius en beaux caractères sur un papier magnifique. Il y ajouta l'ouvrage des Inventeurs célèbres du même auteur. Il est vrai qu'en cette circonstance l'amour des lettres ne paraît pas avoir été le seul mobile d'Érasme. Il voulait repousser tout soupçon de jalousie auprès de ses amis en Angleterre où Polydore remplissait la fonction de collecteur pontifical.

Zazius, professeur à l'université de Fribourg, avait écrit un petit livre sur l'Origine du droit, et l'avait soumis à Érasme pour savoir s'il devait le publier. Celui-ci, après l'avoir parcouru rapidement, engagea Froben à l'imprimer, assurant que Zazius méritait cet honneur; il rendit le même service à Vivès qui avait préparé de savants commentaires sur la Cité de Dieu, de saint Augustin.

V

Érasme aida plus efficacement encore au progrès des lettres par la grande part qu'il eut dans la fondation du College des trois langues. Jérôme Buslidius, qui légua pour cet objet toute sa fortune se montant à plusieurs milliers de ducats, était son ami. Il est permis de croire que son influence ne fut pas étrangère aux dispositions du testateur. Ce qui est certain, c'est qu'il présida véritablement à l'institution de ce collége. Elle ne s'accomplit pas sans difficulté. Les adversaires des langues et des lettres firent tout au monde pour l'empêcher; mais les amis des bonnes études, ayant Érasme à leur tête, surmontèrent tous les obstacles (1). Non content d'avoir contribué plus que tout autre à la fondation de ce collége, il voulut travailler de toute manière à son succès. Il eut toujours la plus grande part dans le choix des professeurs. Il leur adressait souvent d'utiles conseils, leur recommandant un zèle infatigable, une modération prudente et habile, afin de ne pas donner prise aux accusations de leurs ennemis.

Lorsque Luther parut au milieu de l'Europe chrétienne et la divisa, Érasme, l'œil toujours ouvert sur le College des trois langues, avertit expressément les professeurs de rester étrangers à toutes ces controverses, pour ne pas compromettre la cause des bonnes études. Non content de veiller avec une vigilance paternelle sur leur conduite morale et sur leur enseignement, il s'occupa de faire augmenter leur salaire insuffisant. Il ne rougit pas de solliciter pour eux, nonseulement auprès des exécuteurs testamentaires, mais auprès d'autres personnages puissants, généreux et amis des lettres. Il provoquait leur munificence par tous les moyens et faisait briller à leurs yeux le mérite de l'œuvre et aussi la gloire qui

(1) V. la note D, à la fin du volume.

s'attacherait à leur nom. Jusqu'à la fin de sa vie, il persévéra dans cette sollicitude pour un établissement si utile. Il ne contribua pas moins au succès du collége par le relief que lui donna son brillant patronage, par la popularité que lui valurent ses éloges. Sa voix était entendue de toute l'Europe. Quand le College des trois langues fut créé, son influence et sa gloire étaient à leur comble.

Nous avons dit plus haut que ce collége fit naître l'idée de fondations semblables. A Tournai, on commença de professer publiquement les langues, et Jacques Ceratinus y enseigna le grec pendant quelque temps; mais il en fut chassé par la peste et la guerre. Les franciscains se joignirent à l'Université de Louvain pour faire abandonner l'entreprise commencée.

En Angleterre, dès 1519, l'évêque de Winchester fonda un collége magnifique (1) à ses frais et le consacra principalement à l'étude des trois langues, des belles-lettres et des anciens auteurs. Érasme célébra, non sans emphase, cette sage libéralité. « Voilà, disait-il, comment on est l'appui de l'Église; voilà comment on se montre véritablement évêque... Divers monuments ont illustré divers pays; Rhodes avait son colosse; la Carie, le tombeau de Mausole; Memphis, ses pyramides; Cnide, la statue de Vénus; Thèbes, celle de Memnon, qui rendait des sons magiques. Mon esprit présage que ce collége, comme un temple sacré dédié au culte des bonnes lettres, sera un jour aux yeux de tout l'univers un des principaux ornements de l'Angleterre, et le désir de voir cette bibliothèque des trois langues, comprenant tous les bons auteurs, attirera plus d'étrangers à Oxford que n'en appelèrent jadis à Rome tant de merveilles réunies. » Il félicita Claymond, théologien distingué qui avait été mis à la tête du collége nouveau. Après avoir loué chez lui une vertu éprouvée, l'alliance des bonnes lettres et des bonnes mœurs,

(1) Le collège de Corpus Christi.

la gravité modeste, la modération éclairée, plus capables de servir la cause des belles études que les déclamations violentes, il ajoutait : « Celui-là fait plus qui rend les lettres aimables que celui qui se dispute sans cesse avec d'opiniâtres détracteurs. » C'est ainsi qu'il croyait avoir agi lui-même dans les Pays-Bas.

En France, la fondation du Collége royal, qui ne fut accomplie qu'en 1530, était arrêtée dans l'esprit du roi dès 1518 et même avant (1). Les guerres qui se succédèrent presque sans interruption et les malheurs qui frappèrent le royaume retardèrent l'exécution d'un projet dont la première idée précéda même l'ouverture du testament de Buslidius. Lorsqu'enfin le Collége de France fut fondé, Budé eut la haute main dans. cette œuvre et surtout dans le choix des professeurs. Mais le nouvel enseignement ayant excité l'opposition et les murmures des ennemis des lettres, Érasme écrivit aux maîtres distingués qui avaient repoussé les premiers assauts pour les féliciter de leur succès, leur donner de sages avis et les consoler de préventions injustes. « Pour les vaincre plus facilement, ils devaient, disaient-il, s'efforcer de gagner tout le monde par la politesse, la civilité, les bons offices. » Il rappelait ce qui s'était passé lors de la fondation du Collège de Louvain. « Pour moi, disait-il, j'ai toujours regardé comme d'un heureux présage cette conjuration si violente et si acharnée contre les langues et les lettres renaissantes. C'est de tels commencements que sont toujours sorties les choses vraiment grandes et destinées à un long empire. » Tous les pays de l'Europe ne virent pas s'élever dans leur sein des établissements aussi célèbres; mais les langues furent enseignées presque partout avec plus ou moins de succès.

(1) V. 1er vol., p. 166 et suiv.

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