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les plaies à nu. Il a été accusé d'athéisme, mais par les impies et les superstitieux. Aucune comédie, aucune satire n'est comparable à ses dialogues, soit pour l'agrément, soit pour l'utilité. Il dit la vérité en riant. »

Érasme traduisit successivement un grand nombre de ses écrits: En 1504, il adressa le Timon à Nicolas Ruthal, secrétaire du roi d'Angleterre, plus tard évêque de Durham. Il avait déjà dédié au même personnage trois autres dialogues, prémices de ses études grecques; c'étaient le Cynique, le Detin qui évoque les morts, et le Meurtrier. En 1505, se préparant à partir pour l'Italie, il offrit le Faux Devin à René, évêque de Chartres. Dans l'épître dédicatoire, il signalait les impostures de certains hommes qui, de son temps, s'efforçaient aussi d'en imposer au peuple par des merveilles magiques, ou par une superstition hypocrite, ou par d'autres artifices de ce genre. Le 1er janvier 1506, il dédia le Toxaris ou Dialogue sur l'amitié, à Richard Fox, évêque de Winchester. C'étaient des étrennes pour le nouvel an selon l'usage reçu en Angleterre. Le Meurtrier du Tyran fut traduit la même année. C'est une déclamation dans le goût des sophistes. Un individu étant monté à la citadelle pour tuer le tyran, ne le trouve pas; mais il tue son fils et laisse l'épée dans la blessure. Le tyran survient, et voyant son fils mort, se perce avec la même épée. Celui qui a tué le fils réclame la récompense promise au meurtrier du tyran.

Sur le point de partir pour l'Italie, Érasme traduisit le petit livre de Lucien sur ceux qui vivent en mercenaires dans les maisons des riches; mais il ne le publia que plus tard. Cette traduction fut adressée à son ami Paludanus qui avait éprouvé lui-même l'assujettissement et les ennuis de la vie de cour. Vers la fin de la même année, étant à Bologne, il envoya quelques dialogues du même auteur à Jérôme Buslidius, conseiller du roi de Castille. Il les avait traduits en peu de jours, lorsque, par crainte du siége, il s'était réfugié à Florence. Ces traductions étaient comme une monnaie dont il payait

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ses bienfaiteurs et avec laquelle il s'en ménageait de nouveaux. En 1512, on le voit encore dédier quelques dialogues de Lucien à l'archevêque de Cantorbéry, qui seul encourageait et protégeait ses études. C'est ainsi qu'il mit en latin le Banquet, les Saturnales, le Cronosolon, les Lettres saturnales, le Traité sur le deuil, la Déclamation sur l'enfant abandonné, l'Icaro-Menippe, dix-huit petits dialogues choisis entre tous, l'Hercule gaulois, l'Eunuque, le Traité sur les sacrifices, l'Astrologie, les Vieillards. Il avait commencé encore à traduire la Première goutte où il trouvait un enjouement merveilleux; mais il y renonça, désespérant de rendre en latin ces épithètes dont Lucien a rempli les choeurs à l'exemple d'Homère, et dont la composition en grec est si heureuse, grâce à l'admirable souplesse de cette langue.

Ces petites bagatelles, comme il disait plus tard, furent d'abord reçues avec une grande faveur par les hommes d'étude. On les recherchait avidement. La traduction d'un petit dialogue de Lucien était presque un événement littéraire à une époque encore barbare. La littérature grecque apparaissait aux gens éclairés comme un monde nouveau qui s'ouvrait devant eux. Ces traductions n'eurent pas seulement pour effet de mettre à leur portée quelques productions de cette riche littérature; elles inspirèrent à tous le désir de les lire dans la langue originale. Érasme voulut aider encore plus directement à l'étude du grec. Il traduisit en latin la grammaire de Théodore Gaza, séparant chaque article par un titre distinct et ajoutant quelques petites observations pour faire mieux comprendre l'auteur. Il demandait dans les livres élémentaires destinés à l'enfance une brièveté convenable, la clarté, l'ordre, la simplicité. Ces qualités, il les trouvait merveilleusement réunies dans cette grammaire. Il n'ôta que les fautes reconnues. Cette traduction, qui lui avait coûté deux jours de travail, fut dédiée en 1516 à Jean Césarius qui était à Cologne avec le Comte du Nouvel-Aigle, le promoteur des bonnes études.

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La connaissance de la langue grecque se répandit partout avec une incroyable rapidité et un succès prodigieux, à tel point que ces traductions, accueillies d'abord avec tant d'empressement, finirent par être délaissées. Érasme qui l'avait prévu s'en réjouissait. Il attribuait à l'ignorance de cette langue la ruine complète de tous les auteurs élégants et l'oubli de toutes les bonnes sciences. On pouvait espérer qu'avec elle renaîtraient les uns et les autres. Cependant, malgré le progrès des études grecques, il continua ses travaux de traduction. A ses yeux, il était toujours utile, pour mieux comprendre le texte, de le placer en regard d'une bonne version; et, ce qui était plus important, les traductions latines inspiraient le désir de connaître les originaux, en même temps qu'elles facilitaient les études de ceux qui étaient peu avancés. Après Lucien, il aborda Plutarque. Il osa traduire ses traités moraux dont l'expression était un peu plus difficile et les idées un peu plus obscures, à cause de l'érudition profonde de l'auteur. « Le style de Plutarque, dit Érasme, est subtil. Ses pensées, d'une grande profondeur, sont tirées de tous les auteurs et de toutes les sciences, comme des trésors cachés. C'est comme un centon, ou plutôt comme un ouvrage de mosaïque, un assemblage des pièces les plus délicates et les mieux assorties; mais le traducteur peut difficilement retrouver les prés où il a cueilli ces belles fleurs pour en former des couronnes. De plus il est concis, brusque dans le passage d'une idée à une autre. En un mot, Plutarque est Béotien de naissance; mais il ne veut pas être lu par un Béotien. >>

Il commença par les traités qui roulent sur les sujets suivants : Manière de conserver sa santé;

L'Instruction est

requise dans un prince; - Le Philosophe doit surtout vivre avec les princes; Quelles sont les maladies les plus graves,

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celles de l'âme ou celles du corps?

Vivez inconnu ou cachez votre vie?

A-t-on raison de dire:

Du Désir des richesses.

Il s'exerçait d'autant plus volontiers à traduire ces traités,

qu'ils servaient non-sculement à enseigner la langue, mais aussi à former les mœurs. « Après les divines Écritures, disait-il, je n'ai rien lu de plus pur que cet auteur. Socrate a fait descendre la philosophie du ciel sur la terre; Plutarque l'a introduite dans la chambre à coucher, dans le cabinet et le lit nuptial de chacun. Je suis d'autant plus étonné que les ouvrages moraux de cet auteur ne soient pas dans toutes les mains, et que les enfants ne les apprennent point par cœur. » Après les traités dont nous venons de parler, il traduisit le petit livre sur la Manière de discerner l'ami du flauteur. Il dédia sa traduction au roi Henri VIII, si peu capable d'en profiter. Il traduisit de même le traité intitulé: Comment peut-on tirer avantage d'un ennemi? Cette traduction fut offerte à Wolsey, depuis archevêque d'York et cardinal, alors aumônier du roi, mais destiné à la plus haute fortune; à tel point que l'auteur, avant de trouver l'occasion de lui faire hommage de son travail, dut changer trois fois la préface; et même avant qu'il pût être imprimé, Wolsey avait été promu à l'éminente dignité de cardinal.

Plus tard, en 1525, Érasme envoyait au trésorier du roi de Hongrie, Alexis Thurzon, la traduction des traités sur les Moyens de réprimer la colère et sur la curiosité. L'année suivante, il dédiait le traité de la Mauvaise honte, traduit en latin, à François Dilfe, jeune homme de belle espérance, qu'il fit entrer dans la maison de l'Empereur par l'entremise du chancelier Gattinara. Cette même année, il adressait au médecin Antoninus de Cassovie, la traduction de l'Exhortation à l'étude des beaux-arts par Galien. A ces opuscules il faut encore ajouter le petit écrit d'Isocrate à Nicoclès, Sur l'éducation d'un prince, et l'Hiéron, de Xénophon, dédié au riche banquier d'Augsbourg, Antoine Fugger. Érasme traduisit aussi un grand nombre d'ouvrages des Pères grecs. Nous parlerons plus loin de ces traductions.

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IV

Là ne se bornèrent pas ses efforts pour la restauration des lettres profanes. Il consacra ses soins assidus à la recherche des manuscrits, à la restitution des textes, à la multiplication des livres anciens par l'imprimerie. Il ne cessa de stimuler le zèle des grands imprimeurs du temps, Alde Manuce, Mathias Schurer, Badius, Thierry Martens et surtout Froben. Il fit lui-même un long séjour à Venise dans l'imprimerie d'Alde, et à Bâle dans celle de Froben. Quelques années après, il se fixa dans cette dernière ville; il y passa huit ans de suite, vivant avec les imprimeurs, devenu l'ami, le conseiller, le collaborateur et l'associé de Froben, l'excitant sans cesse à donner de belles éditions des bons auteurs; et lorsque des raisons de convenance le forcèrent à quitter Bâle, il se transporta dans une ville voisine, à Fribourg. De là il pouvait encore donner son concours actif à une imprimerie qui rendait aux études de si éclatants services. Quand les circonstances le permirent, il revint à Bâle pour y veiller de plus près à l'impression de ses écrits. Il y mourut au milieu de ses travaux qui ne cessèrent qu'avec sa vie. Torturé par les souffrances de la maladie, assailli de tous côtés par les attaques les plus violentes, il poursuivit son œuvre jusqu'au bout. Cette application opiniâtre à l'étude, commune à tous les savants de la Renaissance, ne fut jamais plus étonnante que dans cet homme d'un esprit si vif et si léger, d'un corps si frêle et si maladif.

Nous ne parlerons ici que des auteurs profanes, corrigés et imprimés par ses soins. Aux éditions qu'il en donna, il joignit des notices et des préfaces pleines d'intérêt qui devaient singulièrement exciter le désir de lire les auteurs publiés et les faire goûter des lecteurs. Dès l'année 1501, il avait préparé des annotations sur les Devoirs de Cicéron. Il joignit à

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