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jouant avant la dix-huitième année. Il n'était pas nécessaire que le jeune écolier approfondît toutes les sciences. « Il en est, dit Érasme, qu'il suffit d'effleurer. C'est pour cela que les résumés sont utiles; mais ils doivent être faits avec art par un homme supérieur, afin d'épargner aux enfants une perte de temps inutile. Il faut éviter tout ce qui est superflu ou frivole. » A dix-sept ou dix-huit ans, le jeune homme devait faire choix d'un état selon sa vocation. Tel était le plan d'études proposé par Érasme. Il fut adopté dans son ensemble presque partout, et c'est encore, à peu de chose près, celui que l'on suit dans l'éducation classique.

Érasme donnait aussi des conseils aux maîtres sur la manière d'enseigner. Ce n'était pas sans rougir qu'il abordait une matière si bien traitée par Quintilien. Le maître, on l'a dit, doit sur-le-champ enseigner ce qu'il y a de meilleur; mais pour cela il doit savoir tout, ou si ce n'est pas possible, les points principaux de chaque science. Il ne peut se contenter de dix ou douze auteurs. Pour le moindre enseignement, il faut embrasser le cercle entier de la science, et tout en s'attachant aux meilleurs écrivains, il doit prendre une teinture de tous, même des moins bons. Le livre des psaumes est pour la sainteté supérieur aux odes d'Horace; mais celles-ci enseignent mieux la bonne latinité. Pour faire cette étude avec plus de fruit, il est bon de préparer certains cadres, afin d'y inscrire à sa place tout ce qui doit être noté. A défaut de loisir ou de livres, Pline, Macrobe, Athénée, offrent de grands secours; mais on doit surtout recourir aux sources, c'est-à-dire aux anciens et principalement aux Grecs. Où peut-on, en effet, s'instruire plus purement, avec plus de rapidité et d'agrément qu'aux sources mêmes (1)?

(1) Vossius pensait comme Érasme. « Non-seulement, dit-il, les Grecs sont plus agréables à lire que les Latins, mais ce qui est bien plus essentiel, on acquiert plus facilement chez eux la connaissance des choses. La cause, c'est qu'ils enseignent tout d'une manière plus expressive. Philol., p. 32.

Platon, Aristote, Théophraste, Plotin formé aux deux écoles, peuvent très bien apprendre la philosophie. L'explication des poètes exige la connaissance de la Fable; c'est dans Homère qu'il faut la chercher de préférence. Cependant les Métamorphoses d'Ovide et ses Fastes offrent de précieux renseignements. Pomponius Méla enseigne la géographie avec beaucoup de brièveté, Pline avec beaucoup d'exactitude, Ptolémée avec beaucoup de science. Quant à Strabon, il ne traite pas seulement de la géographie. Le principal ici est d'observer à quels noms antiques répondent les noms vulgaires et modernes des montagnes, des fleuves, des contrées, des villes. Même soin est nécessaire pour les arbres, les plantes, les animaux, les instruments, les vêtements, les pierres précieuses, toutes choses auxquelles la foule des maîtres n'entend rien. Il faut encore connaître les antiquités que l'on retrouve non-seulement dans les vieux auteurs, mais aussi dans les inscriptions et les monuments en pierre. Le maître ne doit pas non plus ignorer l'astronomie que les poètes mêlent partout à leurs fictions. Mais nulle connaissance n'est plus nécessaire que celle de l'histoire, qui a un champ si vaste et de laquelle tout relève, pour ainsi dire. Si l'on veut expliquer Prudence, le seul poète chrétien vraiment éloquent, on doit même posséder à fond les lettres sacrées. Enfin, aucune science, ni la physique, ni l'histoire naturelle, ni la science de la guerre, ni l'agriculture, ni la musique, ni l'architecture, n'est sans usage pour ceux qui entreprennent d'expliquer les poètes et les orateurs anciens.

Ne croirait-on pas qu'Érasme trace par avance le portrait des philologues de l'Allemagne moderne? Mais pouvait-il demander ce savoir encyclopédique aux maîtres ordinaires de la jeunesse? Il a pressenti lui-même l'objection. « Je vois depuis longtemps, dit-il, que vous froncez le sourcil. Quoi donc! n'est-ce pas imposer un immense fardeau même à un simple maître? Oui, sans doute, mais je charge un seul homme pour en soulager un grand nombre. Je veux qu'un

seul lise tout pour épargner à chacun l'obligation de tout lire.»>

Ce maître diligent, instruit, pénétrant, judicieux, devait encore s'imposer la peine de comparer tous les préceptes des grammairiens et d'en extraire quelques-uns très simples et très courts, présentés dans un ordre convenable. Ces préceptes une fois donnés, il fallait sur-le-champ mettre entre les mains des élèves quelque auteur convenablement choisi et leur faire prendre l'habitude de parler et d'écrire. A cette occasion le maître ferait encore mieux pénétrer dans leur esprit les préceptes auparavant enseignés, à mesure qu'ils se présenteraient, ainsi que les exemples, en y ajoutant même quelque chose de nouveau, comme pour les préparer dès lors à des leçons plus relevées.

Dès ce moment ils devaient être exercés à des thèmes ou sujets de composition. Ces sujets, choisis avec soin, devaient renfermer quelque pensée fine ou gracieuse, mais ne s'écartant pas trop du caractère de l'enfance. De cette façon, en s'occupant d'autre chose, les élèves pourraient acquérir des notions qui leur serviraient dans les études plus sérieuses. Ces sujets pouvaient être une histoire mémorable, contenant d'ordinaire une pensée morale, ou un récit mythologique, ou un apologue recélant une vérité utile, ou un apophthegme, ou un proverbe, ou une sentence, ou une propriété merveilleuse d'un objet, ou une figure, par exemple une gradation, une comparaison, une allégorie, ou enfin quelque distinction délicate. Rien n'empêchait que la même composition réunît plusieurs choses, comme une histoire, une sentence, un proverbe, une figure. Le maître devait donc recueillir de tous côtés ces fleurs éparses, pour ainsi dire, dans les auteurs, et les présenter aux élèves sous une forme accommodée à leur âge.

Il ne serait pas non plus sans utilité d'offrir aux enfants certains modèles de conversation dont ils useraient dans les jeux, dans les repas et dans toutes les occasions de causerie. Ces modèles devaient être à la fois élégants, faciles, agréa

bles. De cette pensée naquirent les Colloques d'Érasme, qui eurent un si merveilleux succès.

Lorsque l'enfant aurait acquis ainsi une certaine habileté dans la langue, on pourrait, si l'on voulait, le rappeler à la grammaire et lui donner un enseignement plus élevé. Mais il fallait, comme par le passé, procéder avec ordre et méthode, commencer par les préceptes les plus simples et les présenter en peu de mots. Puis, à mesure que l'esprit des élèves se fortifiait, on pouvait passer à des leçons encore plus hautes, mais toujours en donnant à chacune le rang qui lui appartenait. La grammaire de Théodore Gaza offrait l'exemple de cet ordre.

Toutefois, Érasme voulait qu'on ne retînt pas trop longtemps les élèves sur ces préceptes, mais qu'on les rappelât sans tarder à des auteurs plus sérieux, surtout s'ils possédaient déjà ces notions sommaires de rhétorique dont il avait parlé, ainsi que les figures et les formes de la versification. En même temps on devait les exercer à des compositions plus difficiles. Le choix des sujets et la manière de les présenter demandaient un maître habile et laborieux. On pouvait proposer aux élèves tantôt une lettre courte, présentée en langue vulgaire, mais d'une manière agréable, pour la leur faire traduire en grec ou en latin, ou dans les deux langues à la fois; tantôt un apologue, ou bien une narration courte, mais intéressante, ou une pensée à développer, ou une argumentation, ou une amplification, ou un éloge, une censure, un récit fabuleux, une description, une énumération, une prosopopée, une comparaison, un portrait, ou d'autres sujets analogues. Ils devaient aussi, de temps on temps, mettre des vers en prose ou de la prose en vers, imiter dans les mots comme dans les tours une lettre de Pline ou de Cicéron, reproduire la même pensée plusieurs fois avec des mots et des tours différents, l'exprimer en vers et en prose, en grec et en latin, en varier l'expression le plus possible au moyen des lieux communs et des figures.

Érasme, on le voit, voulait qu'on s'arrêtât longtemps sur les détails de la composition. Il pensait qu'on n'arrivait à la perfection de l'ensemble qu'après une étude minutieuse de chaque partie. Ainsi procèdent tous les arts libéraux, ou pour mieux dire, tous les arts. On a voulu changer cette méthode lente, mais sûre. Aussi rien de soutenu, rien de fini dans le style des jeunes gens arrivés au terme des études.

Érasme attachait encore une très grande importance à la traduction du grec. Il en attendait le plus grand fruit. Il voulait que les élèves y fussent exercés très souvent et avec un soin extrême. « Le travail nécessaire pour trouver le sens, dit-il, développe l'intelligence. On voit mieux le caractère et la propriété de chaque langue et l'on découvre ce qui est commun entre les Grecs et nous, comme ce qui est différent. Enfin, pour rendre la force expressive du texte, il faut déployer toutes les ressources de la langue latine. »>

A ces travaux de traduction et de composition, on devait mêler de fréquentes explications d'auteurs, afin d'offrir aux élèves des modèles à imiter. « Ces exercices, disait-il, peuvent d'abord paraître difficiles aux enfants; mais par la pratique ils deviendront plus aisés. Le maître, par son talent et son application, saura leur épargner une bonne partie de la difficulté en leur montrant lui-même ce qu'il croira au-dessus de leurs forces. Ensuite, pour les exciter au travail de l'invention, il leur présentera des sujets tout nus, en laissant à chacun le soin de trouver tout ce qui pourra servir à traiter, orner et enrichir la matière. Il aura soin d'apporter dans ces exercices du choix et de la variété. Souvent il pourra donner, comme sujet de composition, une lettre pour conseiller ou dissuader, ou bien une lettre narrative, ou bien encore une lettre de félicitation, de reproche, de consolation, quelquefois un sujet de déclamation dans les divers genres, par exemple, le blâme de César ou l'éloge de Socrate; qu'il faut étudier les lettres grecques ou qu'il ne faut pas les étudier; qu'Horace ne méritait pas d'être livré au supplice. »>

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