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sonne. Il n'est pas juste d'attribuer aux hommes ce qu'ils ne revendiquent pas eux-mêmes; et s'ils le revendiquaient, ce serait une raison de plus pour ne pas le leur accorder.

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La Renaissance, telle qu'Erasme l'entendait, se proposait pour but, non-seulement la restauration des études profanes et sacrées, mais la réforme de la société tout entière dans les deux ordres qui la composaient, l'ordre ecclésiastique et l'ordre civil. Les plaintes contre les abus et la corruption de l'Église n'étaient pas nouvelles. On connaît cette page remarquable qui ouvre l'Histoire des variations. « Il y avait plusieurs siècles, dit Bossuet, qu'on désirait la réformation de la discipline ecclésiastique. Qui me donnera, écrivait saint Bernard, que je voie, avant de mourir, l'Église de Dieu. comme elle était dans les premiers jours ?... Les désordres s'étaient encore augmentés depuis. L'Église romaine, la mère des Églises... n'était pas exempte de mal; et dès le temps du concile de Vienne, un grand évêque, chargé par le

pape de préparer les matières qui devaient y être traitées, mit pour fondement de l'ouvrage de cette sainte assemblée, qu'il y fallait réformer l'Église dans le chef et dans les membres. Le grand schisme, arrivé un peu après, mit plus que jamais cette parole à la bouche, non-seulement des docteurs particuliers, d'un Gerson, d'un Pierre d'Ailly..., mais encore des conciles, et tout en est plein dans le concile de Pise et dans le concile de Constance.

<«< On sait ce qui arriva dans le concile de Bâle où la réformation fut malheureusement éludée. Le cardinal Julien représentait à Eugène IV les désordres du clergé, principalement de celui d'Allemagne. « Ces désordres, lui disait-il, excitent la haine du peuple contre tout l'ordre ecclésiastique, et si on ne le corrige, on doit craindre que les laïques ne se jettent sur le clergé à la manière des Hussites...» Si on ne réformait promptement le clergé d'Allemagne, il prédisait qu'après l'hérésie de Bohême, et quand elle serait éteinte, il s'en élèverait bientôt une autre encore plus dangereuse... « On se jettera sur nous, continuait ce grand cardinal, quand on n'aura plus aucune espérance de notre correction. Les esprits des hommes sont en attente de ce qu'on fera, et ils semblent devoir bientôt enfanter quelque chose de tragique. Le venin qu'ils ont contre nous se déclare. Bientôt ils croiront faire à Dieu un sacrifice agréable en maltraitant ou en dépouillant les ecclésiastiques comme des gens odieux aux hommes et plongés dans la dernière extrémité du mal..... On rejettera la faute de tous ces désordres sur la cour de Rome qu'on regardera comme la cause de tous les maux, parce qu'elle aura négligé d'y apporter le remède nécessaire. » Il le prenait dans la suite d'un ton plus haut : « Je vois, disaitil, que la cognée est à la racine; l'arbre penche; et au lieu de le soutenir pendant qu'on le pourrait encore, nous le précipitons à terre... Dieu nous ôte la vue de nos périls, comme il a coutume de faire à ceux qu'il veut punir. Le feu est allumé et nous y courons. »

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Dans une adresse présentée un peu plus tard au même pontife, Pierre de Versailles, moine de Cluny, évêque de Meaux, l'un des ambassadeurs du roi Charles VII, s'exprimait en ces termes : « Comme Roboam, en suivant les conseils des hommes jeunes, dit saint Chrysostome, donna occasion à la querelle qui éloigna de lui la plus grande partie des enfants d'Israël, de même à la fin des siècles les évêques abandonneront les conseils des vieillards, c'est-à-dire les enseignements des apôtres, des prophètes, ainsi que les décrets des saints pères; et, suivant les conseils des hommes de leur temps, ils donneront occasion au schisme dernier et final. Ces paroles prophétiques du saint docteur font craindre à des hommes prudents que les temps dont il a parlé ne soient arrivés; car le schisme a pris naissance des causes qu'il indique et continue de la façon qu'il prédit... C'est pourquoi, très saint père, vous devez vous employer de toutes vos forces pour extirper ces causes qui ne peuvent être supprimées que par un concile général; et à ceux qui demanderaient si on ne finira jamais de réunir des conciles généraux, nous répondrions qu'on ne peut se dispenser d'avoir recours aux remèdes, tant que dure la maladie... Si vous mettez votre confiance dans les princes, vous vous appuierez sur un roseau. Que si vous pensez réprimer les auteurs et les fauteurs du schisme par vos censures et vos peines canoniques, autant vaudrait essayer de dompter la bête la plus féroce avec une verge de bois. Vous voyez avec quelle force ils résistent à votre puissance... Croyez-le bien, très saint Père, la maladie a trop profondément pénétré dans le corps de l'Église... et il n'y a plus qu'un moyen de salut pour votre autorité, c'est le retour à son air natal, c'est-à-dire à la doctrine et aux décrets des saints Pères...

<< On dit encore que les doctes et les superbes font seuls la guerre à votre autorité... Nous répliquons au contraire que ce sont les gens simples et les petits selon l'Évangile, qui se scandalisent et périssent en bien plus grand nombre dans le

schisme, séduits par l'appât de quelques avantages temporels et par l'espérance de s'affranchir des charges sous lesquelles ils gémissent. Ces simples, ces petits courent en foule vers les hommes qui leur font ces promesses et ils les suivent...>>

Cette réforme violente que le cardinal Julien et Pierre de Versailles avaient annoncée, Luther l'accomplit; mais Érasme la prépara. Bien avant que le moine de Wittemberg eût affiché ses propositions contre l'abus des indulgences, il avait attaqué, tantôt avec une éloquence véhémente, tantôt avec une ironie pleine de sarcasme, la corruption du clergé, la dissolution et l'ignorance des moines, l'orgueil intolérant et la subtilité sophistique des théologiens, l'ambition et les vices de la cour romaine, la simonie effrontée qui faisait des choses les plus saintes trafic et marchandise, les pratiques puériles ou superstitieuses qui étouffaient la vigueur de la foi et de la charité sous le masque d'une dévotion toute pharisaïque, ce réseau de constitutions humaines qui enlaçaient les libres enfants du Christ dans les liens d'un nouveau judaïsme.

Deux petits livres surtout, l'un sérieux, l'autre léger, le Manuel du soldat chrétien et l'Eloge de la Folie jetèrent dans les esprits des semences que la parole enflammée de Luther devait faire éclore. Ce Manuel, commencé dès 1502 et bientôt publié, eut un succès extraordinaire. Les éditions se succédèrent avec rapidité. En 1518, il y en avait eu déjà un grand nombre. Dans ce petit livre qui est divisé en treize chapitres, Érasme avait voulu porter remède à l'erreur trop répandue qui faisait consister la religion dans des pratiques et des observances plus que judaïques.

A ses yeux, les armes du chrétien sont la prière et la science des choses saintes. La connaissance des Écritures nous met plus à portée de savoir ce que nous devons demander à Dieu. Il faut donc prêter une grande attention à ce qu'on lit; car la souveraine piété ne consiste point à réciter un grand nombre de psaumes que souvent on ne com

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prend pas. On doit s'efforcer d'en saisir l'esprit et s'y arrêter longuement, parce que la méditation des saintes Écritures nous fera connaître les moyens de résister à nos ennemis qui sont nos passions. En un mot, Érasme demande que le chrétien ne se contente pas de réciter des formules convenues de prières dont souvent il n'entend ni la lettre, ni l'esprit, ni la portée. Il veut que le simple fidèle, comme le clerc, se nourrisse de la parole sacrée, qu'il s'en pénètre et se l'incorpore en quelque sorte par une lecture attentive et une constante méditation.

On a reconnu un des principes essentiels de la Réforme; mais, à vrai dire, ce principe n'est pas en contradiction avec la doctrine catholique, s'il est appliqué avec mesure. Les esprits les plus sérieux et les plus orthodoxes du XVIIe siècle l'ont adopté et mis en pratique. Pour beaucoup d'hommes, la religion n'est qu'une forme extérieure et vaine sans influence sur le cœur et sur la vie. Elle n'effleure pour ainsi dire que la surface de l'âme. Tel était au commencement du xvr° siècle l'état moral du plus grand nombre. Le principe proclamé par Érasme et poussé jusqu'à l'abus le plus extravagant par la Réforme, enfanta des excès monstrueux. Mais s'il a causé de grands maux, il a produit aussi un effet salutaire. La doctrine évangélique a repris possession des âmes. L'Évangile n'a plus été pour elles une lettre morte. Bien ou mal interprété, il a puissamment agi sur les esprits et sur les cœurs. Chacun a cherché à le comprendre, à se l'approprier en quelque façon, pour en faire la règle vivante de ses pensées

et de ses actions.

Érasme a montré le mal et le remède; mais il ne l'a pas toujours fait avec mesure et convenance. Souvent sa verve satirique et railleuse l'entraînait au-delà de ce que demandaient la décence et la vérité. Ainsi, en attaquant les superstitions populaires, il semblait aller plus loin et s'en prendre au culte des saints consacré par l'Église. « L'un, disait-il, va faire tous les soirs sa prière à saint Christophe et se met à

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