Obrazy na stronie
PDF
ePub

est aveugle.» La définition est traitée par les dialecticiens d'une manière froide et sèche. Le prédicateur la développe avec abondance. Il doit faire de même pour chaque lieu. Il ne s'attachera pas seulement à ce que la description soit conforme à l'objet décrit; mais il le mettra tout entier sous les yeux, comme peint dans un tableau, afin d'enflammer l'auditeur d'amour, s'il retrace l'image de la vertu ou de haine, s'il dépeint le vice.

L'argument rétorqué est d'un fréquent usage chez le prédicateur. On en voit un bel exemple dans l'Évangile à propos de l'esclave qui s'excuse sur l'avide sévérité de son maître. Érasme se moque en passant des sophismes fameux, le menteur, le crocodile, jeux d'enfant qui ne sont pas sans grâce. La réduction des arguments à la forme syllogistique est facile; mais elle n'est pas nécessaire ni même utile devant le peuple. Elle est employée plus à propos dans les écoles. « Et pourtant il est puéril de ne pas comprendre la force de l'argumentation, à moins qu'elle ne soit réduite à la forme analytique. C'est un exercice qui peut convenir aux jeunes gens. Qu'il convienne aux maîtres et aux vieillards, à d'autres d'en juger.» Quelquefois une affirmation peut avoir l'efficacité et le poids d'une preuve. Elle montre la confiance de celui qui parle, et l'auditeur rougit de ne pas se rendre. Souvent la supplication, la prière, le serment, ont plus d'effet auprès de quelques-uns que l'argumentation. Saint Paul agit ainsi fréquemment. Il faut égayer et animer l'argumentation par des mouvements, des interrogations, des apostrophes, des exclamations, un enjouement de bon goût, des transitions ingé

nieuses.

Le sermon se termine par l'épilogue et la péroraison. L'épilogue résume le discours. Il ne faut pas oublier qu'au barreau l'autorité appartient à l'auditeur et qu'en chaire elle appartient au prédicateur. La péroraison s'adresse au cœur et aux passions. Elle s'étend quelquefois avec abondance. Érasme combat l'erreur des stoïciens sur les passions, qu'ils

prétendaient supprimer. Il indique celles que le prédicateur doit mettre en mouvement.

Après l'invention et la disposition vient l'élocution. Il semble croire que celui qui forme le prédicateur n'a pas besoin de s'appesantir beaucoup sur cette partie. Il montre pourtant les moyens de rendre le discours véhément, agréable, abondant. Il parle d'abord de l'amplification. « L'orateur du barreau, dit-il, doit par elle s'efforcer de faire paraître une chose plus grande ou plus petite qu'elle n'est. Pour le prédicateur, il suffit qu'elle paraisse aussi grande qu'elle est, mais plus grande ou moindre qu'elle ne paraît à la foule. »>

Les figures produisent la vraisemblance, la clarté, l'évidence, l'agrément, la véhémence, l'éclat, la sublimité. Ici Érasme suit la rhétorique à Herennius. Mais, comme toujours, il prend de préférence des exemples dans le domaine sacré. Ennemi du faux, il veut que le pathétique dans la répétition, l'exclamation et les autres figures du même genre soit l'effet du mouvement naturel de l'âme et pour ainsi dire l'explosion même de la passion. Il réfute les théologiens qui ne voulaient pas reconnaître des hyperboles dans l'Écriture, contrairement à l'opinion d'Origène, de saint Jérôme et de saint Augustin. Il y a des hyperboles même dans l'Évangile. Le prédicateur doit user sobrement de l'ironie. Saint Pierre se sert de la figure appelée licence, et saint Paul aussi dans l'Épitre aux Galates. Il y a des prédicateurs qui flattent à l'aide de cette figure. La flatterie est ici d'autant plus coupable qu'elle est dissimulée sous une apparence de liberté. Dans l'hypotypose, l'orateur ressemble beaucoup au peintre. C'est une figure propre surtout aux poètes; mais il faut avoir soin de garder les bienséances.

Les épithètes qui n'ajoutent rien doivent être évitées du prédicateur; mais jamais elles ne doivent être multipliées outre mesure. Les chutes, les désinences semblables et en général cette modulation savante qui résulte d'une construction symétrique, sont une affectation peu digne de la chaire chré

tienne. «Il faut sans doute tâcher de plaire, dit Érasme, mais sans recherche, et avoir en vue l'utilité. Le plaisir ne doit être que l'accompagnement. Ces ornements ôtent à l'orateur la confiance de ceux qui l'écoutent, et le plaisir fait bientôt place au dégoût. »

Le dialogisme convient particulièrement au prédicateur. Saint Chrysostome et saint Augustin, dans leurs sermons au peuple pour expliquer les Écritures, en font souvent usage. Il réveille l'attention, dispose à écouter et rend le discours clair et animé avec agrément. Mais ici encore il faut garder la bienséance. Érasme cite l'exemple d'un prédicateur qui, se tournant vers l'image du Christ, l'interrogeait et le faisait répondre.

La gradation a beaucoup d'agrément et de vivacité; mais il faut éviter l'affectation. Saint Paul et surtout saint Jean l'ont employée heureusement. Au sujet de l'éthopée, Érasme parle des caractères de Théophraste qui lui paraissent à peine dignes d'un si grand auteur. Quant à la figure par laquelle on prête à chaque personnage des paroles qui lui conviennent, les anciens se sont donné quelque liberté sur ce terrain. Il désapprouve ceux qui usent de cette liberté dans l'histoire du Christ, sans avertir que ce qui est raconté repose sur des traditions humaines ou sur des conjectures probables.

On a multiplié les épiphonèmes à mesure que le goût s'est corrompu. Elles se trouvent en grand nombre dans saint Jérôme, dans saint Ambroise, dans saint Grégoire. Elles sont rares dans Cicéron. «Nous sommes touchés surtout, dit Érasme, pas les exemples tirés des personnes dont l'autorité est irréfragable. Elle est au suprême degré dans le Christ. >> Les exemples fabuleux sont interdits au prédicateur. Il peut cependant reproduire certaines histoires, rapportées par des auteurs graves et vraisemblables au point qu'on peut les croire vraies.

Les livres sacrés et surtout l'Évangile sont pleins de similitudes presque toujours tirées de choses très connues du

peuple. Les images abondent dans les Écritures comme dans tout discours humain. Certaines gens pensent néanmoins qu'il faut laisser aux grammairiens la connaissance des figures comme indigne d'un théologien. Saint Grégoire de Nazianze et saint Chrysostome ont donné un exemple contraire. Cette connnaissance est indispensable pour l'intelligence des livres sacrés. Il faut par-dessus tout s'attacher au vrai sens du texte, sans jamais s'en écarter. On ne doit pas recourir aux figures, si le sens propre est pieux, sain et d'accord avec le reste des Écritures. Érasme s'élève contre ceux qui leur font violence et traitent les textes sacrés comme des livres humains. Le prédicateur, pour les interpréter convenablement, doit aller aux sources mêmes et chercher le sens vrai dans l'enchaînement de ce qui précède et de ce qui suit. Il ne doit pas se contenter de prendre quelques pensées dans des recueils ou dans des index (1).

L'Écriture, selon les modernes, présente quatre sens, le sens historique ou littéral, le sens tropologique ou moral, le sens allégorique, le sens analogique ou inductif. Les anciens n'en reconnaissent que deux, le sens littéral et le sens spirituel qu'ils désignent sous divers noms. Dans la tropologie, ou explication morale, Origène ne manque ni de vigilance ni d'habileté; mais il y mêle des sens tirés de trop loin. Saint Chrysostome ne traite guère que cette partie, et il le fait avec autant de pénétration que de succès. « Il a préféré, dit Érasme, s'attacher à ces explications, sans doute en vue de l'utilité qu'on peut en retirer pour former les mœurs des hommes, et elles touchent davantage l'auditeur, parce qu'elles sont reconnues par chacun et qu'elles s'adressent à chacun. Elles sont écoutées avec plus de foi que les allégories; et les analogies trouvées par le génie de l'interprète jusqu'à un certain point arbitraires, celles-ci n'ont que peu de poids pour confirmer les dogmes de la religion. Mais

(1) V. Fénelon.

l'histoire porte avec elle le sens tropologique et le livre à la conscience de tous. Ce n'est pas tant un sens différent du sens littéral que l'explication de ce sens. Ainsi un peintre montre aux spectateurs dans un tableau fait avec un grand art ce qui est beau et digne d'admiration. Tous ne jugent pas également bien d'une peinture; mais tous reconnaissent ce qui leur est indiqué. Il en est de même pour ceux à qui l'on indique le sens moral d'un passage des Écritures. »

L'interprétation qui se borne au sens littéral est l'abus opposé à celui de l'allégorisme qui détruit le sens historique. Il a produit beaucoup d'erreurs et d'hérésies. « Il faut, poursuit Érasme, conserver en même temps le sens littéral et le sens figuré. Renverser le premier sans nécessité, c'est renverser le fondement de l'Écriture; c'est en faire une chose arbitraire, humaine. La faute est plus impudente encore, quand après avoir forgé une allégorie, on l'étaie par le mensonge. » Il se moque en passant de certains prédicateurs qui voient les douze apôtres dans les douze signes du Zodiaque, ou qui expliquent la Trinité par le triangle équilatéral, ou qui prêchent la Parabole de l'Enfant prodigue pendant un carême entier avec toute espèce de fictions allégoriques. « La divine Écriture, dit-il, est trop riche pour que l'on emploie une heure à de telles fables, et, s'il faut charmer l'auditoire, elle a ses bosquets verdoyants où l'on peut récréer plus convenablement son esprit. Un prédicateur prudent s'éloignera le plus possible de ces fictions déplacées, imaginées par des hommes qui font profession de s'adonner à la vie contemplative. »>

Il est quelquefois nécessaire de reconnaître dans les livres. sacrés les allégories et les figures. Ainsi les prophéties qui annoncent le règne du Christ ont en vue un règne spirituel; les Juifs, au contraire, attendent un règne temporel. «Ne pas admettre ici la figure, continue Érasme, c'est une impiété; car si le sens historique est le corps de l'Écriture, le sens caché en est l'âme. C'est donc s'écarter de l'Écriture que

de re

« PoprzedniaDalej »