Obrazy na stronie
PDF
ePub
[graphic]

prédicateurs du XVII° siècle semblent avoir fait leur profit et qui peuvent servir aussi aux disciples de l'éloquence profane. Il est divisé en quatre livres. Dans le premier, Érasme considère le but, l'utilité, la dignité auguste et la difficulté de la prédication, ainsi que les qualités nécessaires au prédicateur.

A ses yeux, l'orateur profane et l'orateur sacré ont des fonctions diverses, mais non opposées. Elles concourent au même but moral qui est la paix de l'État et de l'Église. Les vrais organes de l'éloquence sacrée sont d'abord l'évêque, puis les pasteurs placés sous son autorité; en troisième lieu, tous ceux qui ont été légitimement délégués pour ce ministère. Érasme veut que les évêques soient capables de remplir par eux-mêmes leur principale fonction qui est d'enseigner et de nourrir les âmes de la parole divine. Il compare ceux qui ne le peuvent pas à des chiens muets, à des statues muettes; il demande aussi qu'ils veillent à ce que chaque église ait des pasteurs convenables et en état d'instruire le peuple. «< Former des jeunes gens propres à ce ministère, voilà, dit-il, leur plus grand devoir. La négligence en ce point est la source principale des maux de l'Église. »

Pour montrer la dignité de la prédication évangélique, il emprunte à la Bible d'éclatants passages. Le prédicateur est figuré dans l'Ancien Testament par Aaron, dont tous les ornements ont un sens mystique et spirituel. « Que sa mission est haute, dit-il! elle est plus grande que celle d'un roi. Les rois veillent sur les biens matériels et sur les corps; le pasteur veille sur les biens spirituels et sur les âmes. Convertir un pécheur, c'est plus que ressusciter un mort. Les miracles qui frappent nos sens nous étonnent; ceux qui s'accomplissent dans l'homme intérieur n'excitent pas notre admiration, quoiqu'ils soient plus merveilleux. Aussi est-il difficile de comprendre comment des évêques dédaignent leurs fonctions les plus hautes pour des occupations profanes. Ils rougissent de confesser et de prêcher, mais non de servir

un prince ou de chevaucher parmi des soldats. Puissent tous les évêques reconnaître leur dignité et imiter la fierté apostolique ! Le prédicateur, à l'exemple du Christ, doit s'élever sur la montagne où rien d'impur ne puisse l'atteindre et d'où il veille sur le peuple chrétien, comme une sentinelle vigilante. >>

Un peu plus loin, il ajoute : « Le prédicateur doit avoir les ailes argentées de la colombe, c'est-à-dire la simplicité évangélique jointe à l'éclat sans tache des mœurs, avec le son agréable de la doctrine salutaire qui nous parle, non de la terre, mais du ciel. l'ourquoi donc le nombre de ceux qui se vouent à la prédication apostolique et pastorale est-il si petit? Et pourtant quel vaste champ ouvert au prédicateur par les découvertes récentes! On aime mieux asservir ou piller les nations barbares que de les gagner au Christ par la douceur et la bienfaisance. »> Érasme adresse un appel éloquent aux religieux particulièrement voués à la prédication, pour qu'ils travaillent à la conversion de ces peuples infidèles.

[ocr errors]

Mais si telle est la dignité de la prédication, il faut aussi se bien pénétrer de la rude tâche qui s'impose au ministre de la parole sainte. Celui qui aspire à ce ministère auguste doit se former à la piété dès le premier âge, étudier assidûment les Écritures, écouter la voix du maître avec tremblement, attention, obéissance. Il ne faut pas attendre maintenant ce que l'on vit jadis dans les Apôtres. Les miracles convenaient au berceau de l'Église naissante. D'ailleurs les Apôtres furent préparés à leur mission par le docteur suprême. Ils jeûnèrent et prièrent dix jours avant de recevoir le Saint-Esprit. Ils firent de même après l'avoir reçu. On voit saint Paul demander ses livres, sans doute l'Ancien Testament. Le SaintEsprit hait la paresse; il aime l'activité et la vigilance. Il n'ôte point les qualités naturelles ou acquises; mais il les achève et les tourne au bien, comme il a fait dans saint Paul, dans saint Cyprien, dans saint Augustin.

[graphic]

Dès l'enfance, les parents et les maîtres doivent préparer le futur prédicateur, afin que l'Esprit divin trouve en lui un instrument convenable. Ils doivent le former par les mœurs et par les sciences, par celles principalement qui se rappor tent de plus près à la faculté de la parole. A l'étude patiente et approfondie des livres sacrés, à la lecture variée des grands docteurs (1), il est nécessaire de joindre la connaissance des préceptes oratoires et la pratique de la parole, enfin une suffisante facilité d'élocution dans la langue où l'on doit parler au peuple.

Mais avant tout il faut un cœur pur et nouveau. La parole sert à exprimer ce qui est dans l'homme intérieur. Rien de plus salutaire qu'un discours partant d'une âme saine et pieuse; rien de plus pernicieux qu'un discours venant d'une âme perverse et impie. La divine sagesse ne peut entrer dans les cœurs souillés par les vices. Une langue souple, une voix sonore, une complexion forte, une mémoire fidèle, la connaissance des Écritures, sans la pureté du cœur, ne sont que du vin mêlé à de la ciguë; car ce mélange augmente la force du poison. Pour obtenir cette pureté, il faut joindre à la prière les bonnes œuvres. Ces bonnes œuvres sont de deux espèces. Les unes se rapportent aux pratiques et ont pour but de dompter la chair; les autres, qui font connaître le bon arbre, sont les œuvres de la foi et de la charité. Les vrais prédicateurs doivent être, comme les Apôtres, convenablement ornés de pudeur, de sobriété, de jeûnes, de veilles, de prières assidues, d'aumônes et d'autres bonnes œuvres, mais intérieurement fermes et forts dans la vigueur de l'esprit évangélique. C'est la séve de l'âme; les autres choses en sont comme les feuilles et les fleurs.

Non-seulement le prédicateur doit être pur de toute passion mondaine, amour des richesses, vanité, ambition; mais il

(1) V. Fénelon. Dialogue III. Il faudrait avoir longtemps étudié et médité les saintes Écritures, avant que de prêcher...

doit éviter l'apparence même du mal et se mettre à l'abri du soupçon. L'autorité s'attache à la vertu qui éclate dans le discours, dans la vie, dans le visage. Tout ce qui donne une mauvaise renommée, tout ce qui offre une apparence fâcheuse, sans être mal en soi, la fait perdre plus ou moins. Il devra se préserver tout à la fois du découragement et de l'orgueil; mais l'orgueil est plus à redouter. Il imitera les apôtres Pierre et Paul, pleins de courage et de sérénité dans les maux, de modestie et d'humilité dans le succès. Il ne recherchera ni son avantage, ni sa gloire. Il ne se proposera que l'intérêt et la gloire de Dieu. Il doit encore posséder à un haut degré la sagesse. La science n'est pas la sagesse. Le sage est celui qui sait, non pas tout, mais ce qui importe au vrai bonheur; et il ne suffit pas d'avoir cette connaissance, il faut en avoir été touché et comme transformé. Ce ne peut être l'effet de la philosophie et des forces humaines. Il faut donc avoir recours à la prière. C'est Dieu qui donne un cœur nouveau, qui, par son esprit, fortifie, conserve et augmente ce qu'il a donné.

Vertueux, sage, courageux, le prédicateur doit remplir sa mission en dispensateur fidèle. Il est nécessaire qu'il unisse à la fidélité la prudence, qu'il ait égard aux temps, aux lieux, aux personnes. Saint Paul est ici le grand modèle. Sans ce bon sens naturel, fortifié par l'éducation et la pratique, les préceptes et l'art font seulement que l'on parle d'une manière plus fâcheuse. De même nul ne raisonne plus sottement qu'un esprit faux qui a étudié la dialectique avec un soin minutieux. Il faut donc non-seulement exercer, mais choisir les hommes propres au ministère de la prédication. «Sans doute, dit Érasme, l'Esprit-Saint donne à l'orateur sacré cette prudence; mais il règle son énergie selon l'instrument qu'il a trouvé. On ne forme pas à la prédication un homme dont la voix est grêle, la poitrine faible, la langue embarrassée et bégayante, la laideur monstrueuse, la mémoire nulle; et pourtant ces défauts peuvent être corrigés

en partie. La lenteur d'esprit, le manque de jugement, la colère, la sottise, l'indiscrétion et les autres défauts semblables, qui ne frappent pas les yeux, on les néglige, quoiqu'ils soient beaucoup plus graves. Saint Chrysostome nous montre dans saint Paul la prudence et le conseil naturels en lui, mais portés à la perfection par l'Esprit-Saint. >>

A ces qualités morales doivent s'ajouter une grande force de foi, une ardeur extraordinaire de charité. Il faut aimer soi-même ce que l'on conseille aux autres. C'est la principale condition pour persuader. L'amour donne au discours la chaleur et la vie. Si vous faites vous-même ce que vous prescrivez aux autres, votre exemple aide merveilleusement à l'efficacité de la doctrine. Érasme rappelle la parole trois fois répétée du Christ: Pierre, m'aimez-vous? Saint Jean-Baptiste est représenté comme un flambeau allumé et brillant. Il faut brûler d'abord, puis éclairer. La chaleur vient de l'âme, la lumière de la science. « Nul chrétien, dit Érasme, ne peut être réputé ignorant; car le Symbole des Apôtres contient une philosophie surhumaine, enseignée aux hommes par le Fils de Dieu. Mais ceux qui ont reçu de l'Esprit divin la mission d'enseigner aux autres la science de la justice, doivent paraître meilleurs entre les bons et plus lumineux entre ceux qui sont brillants de lumière. On voit pourtant des jeunes. gens légers et ignorants qui s'imaginent que, pour exposer la doctrine céleste devant le peuple, il suffit de payer d'audace et de remuer la langue avec volubilité!... Le prédicateur suprême, c'est le Christ. Ceux qui transmettent fidèlement sa parole, qui sont animés de son esprit, méritent seuls ce beau nom de prédicateur. »

« PoprzedniaDalej »