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ments divers; on pouvait avouer avec ingénuité qu'on n'entendait pas clairement; mais dans la paraphrase, on n'avait pas la même faculté.

Ce n'était pas tout encore; s'il faisait ce travail sur saint Mathieu, on ne manquerait pas de lui imposer la même tâche pour les autres évangélistes, et s'il se rendait à ce désir, il devrait se répéter toutes les fois que les évangélistes étaient d'accord. S'il essayait de former un récit unique et continu de tout ce qui était rapporté par eux, obligé d'expliquer les endroits discordants, c'est-à-dire de marcher dans un labyrinthe, il ne pouvait prétendre à la clarté de la paraphrase. L'éloquence et l'autorité du cardinal triomphèrent de ces raisons qui pourtant semblaient invincibles. Pour cette paraphrase de saint Mathieu, il suivit de préférence Origène, saint Chrysostome et saint Jérôme.

Après saint Mathieu, il paraphrasa saint Jean qui présentait des difficultés encore plus redoutables. La majesté du sujet était plus auguste; car une grande partie de cet évangile était consacrée à l'explication des mystères de la nature divine et de son union merveilleuse avec la nature humaine. La génération éternelle du Fils par le Père, la procession du Saint-Esprit, la parfaite unité de la nature divine avec la distinction des trois personnes, l'incarnation ineffable du Dieu fait homme étaient d'inexplicables mystères qui enlevaient à la paraphrase toute liberté. Un changement en pareille matière était quelquefois un sacrilége. Il fallait suivre une route semée d'obstacles et de précipices. Aucun évangile n'avait donné lieu à plus de questions embarrassantes sur la foi. Aucun n'avait demandé plus d'efforts aux plus beaux génies des temps anciens. Aucun n'avait fait naître des interprétations plus diverses. De plus, les paroles attribuées au Christ avaient quelquefois un caractère énigmatique, et la paraphrase ne pouvait les éclaircir sans détruire la vérité du discours et la cohésion du récit. Enfin, saint Jean avait une manière de dire particulière qui se plai

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sait dans les oppositions, les analogies, les répétitions. Ainsi chaque membre du discours répondait au précédent, de telle açon que la fin du premier devenait le commencement de celui qui suivait. De là naissait une grâce propre qui disparaissait en grande partie dans la paraphrase.

Malgré ces difficultés, Érasme, vaincu par les exhortations d'amis considérables et encouragé par le succès de la paraphrase de saint Mathieu, passa outre. Les paraphrases de saint Luc et de saint Marc suivirent de près. Enfin celle des Actes des Apôtres compléta le travail qu'il avait entrepris. Il laissa l'Apocalypse qui ne lui semblait pas susceptible de paraphrase ni même de commentaire.

En écrivant ces paraphrases, il ne prétendait pas substituer son œuvre au texte sacré, comme on l'en accusa. Il voulait seulement en rendre la lecture plus facile et plus profitable. « C'est ainsi, disait-il, qu'on assaisonne les mets pour les faire prendre plus volontiers et avec plus de plaisir. » Le lecteur qui s'attachait par goût au texte sacré avait dans la paraphrase les éclaircissements indispensables, sans avoir besoin de feuilleter de lourds et fastidieux commentaires. Celui qui était rebuté par la simplicité négligée du langage évangélique ou apostolique, trouvait dans les paraphrases les mêmes pensées, les mêmes doctrines, exposées dans un langage plus pur, plus élégant, plus clair, plus abondant. Erasme croyait contribuer ainsi à la diffusion de la philoso

phie chrétienne.

Le Nouveau Testament était la partie des Écritures qui avait sa prédilection. Il avait moins de goût pour l'Ancien. Tout en reconnaissant que le même esprit avait inspiré l'un et l'autre, il redoutait l'influence du judaïsme au sein de la société chrétienne, et il craignait qu'une étude trop assidue de l'Ancien Testament ne contribuât à développer les tendances judaïques qui ne se montraient que trop dans les mœurs du temps. D'ailleurs, n'ayant de l'hébreu qu'une teinture très légère, il ne pouvait guère exercer sa critique sur le

texte. En conséquence, les travaux qu'il fit sur quelques parties de l'Ancien Testament ne devaient avoir et n'ont en effet qu'une portée morale. Il s'appliquèrent exclusivement aux Psaumes, qui se prêtaient mieux à cette destination.

Dès l'année 1515, il adressa un commentaire ou plutôt une explication du premier Psaume à son ami B. Rhenanus. Il l'avait composée à Saint-Omer, où il avait été obligé de s'arrêter quelques jours pour laisser reposer ses chevaux. Il voulait offrir à son compagnon d'études, comme présent d'amitié, une fleur exquise cueillie dans les jardins verdoyants des Écritures. Il déclare lui-même que dans ce travail il envisage de préférence le point de vue moral et en fait l'application aux mœurs du temps. Toutefois il ne néglige pas entièrement les questions de critique, lorsqu'elles se présentent. Il discute les opinions des anciens commentateurs et cherche à éclaircir certaines difficultés sur le titre et le rang de ce psaume. Il fit un travail analogue sur le second, probablement à la prière de l'évêque de Bâle. Un peu plus tard, il essaya même de paraphraser le Psaume III, sur les instances d'un théologien qui le pressait d'accomplir pour les Psaumes ce qu'il avait fait pour le Nouveau Testament. Il paraît s'y être décidé à contre-cœur. Il croyait que les Psaumes ne se prêtaient pas à la paraphrase. Aussi ne voulut-il faire cet essai que sur un psaume très court. L'explication d'un psaume soulevait une foule de difficultés sur le sens historique, allégorique et moral, sur l'ordre des pensées, le titre, la variété des sens. Ces difficultés avaient besoin d'être éclaircies dans un commentaire.

A l'explication du Psaume IV, il donna la forme d'un sermon. Il l'offrit à l'évêque de Lincoln qui, depuis un grand nombre d'années, l'engageait à commenter les Psaumes. Érasme s'était déjà trois fois appliqué à ce travail, essayant toutes les formes pour voir s'il pourrait réussir. «< Mais, disait-il, je ne suis pas encore parvenu à me satisfaire suffisamment. » Trois ans plus tard, il adressa au même prélat

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une exposition oratoire du Psaume LXXXV. En 1530, il donna l'explication du Psaume XXXIII. Ici encore le commentaire a la forme d'un sermon. Érasme Ꭹ considère nonseulement ce psaume, mais tout l'Ancien Testament comme la figure du Christ et de l'Église. On retrouve les mêmes caractères dans l'explication du Psaume XXII, adressée au père d'Anne de Bolyen. Il en fait une triple application au Christ, au corps mystique du Christ, ou l'Église, enfin à la

morale.

Vers la même époque, il dédia l'explication du Psaume XXXVIII à l'évêque d'Olmutz. Dans cette explication, où il s'écarte souvent des anciens commentateurs, on trouve de fréquentes allusions aux affaires du temps dont le plus grand fléau était les langues empoisonnées qui n'avaient jamais régné avec plus d'empire. Pour ce psaume, il était revenu à la forme du simple commentaire. On la retrouve aussi dans l'explication du Psaume XIV, qui roule sur la pureté du tabernacle ou de l'Église chrétienne. Ce commentaire fut offert à un receveur d'impôts de Popparde, sur le Rhin, Christophe Eschenveld, qui s'occupait beaucoup d'études sacrées.

A ces travaux, on peut encore ajouter la courte explication du Psaume XXVIII, qui est intercalée dans sa Consultation sur la guerre des Turcs, et le petit livre sur l'Union de l'Eglise, qui n'est en quelque sorte que l'explication du Psaume LXXXIII.

Ces commentaires, ces paraphrases, ces sermons, indépendamment de leur valeur critique et morale, de leurs explications ingénieuses ou solides, avaient pour effet de développer de plus en plus le goût de l'Écriture sainte, de donner l'exemple d'études approfondies sur les textes sacrés. Ils contribuaient à la restauration de la vraie théologie, comme l'entendait Érasme, et à l'expansion de la philosophie chrétienne.

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Ses travaux sur les Pères de l'Église eurent plus d'éclat et plus d'influence. Ils sont de deux sortes. Il a donné des éditions d'un grand nombre d'entre eux; il a traduit en latin plusieurs ouvrages des Pères grecs. Saint Jérôme le premier fut l'objet de ses études et de son admiration. Dans sa jeunesse, il le mettait bien au-dessus de tous les docteurs.

Dès l'année 1499, il écrivait : « Depuis longtemps déjà mon âme désire avec une incroyable ardeur éclaircir par des commentaires les lettres de saint Jérôme, et je ne sais quel Dieu m'enflamme le cœur et me pousse à oser concevoir une entreprise si grande et que personne encore n'a tentée. La piété de cet homme qui, sans contredit, est le plus docte et le plus éloquent de tous les chrétiens, m'y engage. Ses écrits, dignes d'être lus par tous et appris par cœur, sont peu lus, moins admirés encore et très peu compris. O Dieu immortel! Scot, Albert et d'autres auteurs plus barbares retentiront dans toutes les écoles; et cet athlète incomparable, cet interprète, cette lumière de la religion, lui qui a mérité d'être célébré par dessus tous, restera seul enseveli dans le silence! Ce qui me révolte le plus, c'est que je vois saint Jérôme négligé pour une raison qui aurait dû principalement l'empêcher de l'ètre. Il porte la peine de son éloquence qui a servi la religion. Beaucoup sont éloignés de lui par sa science si profonde qui aurait dû tout particulièrement le recommander. Peu admirent ce que très peu comprennent. Mais si un tel auteur est éclairé par des commentaires convenables, je prévois que la gloire de saint Jérôme, recevant en quelque sorte un nouveau jour, brillera du plus grand éclat. Il sera lu et appris par cœur dans les écoles, dans les cours publics, dans les temples.

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