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ment, corrigé d'après les textes grecs (1). Enfin saint Jérôme, étant homme, a pu se tromper, comme il est arrivé plus d'une fois. » Erasme, du reste, ne demandait pas que l'on se rendît capable de parler parfaitement les trois langues. Il exigeait seulement une connaissance suffisante pour l'intelligence des textes. Afin de rendre cette étude facile, il importait d'avoir de bons maîtres et de saines méthodes. A cette occasion, Érasme célébrait la fondation des frères Buslidius à Louvain et les offres généreuses d'Étienne Poncher en France pour attirer des maîtres habiles.

Après les langues, il nommait la dialectique, la rhétorique, la science des nombres, la musique, la physique, la géographie, principalement celle des lieux dont parlent les Écritures. Il y joignait la morale et l'histoire, surtout la partie qui avait du rapport avec les récits des livres saints.

Il ne croyait pas que la dialectique fût suffisante pour mettre à même de discuter sur toute sorte de matières, et il repoussait les dédains de certains hommes pour la grammaire et la rhétorique. « A quoi bon, disait-il, savoir définir, diviser, construire un raisonnement, si l'on ignore la nature des objets sur lesquels il faut argumenter? Pour l'intelligence de certains passages des Écritures, non-seulement les auteurs qui ont traité de la physique et de l'histoire naturelle sont utiles, mais aussi les poètes dans les descriptions fréquentes qu'ils font des objets naturels. Il est bon encore de connaître les superstitions des païens. »

Quelques chrétiens des premiers siècles, comme Eusèbe et peut-être saint Jérôme, s'étaient occupés d'expliquer le nom et la nature des objets seulement dont parlent les livres saints. Avant la Renaissance, quand on rencontrait dans les auteurs quelque nom d'une langue inconnue, on consultait maître Ébrard pour le grec et un petit livre très confus pour l'hé

(1) Le Concile de Trente, dans sa quatrième session, a proclamé l'authenticité de la Vulgate, avec défense de la contester sous quelque prétexte que ce soit.

breu (1). Quelques-uns même se contentaient du seul Catholicon ou du dictionnaire d'Isidore.

Il ne devait pas être non plus sans utilité pour le futur théologien d'être exercé avec soin sur les figures des grammairiens et des rhéteurs, sur les allégories des fables mythologiques, surtout celles qui avaient une portée morale, comme la fable de Tantale, sur les apologues, les comparaisons, les preuves, les amplifications, les passions si exactement décrites par Aristote. Aussi voit-on saint Augustin rappeler au culte des Muses Licentius qui se préparait à les quitter. Il pensait que ces études donnaient à l'esprit plus de force et plus de séve pour les sciences plus sérieuses. « Une dialectique sèche et pointilleuse, disait Érasme, peut rendre invincible dans la dispute; mais quand il s'agit d'expliquer les divines Écritures ou de faire entendre en chaire la parole sainte, elle laisse ses meilleurs élèves languissants et froids, sans élan, sans éclat et sans vie. Cependant le propre de la parole chrétienne, c'est d'enflammer les âmes. »>

Il citait comme exemple la belle Homélie d'Origène, sur le sacrifice d'Isaac. « Nous n'avons, ajoutait-il, qu'à comparer la manière des anciens pères avec celle des auteurs nourris dans les questions épineuses de la Scholastique. Là on voit couler un fleuve d'or; ici de maigres ruisseaux qui ne sont ni purs ni semblables à leur source. C'est surtout dans les panégyriques des saints et dans les hymnes que ce défaut d'éclat et de chaleur est sensible. D'un côté, on entend retentir les oracles de l'éternelle vérité; de l'autre, on trouve de petites inventions humaines qui s'évanouissent comme des songes. Là, comme dans les jardins les plus fertiles, on peut se récréer tout ensemble et se rassasier; ici, au milieu de

(1) Il est connu sous le nom barbare de Mammotrect. V. la note A. Érasme, t. VI, p. 1 et 7, signale de singulières étymologies enfantées par l'ignorance du moyen âge. Ainsi, dans Isidore, Metropolis est dérivé de metron et de polis, et acolytos, xólovos, est traduit par ceroferarius. Érasme était porté à croire que ces étymologies bizarres avaient été ajoutées à l'ouvrage d'Isidore par d'autres plus modernes.

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ronces stériles, on est déchiré et torturé. Là tout est plein de grandeur; ici rien qui ne soit terne et sans éclat; le plus souvent on ne découvre qu'une barbarie peu digne du caractère théologique. >>

Si des sciences profanes méritaient d'arrêter plus longtemps celui qui devait être un jour théologien, c'étaient celles qui avaient quelque relation avec les livres sacrés. « Je n'ignore pas, poursuivait-il, avec quel orgueil certains hommes dédaignent la poésie comme chose puérile et vaine, ainsi que la rhétorique et tout ce qu'on appelle bonnes lettres. Ce sont elles cependant qui ont formé ces grands théologiens plus faciles à négliger qu'à entendre ou à imiter. Les livres des prophètes sont pleins d'images et de figures poétiques. Le Christ a présenté le plus souvent sa doctrine en paraboles. Pourquoi ne pas imiter les anciens qui ne craignaient pas d'exprimer en vers les mystères du christianisme? Pourquoi ne pas suivre saint Augustin qui, dans un ouvrage de théologie, ne néglige pas les questions de grammaire et de rhétorique? Les livres sacrés parlent-ils de figures syllogistiques, de formalités, de quiddités, d'eccéités, de conclusions, de corollaires? Quelle différence entre le langage des prophètes, du Christ, des apôtres, et celui des modernes disciples de Scot et de saint Thomas! » Sans condamner absolument les études suivies partout dans les écoles, il ne voulait pas qu'on s'en tînt à elles seules. « On n'ose pas, disait-il, se donner comme théologien sans la connaissance de la philosophie d'Aristote; et l'on ne craint pas de se déclarer théologien sans la connaissance de la grammaire et de la rhétorique, en un mot sans la moindre teintures des lettres anciennes et polies! On prononce hautement sur des questions que saint Paul, descendu des hauteurs du troisième ciel, n'ose effleurer! permis aux esprits rares, favorisés d'en haut, de se livrer à ces études, s'ils ont du temps à perdre. Ici je ne parle que pour l'écolier vulgaire, pressé d'acquérir la science théologique. »

A vrai dire, le futur théologien ne devait pas s'arrêter trop longtemps sur les sciences profanes; car il était à craindre que cette étude trop prolongée ne le rendît moins propre à entendre sainement les divines Écritures. Nourri de la doctrine de Pythagore, de Platon, d'Aristote, d'Averroès et d'autres auteurs plus profanes encore, il voyait dans les livres sacrés, non ce qu'il y trouvait, mais ce qu'il apportait avec lui. « Il peut être agréable, disait Érasme, de mêler en passant à l'explication des saintes Écritures quelques richesses empruntées; mais il est ridicule de n'avoir à la bouche que des auteurs profanes en des matières si éloignées de toute sagesse mondaine, comme il est dangereux d'appuyer sérieusement les dogmes de la religion chrétienne sur les opinions et les raisonnements de la philosophie païenne, source de la plupart des hérésies. C'est, non pas assaisonner, mais transformer la philosophie du Christ. Quel spectacle que de voir un théologien octogénaire n'enseigner que la dialectique et la philosophie, passer son temps dans les luttes de l'école, tandis qu'il est muet pour enseigner l'Evangile! Et pourtant le but principal de la théologie est d'expliquer avec sagesse les divines Écritures, de rendre compte de la foi et non de résoudre des questions frivoles, de parler sur la piété avec une force efficace, de faire couler les larmes, d'enflammer les âmes de l'amour des choses célestes. C'est là que doit tendre le futur théologien dès le commencement de ses études, plutôt que de vieillir sur des sciences profanes. La philosophie du Christ, qui doit servir de modèle aux lois humaines et non pas leur être subordonnée, est la source pure, l'ancre sacrée, l'étoile de la vie humaine. »>

Érasme demandait que l'on mît sous les yeux de l'écolier en théologie les dogmes du christianisme, résumés d'une manière succincte (1), en les tirant principalement de la source

(1) Ce qu'Érasme demandait a été fait par le Concile de Trente, dont le Catéchisme est la base de tous les autres.

des évangiles et des épîtres apostoliques. Il voulait avant tout que, par l'étude comparée de l'Ancien et du Nouveau Testament, on saisît l'admirable unité de la doctrine chrétienne, la merveilleuse concordance de l'enseignement et de la vie du Christ malgré des différences et des contradictions apparentes. Cette harmonie dans la variété même, cet accord parfait de toutes choses était, à ses yeux, le signe le plus frappant de la vérité de la religion. Le jeune homme, novice dans l'étude de la théologie, pouvait s'étonner de ces différences apparentes dans la conduite et la doctrine du Christ; mais un esprit attentif et exercé démêlait facilement la cause de tout et faisait disparaître des contradictions qui n'avaient au fond rien de réel. Pour résoudre ces difficultés, on pouvait invoquer les lumières des Pères de l'Église.

Érasme enseignait en peu de mots comment on devait étudier le Nouveau Testament, en saisir le sens moral et en faire l'application à tous les temps. Il montrait la double nature du Christ. Il expliquait pourquoi les Juifs avaient été rejetés. Il faisait voir la sainteté de Jésus-Christ, la manière dont il avait attiré le monde à sa loi, la conduite des Apôtres et de saint Paul en particulier, conforme aux préceptes et aux exemples de leur maître, la doctrine évangélique réprimant toutes les passions terrestres et enseignant à tout sacrifier au devoir. Il voulait que pour toutes les actions on prît exemple dans les divines Écritures et particulièrement dans les Évangiles.

Tout en reconnaissant les difficultés et l'obscurité même qui pouvaient naître du langage figuré et des paraboles, il en sentait, comme plus tard Fénelon, la grâce populaire et la force persuasive pour graver la vérité dans les esprits. Il remarquait même que les vérités saintes ont plus de majesté quand on les présente enveloppées d'un voile, que lorsqu'on les montre toutes nues. Celui qui voulait faire un usage convenable des livres sacrés, ne devait pas se contenter de recueillir quatre ou cinq mots. Il devait rechercher plutôt d'où

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