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complète et distincte, lui ressembler dans tous les points, et ne ressembler qu'à lui seul. Le philosophe n'a point de situation particulière et momentanée; il tourne autour de la nature.

Enfin, soit en poésie, soit en éloquence, un mérite essentiel de la définition, c'est l'à-propos. Tout ce qui d'un seul mot se fait concevoir nettement, pleinement, et sans équivoque, n'a pas besoin d'être défini. Ce n'est qu'à éclaircir, à développer, ou à circonscrire une idée, què l'on doit employer la définition, et il en est de cette partie de l'art d'écrire, comme de toutes les autres : pour avoir sa beauté réelle, et pour satisfaire à la fois le goût et la raison, elle doit contribuer à la solidité de l'édifice dont elle est l'ornement, bien entendu que, selon le genre, elle peut tenir plus ou moins du luxe ou de l'utilité; car il en est de l'éloquence et de la poésie comme de l'architecture tel genre est plus restreint au nécessaire, tel autre accorde plus à la magnificence et à la dé

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coration.

A l'égard des définitions philosophiques, elles sont d'un usage d'autant plus fréquent dans les choses même les plus familières, que les hommes ne sont jamais en contradiction que pour n'avoir pas défini, ou pour avoir mal défini. L'erreur n'est guère que dans les termes. Ce que j'assure d'un objet, je l'assure de l'idée que j'y attache ce que vous niez de ce même objet, vous le niez de l'idée que vous y appliquez. Nous ne sommes donc

Elém. de Littér. II.

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opposés de sentiments qu'en apparence, puisque nous parlons de deux choses différentes sous un même nom. Quand vous lirez clairement dans mon idée, quand je lirai clairement dans la vôtre, vous affirmerez ce que j'affirme, je nierai ce que vous niez ; et cette conciliation des idées ne s'opère qu'au moyen des définitions.

Il y en a qui donnent à penser ; il y en a d'autres qui en épargnent la peine. Du nombre des premières sont celles-ci, qu'Aristote nous a données. Le juste est l'utile en commun. La prudence est la vertu de la raison, dirigée au bonheur. La volupté est le seul bien que l'on désire pour lui-même. Un bien d'opinion est celui dont on ne ferait aucun cas s'il fallait l'avoir en secret.

Du nombre des dernières sont celles-ci, du même philosophe. La tyrannie est une monarchie sans limites. La magnanimité est une bienfaisance qui veut agir en grand. La mélancolie est à la fois douleur et volupté : douleur dans le regret; volupté, dans le souvenir.

Or on sent bien que celles qui demandent de la méditation, ne sont pas du genre oratoire. Tout y doit être facile à saisir et à pénétrer d'un coup d'œil. L'auditeur n'a le temps ni d'hésiter, ni de réfléchir. La pensée, en volant comme la parole, doit jeter sa lumière, et laisser son impression. Ceci peut distinguer l'éloquence parlée, de l'éloquence écrite.

DÉLIBÉRATIF. Les anciens n'étaient pas contents de leur division de l'éloquence en trois genres. Ils devaient être encore moins satisfaits des noms qu'ils y avaient attachés. Ils appelaient délibératif un genre où l'orateur prouvait de toutes ses forces qu'il n'y avait point à délibérer. Ils appelaient démonstratif un genre où la louange et la satire exagéraient tout, et ne démontraient rien, que la faveur ou que la haine. Ils appelaient judiciaire un genre qui ne tendait qu'à démontrer et ne faisait que soumettre l'affaire à la délibération des juges. On voit par-là combien ces trois genres étaient peu distincts l'un de l'autre.

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Les anciens avaient cependant plus de moyens que nous de distinguer les différents usages de la parole. Avec une ou deux syllabes ajoutées à leur verbe loqui, parler, ils disaient : parler ensemble et en particulier, colloqui; parler de loin parler haut, eloqui; parler à quelqu'un, ou à une assemblée particulière, alloqui; parler alternativement et en controverse, interloqui; parler à une multitude dont on était environné, circumloqui. Ils auraient donc pu appeler elocutio l'éloquence vague, sans auditoire et sans objet présent, comme celle des philosophes; allocutio, celle qui s'adressait à une personne, ou à un auditoire peu nombreux, comme à César ou au sénat; circumlocutio, celle qui s'adressait à tout

un peuple; collocutio, l'éloquence de la scène ou du dialogue; et interlocutio, l'éloquence du plaidoyer.

Au lieu de ces distinctions que la langue leur suggérait, ils en ont fait qui ne sont point exactes. Ils ont d'abord distingué l'éloquence des questions et celle des causes, et ils en ont fait deux genres, l'indéfini et le fini; quoique celui-ci, dans leur sens, soit aussi inséparable du premier que le ruisseau l'est de sa source. Ils ont abandonné l'indéfini aux sophistes et aux rhéteurs, et ont subdivisé le fini comme nous venons de le voir. L'usage a prévalu; et Cicéron lui-même, en adoptant cette division, assigne à chacun des trois genres son caractère et son objet. In judicuis, æquitas; in deliberationibus, utilitas; in laudandis aut vituperandis hominibus, dignitas : et ailleurs il ennoblit encore le genre délibératif, en lui donnant pour objet l'honnête aussi-bien l'utile.

que

Le délibératif est donc ce genre d'éloquence où il s'agit de faire prendre à un peuple, à une assemblée, une résolution; de déterminer la volonté publique pour le dessein qu'on lui propose, ou de la détourner du dessein qu'elle a pris.

Observons bien que ce n'est pas l'orateur qui délibère, comme le mot semble le dire: rien n'est plus positif, rien n'est plus décidé que l'avis personnel de Démosthène dans les Philippiques, et

que l'avis de Cicéron dans les Catilinaires ou dans l'oraison pour la loi Manilia. Mais c'est à l'assemblée à délibérer d'après l'avis de l'orateur; et ce disait à Solon le Scythe Anacharsis en parlant d'Athènes, n'est que trop souvent vrai par tout pays: Les sages parlent, et les fous décident.

que

Si c'est dans un sénat, dans un conseil que l'on harangue, il faut parler en peu de mots, avec une dignité simple, d'un ton grave et sentencieux, en marquant à cette assemblée une confiance modeste pour l'opinion qu'on lui propose; mais plus de confiance encore en elle-même pour ses lu mières et pour ses vertus.

Le ton impérieux y serait déplacé ; le langage des passions, les grands mouvements de l'éloquence, y sont rarement en usage; la douleur même et l'indignation y doivent être concentrées sans violencé et sans éclat.

Les chanteurs italiens (qu'on me permette la comparaison) distinguent trois caractères de voix ; et le seul qui soit pathétique, ils l'appellent voce di petto. C'est avec cette voix, et ce langage qui lui est analogue, qu'un orateur passionné doit opiner dans un sénat, ou dans un conseil souverain. La voix de gorge et la voix de tête y font du bruit, et rien de plus. Suadere aliquid aut dissuadere, gravissimæ mihi videtur esse personæ : nam et sapientis est consilium explicare suum de maximis rebus; et honesti et diserti, ut mente providere, auctoritate probare, oratione persuadere

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