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plus en discours qu'en action : le peu de ressources qu'a le poète du côté du spectacle, en est en partie la cause. La parole est souvent une expression faible et lente; mais il faut bien se résoudre à faire passer par les oreilles ce qu'on ne peut offrir aux yeux.

Ce défaut de nos spectacles ne doit pas être imputé aux comédiens, non plus que le mélange indécent des spectateurs avec les acteurs, dont on s'est plaint tant de fois. Corneille, Racine, et leurs rivaux n'attirent pas assez le vulgaire, cette partie si nombreuse du public, pour fournir à leurs acteurs de quoi les représenter dignement : la ville elle seule pourrait donner à ce théâtre toute la pompe qu'il doit avoir, si les magistrats voulaient bien envisager les spectacles publics comme une branche de la police et du commerce.

Mais la partie des décorations qui dépend des acteurs eux-mêmes, c'est la décence des vêtements. Il s'est introduit à cet égard un usage aussi difficile à concevoir qu'à détruire. Tantôt c'est Gustave qui sort des cavernes de Dalécarlie avec un habit bleu-céleste à parements d'hermine; tantôt c'est Pharasmane qui, vêtu d'un habit de brocart d'or, dit à l'ambassadeur de Rome:

La nature marâtre, en ces affreux climats,

Ne produit, au lieu d'or, que du fer, des soldats.

De quoi donc faut-il que Gustave et Pharasmane soient vêtus? L'un de peau, l'autre de fer.

Comment les habillerait un grand peintre? Il faut donner, dit-on, quelque chose aux mœurs du temps. Il fallait donc aussi que Lebrun frisât Porus, et mît des gants à Alexandre ? C'est au spectateur à se déplacer, non au spectacle; et c'est la réflexion que tous les acteurs devraient faire à chaque rôle qu'ils vont jouer on ne verrait point paraître César en perruque carrée, ni Ulysse sortir tout poudré du milieu des flots. Ce dernier exemple nous conduit à une remarque qui peut être utile. Le poète ne doit jamais présenter des situations que l'acteur se saurait rendre, telle que celle d'un héros mouillé. Quinault a imaginé un tableau sublime dans Isis, en voulant que la Furie tirât Io par les cheveux hors de la mer mais ce tableau ne doit avoir qu'un instant; il devient ridicule si l'œil s'y repose, et la scène qui le suit immédiatement le rend impraticable au théâtre.

Aux reproches que nous faisons aux comédiens sur l'indécence de leurs vêtements, ils peuvent opposer l'usage établi, et le danger d'innover, aux yeux d'un public qui condamne sans entendre et qui rit avant de raisonner. Nous savons que ces excuses ne sont que trop bien fondées, nous savons de plus que nos réflexions ne produiront aucun fruit. Mais notre ambition ne va point jusqu'à prétendre à corriger notre siècle ; il nous suffit d'apprendre à la postérité, si cet ouvrage peut y parvenir, ce qu'auront pensé dans

ce même siècle ceux qui, dans les choses d'art et de goût, ne sont d'aucun siècle ni d'aucun pays.

Lorsque je parlais ainsi dans l'Encylopédie, j'étais injuste en n'osant espérer les changements que je désirais aux décorations théâtrales; mais je dois dire pour mon excuse, qu'il n'y avait alors aucune apparence à la révolution qui arriva quelque temps après.

Le plus difficile et le plus nécessaire était de dégager le théâtre de cette foule de spectateurs qui l'inondaient, et qui laissaient à peine aux acteurs l'étroit espace qui séparait les deux balcons de l'avant- scène. On a peine à concevoir aujourd'hui que Mérope, Iphigénie, Sémiramis, aient été jouées comme au centre d'un bataillon de spectateurs debout, qui remplissaient le fond du théâtre, et qui obstruaient les coulisses, au point que les acteurs n'entraient et ne sortaient qu'à travers cette foule, qu'ils perçaient difficilement. Rien de plus contraire à la pompe et à l'illusion de la scène aussi l'ombre de Ninus, écartant une troupe de petits-maîtres pour se montrer, ne fut-elle d'abord qu'un objet de plaisanterie; et la plus théâtrale de nos tragédies, Sémiramis, tomba. Mais l'habitude et l'intérêt des comédiens perpétuaient un abus si barbare et il subsisterait peut-être encore, si M. le comte de Lauraguais, par une libéralité dont les arts et les lettres doivent conserver la mémoire, n'avait

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déterminé les comédiens à renoncer au bénéfice de ce surcroît de spectateurs.

Le théâtre une fois libre, avec un peu de soin, de dépense et de goût dans les nouvelles décorations, il fut aisé de rendre la scène plus décente.

Mais le changement des habits était un article important: il exigeait des frais considérables ; on n'osait pas même y penser, lorsque la célèbre Clairon, qui avait le droit de donner l'exemple, fit la première le sacrifice de ses riches vêtements de théâtre ; et dans Idamé, dans Roxane, dans Didon, dans Électre, enfin dans tous ses rôles, prit le costume du pays et du temps. Ce changement fut applaudi comme il devait l'être ; et dès lors tous les acteurs furent forcés de se vêtir sur ce modèle: plus de paniers pour les dames grecques et romaines, plus de chapeaux à grands panaches pour Mithridate et pour Auguste; plus de tonnelets aux cuirasses, plus de manchettes, plus de gants à frange, plus de perruques volumineuses pour les héros de l'antiquité. Chacun parut en habit convenable; et notre grande actrice eut la gloire d'avoir mis la première, sui la scène tragique française, de la décence et de la vérité.

Mais un autre exemple qu'elle donna, et qui ne fut pas imité de même, ce fut de réformer la déclamation, en même temps que les habits. Jusque-là elle avait eu trop de déférence pour un ancien système de déclamation emphatique,

où l'on prenait l'enflure pour de la dignité. En se voyant réellement vêtue comme Idamé, comme Roxane, comme Didon, Électre, Aménaïde, elle parut se demander à elle-même de quel ton elles avaient parlé; et sans déroger à la noblesse de ses rôles, elle sut rendre la déclamation tragique à la fois majestueuse et naturelle, évitant d'un côté l'emphase, de l'autre la familiarité; aussi éloignée du ton bourgeois que du ton ampoulé ; sans aucune affectation, et sans aucune négligence; sans rien outrer, et sans rien affaiblir; d'un accord parfait dans l'action de son geste et de son visage; d'une justesse inaltérable, d'une sûreté infaillible à saisir toutes les nuances de l'expression dans des variétés infinies et des degrés inappréciables; si accomplie enfin, que tout ce que l'envie a pu lui reprocher, a été de n'avoir laissé dans l'art aucune des incorrections qui appartiennent à la nature : reproche qu'on ne s'était pas encore avisé de faire aux sculpteurs qui nous ont donné l'Antinous et l'Apollon.

DÉFINITION. La définition oratoire est un vaste champ pour l'éloquence. C'est par elle que se discutent presque toutes les questions de droit ; car lorsqu'on est d'accord sur l'existence du fait et sur sa cause, il ne s'agit plus que d'examiner quelle en est la nature, et d'en déterminer la qualité relativement à la loi.

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