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même; car la nature est mille fois plus riche, plus féconde et plus inépuisable que l'imagination. L'imagination même n'en est que le copiste; ses créations ne sont que des singeries de ce que la nature a fait en se jouant. Voyez si aucun poète a su faire un olympe, un ciel passable au-delà du nôtre. Voyez si Virgile a su trouver autre chose dans les enfers qu'un volcan, des fleuves, des ruisseaux, des bocages; et si, pour éclairer cet autre monde, il ne lui a pas fallu emprunter notre soleil et nos étoiles :

Solemque suum sua sidera norunt.

Ce n'est donc que de la nature même qu'on peut tirer les tirer les moyens de renchérir sur elle, de l'embellir, et de la surpasser, en formant des ensembles qu'elle n'a pas formé. Or, composer ainsi, c'est feindre c'est même, en dernière analyse, la seule fiction possible; car la plus bizarre est encore une sorte de mosaïque, dont la nature a fourni toutes les pièces de rapport.

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Feindre, ce n'est donc autre chose qu'imaginer un composé qui n'existe point, afin de rendre le tableau que l'on peint, plus beau, plus animé, plus intéressant qu'aucun de ses modèles. Quant aux moyens de former cet ensemble idéal, voyez Beau, Intérêt, INVENTION, PATHÉTIQUE, etc.

Sur la question tant de fois agitée, si la fiction est essentielle à la poésie, voyez DIDACTIQUE, ÉPOPÉE, IMAGE, INVENTION et MERVEILLEUX.

FIGURES. Presque tout est figuré dans la partie morale et métaphysique des langues; et comme le Bourgeois Gentilhomme faisait de la prose sans le savoir, sans le savoir aussi, et sans nous en apercevoir, nous faisons continuellement des figures de mots et des figures de pensées.

Le moyen, par exemple, de parler de l'action, des facultés, des qualités de l'ame, de ses affections, sans y employer des mots primitivement inventés pour exprimer les objets sensibles? Lorsqu'on s'est fait des idées abstraites, et que d'une foule de perceptions transmises par les sens et isolées à leur naissance, on a formé successivement le système de la pensée; on ne s'est pas fait une nouvelle langue pour exprimer chacune de ces conceptions. On a pris au besoin, et par analogie, l'expression de l'objet qui tombait sous les sens, et l'on en a revêtu l'idée pour laquelle on manquait de terme. Cet usage des métaphores ou translation de mots, est devenu si familier, si naturel par l'habitude, que Rollin, en recommandant de ne pas s'en servir trop fréquemment, en a fait une à chaque ligne. Il est vrai qu'il ne comptait pas celles qui avaient passé dans la langue usuelle; et en effet celles-ci sont au nombre des mots simples et primitifs.

L'indigence a donc été la première cause de ces translations de mots, dont on a fait un ornement de luxe. Voyez IMAGE.

Élém. de Littér. II.`..

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La négligence et la commodité ont fait prendre un mot pour un autre, comme la cause pour l'effet, le signe pour la chose, l'instrument pour l'ouvrage, etc. Ainsi l'on dit qu'un homme est dans le vin, pour dire qu'il est dans l'ivresse ; on dit la plume et le pinceau, pour l'écriture et la peinture; on dit la charrue et l'épée, pour le labourage et la guerre; on dit des voiles, pour des vaisseaux ; et cela s'appelle métonymie. On fait donc une métonymie en disant, tant par téte pour tant par homme, tant par feu pour tant par maison, tant de charrues pour tant de terre; car métonymie, en français, veut dire changement de nom.

Est venue ensuite la délicatesse, qui, pour adoucir des idées indécentes ou déplaisantes, a évité le mot obscène, le mot dur et choquant, et a pris un détour. C'est ainsi qu'on a dit avoir vécu, pour étre mort; n'être pas jeune, pour étre vieux; qu'on dit d'un homme, qu'il a Eglé, qu'il vit avec Glycère, qu'il est bien avec Sempronie, qu'il a séduit, charmé Lucrèce, qu'il a désarmé sa rigueur, qu'il en a triomphe, etc. C'est ce qu'on appelle euphémisme, ou vulgairement beau langage.

La paresse ou l'impatience de s'exprimer en peu de mots, a introduit l'ellipse. Elle a fait aussi qu'on est convenu de s'entendre lorsqu'on dirait, en parlant des espèces collectivement prises, l'homme, le cheval, le lion, le chéne, la vigne, l'ormeau; lorsqu'on dirait, en parlant des peuples, le Français, l'Anglais, le Germain, la Seine,

le Tibre, l'Euphrate, ou lorsque, en parlant des armées, on ne ferait que nommer leur général, ou l'état, ou le roi qu'elles auraient servi. César défit Pompée: Rome conquit le monde: Louis XIV prit Namur. Ce tour s'appelle synecdoque, réunion

de tous en un seul.

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Les figures de pensées ne sont guère moins familières : ce sont, pour ainsi dire, les attitudes. les mouvements de l'esprit et de l'ame; et comme l'ame et l'esprit en action varient, sans s'en apercevoir, leurs mouvements et leurs attitudes, et d'autant plus qu'ils sont plus libres et plus vivement affectés, il a dû naturellement arriver ce que le philosophe Dumarsais a observé dans son livre des Tropes, que les figures de rhétorique ne sont nulle part si communes que dans les querelles des halles. Essayons de les réunir toutes dans le langage d'un homme du peuple; et pour l'animer, supposons qu'il est en colère contre sa femme.

Si je dis oui, elle dit non; soir et matin, nuit et jour elle gronde (antithèse). Jamais, jamais de repos avec elle (répétition). C'est une furie, un démon (hyperbole). Mais, malheureuse, dis-moi donc (apostrophe): que t'ai-je fait (interrogation)? O ciel! quelle fut ma folie en t'épousant (exclamation)! que ne me suis-je plutôt noyé (optation)! Je ne te reproche ni ce que tu me coûtes, ni les peines que je me donne pour y suffire (prétérition). Mais, je t'en prie, je t'en conjure,

laisse-moi travailler en paix (obsécration). Ou que je meure si.... tremble de me pousser à bout (imprécation et réticence). Elle pleure! ah, la bonne ame! vous allez voir que c'est moi qui ai tort (ironie). Eh bien, je suppose que cela soit. Oui, je suis trop vif, trop sensible, (concession). J'ai souhaité cent fois que tu fusses laide. J'ai maudit, détesté ces yeux perfides, cette mine trompeuse qui m'avait affolé (astéisme, ou louange en reproche). Mais dis-moi s'il ne vaudrait pas mieux me ramener par la douceur (communication)? Nos enfants, nos amis, nos voisins. tout le monde nous voit faire mauvais ménage ( énumération). Ils entendent tes cris, tes plaintes, les injures dont tu m'accables (accumulation). Ils t'ont vue, les yeux égarés, le visage en feu, la tête échevelée, me poursuivre, me menacer (description). Ils en parlent avec frayeur : la voisine arrive, on le lui raconte : le passant écoute, et va le répéter (hypotypose). Ils croiront que je suis un méchant, un brutal, que je te laisse manquer de tout, que je te bats, que je t'assomme (gradation). Mais non, ils savent bien que je t'aime, que j'ai bon cœur, que je désire de te voir tranquille et contente (correction). Va, le monde n'est pas injuste le tort reste à celui qui l'a (sentence). Hélas! ta pauvre mère m'avait tant promis que tu lui ressemblerais! Que diraitelle? dit-elle? car elle voit ce qui se passe.

que

Oui, j'espère qu'elle m'écoute, et je l'entends qui

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