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et son ame, comme le spectatenr qui se livre à l'illusion et qui s'affecte vivement des passions qui animent la scène. Ainsi, dans ces moments, l'homme de génie est comme double; et il ressemble au sculpteur de la fable, à la fois trompeur et trompé.

On appelle aussi enthousiasme le délire, ou la passion véritable qui se communique d'un homme à l'autre, et quelquefois à tout un peuple, lorsqu'une imagination exaltée se rend maîtresse des esprits, et qu'ils sont violemment émus des tableaux qu'elle leur présente ; et on ledit également des effets de l'erreur, et de ceux de la vérité, plus souvent même de l'erreur, parce que le mensonge a plus souvent recours à l'éloquence passionnée. Mahomet a fait des enthousiastes, Socrate n'en fit point. De grands exemples ou de grandes leçons inspirent pourtant quelquefois l'enthou siasme de la vertu et de la gloire. L'esprit de la secte stoïque fut l'enthousiasme de la vertu. Le génie de l'ancienne Rome fut l'enthousiasme de la patrie.

ENTR'ACTE. On appelle ainsi l'intervalle qui, dans la représentation d'une pièce de théâtre, en sépare les actes, et donne du relâche à l'attention des spectateurs.

Chez les Grecs, le théâtre n'était presque jamais vide: l'intervalle d'un acte à l'autre était occupé par les chœurs.

Un des plus précieux avantages du théâtre moderne, c'est le repos absolu de l'entr'acte. De toutes les licences qu'on est convenu d'accorder aux arts, pour leur faciliter les moyens de plaire, c'est peut-être la plus heureuse, et celle dont on est le mieux dédommagé.

Observons d'abord que l'entr'acte n'est un repos que pour les spectateurs, et n'en est pas un pour l'action. Les personnages sont censés agir dans l'intervalle d'un acte à l'autre ; et tandis qu'en effet l'acteur va respirer dans la coulisse, il faut qu'on le croie occupé. Ainsi le poète, dans le plan de la pièce, en divisant son action, doit la distribuer de façon qu'elle continue d'un acte à l'autre, et que l'on sache ou que l'on suppose ce qui se passe dans l'intervalle; à peu près comme un architecte dispose dans son plan les vides et les pleins, ou plutôt comme un peintre habile dessine tout le corps qui doit être à demi voilé.

Rien de plus simple que cette règle ; et on la néglige souvent.

Il est aisé de sentir à présent quelle est la facilité que l'entr'acte donne à l'action, soit du côté de la vraisemblance, soit du côté de l'intérêt.

II y a dans la nature une infinité de choses dont l'exécution est impossible sur la scène, et dont l'imitation manquée détruirait toute illusion. C'est dans l'entr'acte qu'elles se passent : le poète le suppose, le spectateur le croit.

L'action théâtrale a souvent des longueurs inévitables, des détails froids et languissants, dont on ne peut la dégager; et le spectateur, qui veut être continuellement ému ou agréablement occupé, ne redoute rien tant que ces scènes stériles. Il veut pourtant que tout arrive comme dans la nature, et que la vraisemblance amène l'intérêt or le poète les concilie, en n'exposant aux yeux que les scènes intéressantes, et en dérobant dans l'entr'acte toutes celles qui languiraient.

Enfin, par la même raison que l'on doit présenter aux yeux tout ce qui peut contribuer à l'effet que l'on veut produire, lequel, soit dans le pathétique, soit dans le ridicule, est toujours le plaisir d'être ému ou d'être amusé, on doit dérober à la vue tout ce qui nous déplaît ou ce qui nous répugne ; car l'impression du tableau, étant beaucoup plus forte que celle du récit, nous rend plus cher ce qui nous flatte, mais aussi plus odieux ce qui nous blesse. Or le poète, qui doit prévoir et l'un et l'autre effet, jettera dans l'entr'acte ce qui a besoin d'être affaibli ou voilé par l'expression, et présentera sur la scène ce qui doit frapper vivement.

Un avantage encore attaché à l'entr'acte, c'est de donner aux événements qui se passent hors du théâtre un temps idéal un peu plus long que le temps réel du spectacle. Comme le mouvement mesure la durée, celle d'une action pré

sente aux yeux ne peut nous échapper'; au lieu que d'une action absente, et dont nous ne sommes plus occupés, nous ne comptons point les moments. Voilà pourquoi nous pouvons accorder à ce qui se passe hors de la scène un temps moral beaucoup plus long que l'intervalle d'un acte à l'autre ; mais cette licence suppose ce que j'ai dit ailleurs, que l'on regardera l'entr'acte comme une absence totale de l'action, et même du lieu de l'action.

La première convention faite en faveur de l'art dramatique a été, que le spectateur serait censé absent; car imaginer que le public est assemblé dans une place, et qu'il voit de là ce qui se passe dans le cabinet d'Auguste ou dans le sérail du sultan, c'est une absurdité puérile: il faut pour cela supposer un des quatre murs abattus ; et alors même le moyen d'imaginer que l'acteur, étant vu, ne verrait pas de même, et agirait comme s'il était seul?

Le spectateur n'est donc présent à l'action que par la pensée, et le spectacle n'est supposé se passer que dans son esprit. Cette hypothèse était sans doute une chose hardie à proposer, l'eût proposée ; mais comme elle était indispensable, on en est convenu même sans le savoir.

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Ce n'est donc rien proposer de nouveau, que de vouloir qu'à la fin de chaque acte l'idée du lieu disparaisse, et que notre illusion détruite nous rende à nous-même dans un lieu totalement

distinct de celui de l'action; en sorte, par exemple, qu'au spectacle de Cinna, quand les acteurs sont sur la scène, nous soyons en esprit à Rome, et que, l'acte fini, l'illusion cessant, nous nous retrouvions à Paris. Ces mouvements de la pensée sont aussi aisés que rapides; et l'instant de lever et de baisser la toile les produit naturellement.

Cela posé, la conséquence immédiate et nécessaire qu'on en doit tirer, c'est que la toile, qui détruit l'enchantement du spectacle, devrait tomber toutes les fois que le charme est interrompu. Ne fût-ce même que pour cacher le besoin qu'on a quelquefois de baisser la toile, il serait à souhaiter qu'on la baissât toujours dès qu'un acte serait fini; l'illusion y gagnerait; les moyens de la produire seraient plus simples et en plus grand nombre : on ne verrait plus ce jeu des machines, qui n'est plus étonnant, et qui devient risible quand le mouvement est manqué ; on ne verrait plus des valets de théâtre venir ranger ou déranger les siéges du sénat romain; l'œil et l'oreille ne seraient pas en contradiction, comme lorsqu'on entend des violons jouer un menuet près des tentes d'Agamemnon où à la porte du Capitole; et le coup d'oeil d'un changement subit de décoration serait réservé pour le spectacle du merveilleux. Voy. ACTE, UNITÉS.

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