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flatter la main qui le frappe. On peut être enfant aux genoux de Corinne; mais il faut être homine devant l'empereur.

ÉLOQUENCE. Lorsqu'on l'a définie l'art de persuader, on n'a pensé qu'à l'éloquence du barreau et de la tribune: mais, 1° l'éloquence était un don avant que d'être un art, et l'art même en serait inutile à qui n'en aurait pas le don; l'éloquence artificielle n'est donc que l'éloquence naturelle, éclairée et réglée dans l'usage de ses moyens ( voyez RHÉTORIQUE): 2° persuader n'est pas toujours l'intention de l'éloquence ; et ni celle du théâtre, ni celle de la chaire, n'a essentiellement ni habituellement la persuasion pour objet. Très souvent elle la suppose, et ne et ne fait que s'en prévaloir.

Pour donner une idée plus étendue et plus complète de l'éloquence, je croirais donc pouvoir la définir la faculté d'agir sur les esprits et sur les ames par le moyen de la parole. Sur les esprits, c'est le moyen d'instruire; sur les ames, c'est le talent d'intéresser et d'émouvoir : et de ces deux talents résulte au plus haut point le talent de persuader.

fait

Il est une expression muette, qui par les yeux passer à l'ame le sentiment et la pensée; et c'est pour l'orateur un moyen si puissant, que non-seulement il supplée à la faiblesse de la pa

role, mais que sans la parole il produit quelquefois tous les effets de l'éloquence: aussi dit-on l'éloquence des yeux, l'éloquence des larmes l'éloquence du geste. (Voyez DÉCLAMATION.) Mais ici je ne considère que l'éloquence de la parole sans égard même aux accents de la voix, qui lui donnent tant de pouvoir.

Par la parole, une ame agit sur d'autres ames, un esprit sur d'autres esprits. Or l'effet de cette action est de vaincre une résistance; et cette résistance est active ou passive. Si elle n'est que passive, elle est faible; si elle est active, elle est plus ou moins forte, selon le degré d'énergie des mouvements que l'ame ou que l'esprit oppose au mouvement qu'on lui veut imprimer. Expliquons cette mécanique.

Par la résistance passive, j'entends le doute, l'irrésolution de l'esprit, l'indifférence et le repos de l'ame; et par la résistance active, j'entends une prévention, une inclination, une résolution décidée et contraire.

Si l'une ou l'autre résistance est dans l'entendement, et n'est que dans l'entendement, pour la vaincre on a pas besoin des grands moyens de l'éloquence. J'ignore, je doute, j'hésite, en attendant que l'on m'éclaire et que l'on me décide: c'est la plus faible des résistances, l'équilibre de la raison, et pour le rompre, il suffira de la vérité simple, ou de sa ressemblance : c'est là ce qu'on appelle instruire.

Mais à l'ignorance où je suis se joint le préjugé, l'erreur, le faux savoir, une forte présomption, une opinion établie et affermie par l'habitude. Alors toutes les forces du raisonnement se réuniront pour la vaincre : c'est ce qu'on appelle prouver; et c'est l'ouvrage de la dialectique, qui est comme le nerf de l'éloquence.

Au lieu de la prévention, ou avec elle, supposez-moi une langueur, une inertie, une indolence qui se refuse à l'attention que vous me demandez, une répugnance de vanité pour vos leçons et vos lumières ; dès lors l'art de m'apprivoiser, de m'amuser en m'instruisant, de me cacher le dessein de m'instruire, ou de me rendre l'instruction facile, agréable, attrayante, commence à être nécessaire. La vérité simplement énoncée ne suffit pas, il faut l'animer, l'embellir; et comme la résistance à vaincre ne tient pas moins à la mollesse de mon ame qu'à l'indolence de mon esprit, il est besoin que votre langage ait quelque chose de piquant, de séduisant, d'intéressant pour elle. Ici l'on voit que l'éloquence peut aider la philosophie de quelques-uns de

ses moyens.

Supposons à présent que ma résistance soit faible ou nulle du côté de l'esprit, mais forte du côté de l'ame. Je fais confusément ce que vous m'allez dire, et je veux croire que c'est le vrai, l'honnête, l'utile, ou le juste. Mais ce vrai répugne à mon ame; mais ce qu'il y a d'honnête

est pénible pour moi: mais ce qu'il y a d'utile, ou ne me touche point, ou doit trop me coûter ; mais ce qu'il y a de juste est contraire à mes intérêts, à mes affections, à l'inclination qui me domine, à la passion qui m'anime. Ici l'art du dialecticien est peu de chose; car ce n'est plus sur la raison, mais sur l'ame, qu'il faut agir.

Qu'enfin l'ame et l'esprit réunissent leurs forces pour vous résister de concert, et que tous les deux soient aliénés, mon ame par des affections et des inclinations contraires, mon esprit par des préventions et de fortes présomptions: c'est ici bien évidemment la grande lice de l'éloquence, car elle y trouve rassemblés tous ses ennemis à la fois; et pour distribuer et diriger ses forces, son premier soin sera de connaître les leurs. Rarement elles sont égales: tantôt c'est l'opinion qui décide la volonté, tantôt et plus souvent c'est la volonté qui l'entraîne. Un juge intègre, , par exemple, s'il est aliéné, c'est par les apparences: c'est son opinion qu'il s'agit de changer; son inclination la suivra, Mais un peuple ému se soulève : c'est la passion qui l'emporte, c'est elle qu'il faut réfréner..

Le résultat de cette analyse est d'abord que, selon l'effet que veut produire celui qui parle, son élocution doit prendre un caractère analogue à ses vues. S'il ne parle que pour se faire entendre et pour exprimer sa pensée, la correction, la clarté, les bienséances du langage seront les

pour

qualités du sien. Si en même temps il veut instruire, et qu'il ait besoin pour cela d'une longue suite d'idées, la méthode lui est nécessaire pour les exposer nettement et dans leur ordre naturel. Si instruire il ne lui suffit pas de bien disposer ses idées, et si dans les esprits il a quelque doute à lever, quelques préventions à vaincre, il faut alors que la logique vienne à l'appui de la méthode, et que non-seulement il classe ses idées, mais qu'il sache les enchaîner, les extraire l'une de l'autre, ou les faire aboutir ensemble au même point. Si au lieu d'instruire; il veut plaire, ou s'il veut plaire en instruisant, il faut qu'il sacrifie aux grâces, qu'il étudie et recherche avec soin les élégances, les richesses, les agréments de l'expression, et ce qu'il y a de plus séduisant et pour l'esprit et pour l'oreille : enfin s'il se propose d'intéresser et d'émouvoir, de mettre, comme dit Plutarque, la sensibilité en jeu à la place de l'entendement, et la volonté à la place de la raison, ou bien, comme dit Cicéron, d'attirer à soi les esprits, de remuer les volontés, de les pousser où bon lui semble, de les ramener d'où il veut (1); c'est à l'ame qu'il doit parler, c'est par elle qu'il doit soumettre et dominer l'entendement ; et pour cela posséder l'art de maîtriser les passions, de se ménager avec

(1) Mentes allicere, voluntates impellere quo velis, unde autem velis deducere.

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