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ils en approuver l'usage et en applaudir le succès. Mais qu'on ait voulu renouveler cette folie dans les temps et parmi les peuples où Bacchus était une fable, c'est une froide singerie qui n'a jamais dû réussir.

Sans doute le bon goût et le bon sens approuvent que, pour des genres de poésie dont la forme n'est que la parure, et dont la beauté réelle est dans le fond, le poète se transporte en idées dans des pays et dans des temps dont le culte, les mœurs, les usages n'existent plus, si tout cela est plus favorable au dessein et à l'effet qu'il se propose. Par exemple, il n'est plus d'usage que les poètes chantent sur la lyre dans une fête ou dans un festin; mais si, pour donner à ses chants un caractère plus auguste ou un air plus voluptueux, le poète se suppose la lyre à la main et couronné de lauriers comme Alcée, ou de fleurs comme Anacréon, cette fiction sera reçue comme un ornement du tableau. Mais imiter l'ivresse sans autre but que de ressembler à un homme ivre ne chanter de Bacchus que l'étourdissement et que la fureur qu'il inspire; et faire un poème rempli de ce délire insensé à quoi bon ? quel en est l'objet ? quelle utilité, ou quel agrément résulte de cette peinture? Les Latins eux-mêmes, quoique leur culte fût celui des Grecs, ne respectaient pas assez la fureur bachique pour en estimer l'imitation; et de tous les genres de poésie, le dithyrambe fut le seul qu'ils dédaignèrent d'imi

ter. Les italiens modernes sont moins graves: leur imagination singeresse et imitatrice, pour me servir de l'expression de Montaigne, a voulu essayer de tout; ils se sont exercés dans la poésie dithyrambique, et pensent y avoir excellé. Mais, à vrai dire, c'est quelque chose de bien facile et de bien peu intéressant que ce qu'ils ont fait dans ce genre. Rien certainement ne ressemble mieux à l'ivresse que le choeur des bacchantes d'Ange Politien, dans sa fable d'Orphée; mais quel mérite peut-il y avoir à dire en vers : Je veux boire. Qui veut boire? La montagne tourne, la tête me tourne. Je chancèle. Je veux dormir, etc.

le

le but de

La vérité, la ressemblance n'est pas l'imitation, elle n'en est que moyen; et s'il n'en résulte aucun plaisir pour l'esprit ou pour l'ame, c'est un badinage insipide, ce n'est que de la peine ou du temps perdus.

Nos anciens poètes du temps de Ronsard, qui faisaient gloire de parler grec en français, ne manquèrent pas d'essayer aussi des dithyrambes ; mais ni notre langue, ni notre imagination, ni notre goût ne se sont prêtées à cette docte extravagance.

DIVISION. Rien de plus vain que l'affectation de diviser un sujet simple, un sujet que l'esprit embrasse, pour ainsi dire, d'un coup d'œil. Quand l'orateur a bien conçu le sien, et qu'il l'a pénétré dans toute sa profondeur et dans toute son

étendue, s'il est obligé d'y chercher une division, c'est un signe infaillible qu'il n'en a pas besoin. Les divisions nécessaires sont celles qui se présentent naturellement et sans peine; où il n'y a point de masses distinctes, il ne faut point de division expresse; il ne faut que de l'ordre, de la méthode, de la progression dans le développement des idées. C'est fatiguer l'esprit de l'auditeur, plutôt que le soulager, que de lui présenter des divisions subtiles qui lui échappent malgré lui; et plus elles sont fugitives, plus elles étaient superflues.

C'est contre cette économie, puérilement recherchée, d'un discours dont le caractère répugne à l'affectation, que Fénélon s'est élevé; c'est de cet arrangement symétrique et curieusement compassé, que La Bruyère a fait sentir le ridicule. Mais autant il y a de petitesse d'esprit à affecter une division inutile, autant il y aurait de négligence à laisser confondre les parties d'un sujet vaste et compliqué.

Il faut, dit Platon, regarder comme un dieu celui qui sait bien définir et bien diviser. L'un et l'autre en effet demande un esprit qui non-seulement embrasse les objets dans toute leur étendue, mais qui les pénètre à fond dans tous les points; qui non-seulement en conçoive nettement la nature et l'essence, mais qui les voie sous toutes les faces et en saisisse tous les rapports.

Ce n'est donc pas un art futile que Cicéron

nous a prescrit, lorsqu'il a fait de la division un des préceptes de sa méthode : Recte habita in causa partitio illustrem et perspicuam totam efficit orationem. (De Inv. 1. 1.)

Il distingue deux sortes de divisions. L'une est celle qui sépare de la cause ce qui est convenu, et la réduit à ce qui est en question. Par exemple, s'il s'agissait, dit-il, d'absoudre Oreste du meurtre de sa mère, son défenseur dirait : « Que la mère ait été tuée par le fils, c'est un fait dont je conviens avec mes adversaires; qu'Agamemnon ait été tué par sa femme, c'est encore un fait dont mes adversaires conviennent avec moi (De Inv. 1. 1)». La controverse ou l'état de la cause se réduit donc alors à savoir si le fils est coupable d'avoir vengé son père, et à quel point il est coupable: c'est à quoi se doit attacher l'attention des juges et l'éloquence de l'orateur. L'autre espèce de division est celle qui, dans la cause même réduite au point de la question, expose en peu de mots la distinction des choses dont il importe de parler.

La première désigne à l'auditeur l'objet dont il doit s'occuper, et délivre son attention de ce qui ne fait plus de difficulté dans la cause; la seconde lui marque, dans le plan du discours, des points fixes pour appuyer son attention et sa mémoire, et lui trace la route que l'orateur va suivre et va lui faire parcourir avant d'arriver à son but. Les qualités qu'on y exige sont la brièveté, l'intégrité, la simplicité.

1° La brièveté. Elle n'admet que les mots nécessaires; aucune circonlocution, aucun ornement étranger. Observons en passant que, contre cette règle, le plus grand nombre de nos prédicateurs affectent de tourner et d'amplifier leur division, de manière qu'ils rendent trouble ce qu'il doit y avoir de plus clair; qu'ils rendent vague ou confus ce qu'il doit y avoir de plus précis et de plus simple; et qu'après avoir fait, en écoliers, leur thême de plusieurs façons, ils ne laissent dans les esprits qu'un fatigant amas de synonymes et d'antithèses. Ces divisions laborieuses sont communément celles dont j'ai déjà parlé, qui, n'étant pas données par la nature, sont le travail futile de l'esprit et de l'art. Celle qui se présente d'elle-même à la réflexion, s'énonce en peu de mots; et comme les points en sont bien marqués, on n'a pas besoin, pour les démêler, d'une analyse métaphysique.

2o L'intégrité. Cicéron l'appelle absolution, pour exprimer la correspondance complète de la division avec l'étendue du sujet et ses parties intégrantes : car il faut bien se garder, dit - il, d'y rien omettre d'essentiel à la cause, et à quoi l'on soit obligé de recourir après l'avoir oublié; ce qui serait dans l'orateur une maladresse honteuse : Quod vitiosissimum ac turpissimum est. (De Inv. 1. 1.)

On manque à ce précepte, lorsqu'au lieu d'embrasser toute l'idée de son sujet, on n'en pré

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