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être modéré. Hector sourit en voyant Astyanax effrayé de son casque : mais quoi qu'en dise Homère, il n'est pas naturel qu'Andromaque ait souri. L'attendrissement d'Hector est compatible avec le sentiment qui le fait sourire; au lieu que le cœur d'Andromaque est trop ému pour se faire un plaisir de la frayeur de son enfant. Les amours peuvent se jouer avec la massue d'Hercule, tandis que ce héros soupire aux pieds d'Omphale ; mais ni sa mort, ni son apothéose ne comportent rien de pareil. Ainsi le sujet principal doit luimême se concilier avec les contrastes qu'on lui oppose; ou plutôt on ne doit lui opposer que les contrastes qu'il peut souffrir.

La description est à l'épopée ce que la décoration et la pantomime sont à la tragédie. Il faut donc que le poète se demande à lui-même : Si l'action que je raconte se passait sur un théâtre qu'il me fût libre d'agrandir et de disposer d'après nature, comment serait-il le plus avantageux de le décorer, pour l'intérêt et l'illusion du spectacle? Le plan idéal qu'il s'en fera lui-même, sera le modèle de sa description; et s'il a bien vu le tableau de l'action en la décrivant, en la lisant on le verra de même.

Il en est des personnages comme du lieu de la scène; toutes les fois que leurs vêtements, leur attitude, leurs gestes, leur expression, soit dans les traits du visage, soit dans les accents de la voix, intéressent l'action que le poète veut pein

dre, il doit nous les rendre présents. Lorsque Vénus se montre aux yeux d'Enée, Virgile nous la fait voir comme si elle était sur la scène. Il fait voir de même Camille lorsqu'elle s'avance au combat : Ut regius osiro

Velet honos leves humeros ; ut fibula crinem
Auro internectat; Lyciam ut gerat ipsa pharetram,
Et pastoralem præfixa cuspide myrtum.

On voit un bel exemple de la pantomime exprimée par le poète dans la dispute d'Ajax et d'Ulysse pour les armes d'Achille. (Metam. l. 13.) Si les deux personnages étaient sur la scène, ils ne nous seraient pas plus présents. Mais le modèle le plus sublime de l'action théâtrale exprimée dans le récit du poète, c'est la peinture de de la mort de Didon :

Illa, graves oculos conata attollere, rursus
Deficit: infixum stridet sub pectore vulnus.
Ter sese attollens cubitoque adnixa levavit,
Ter revoluta toro est; oculisque errantibus alto
Quæsivit cœlo lucem, ingemuitque repertam,

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Le talent distinctif du poète épique étant celui d'exposer l'action qu'il raconte, son génie consiste àinventer des tableaux avantageux à peindre, et son goût à ne peindre de ces tableaux que ce qu'il est intéressant d'y voir. Homère peint plus en détail, c'est le talent du poète, dit le Tasse: Virgile peint à plus grandes touches, c'est le talent du poète héroïque; et c'est en quoi le

style de l'épopée diffère de celui de l'ode, laquelle, n'ayant que de petits tableaux, les finit avec plus de soin.

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J'ai dit que le contraste des tableaux, en variant les plaisirs de l'ame, les rendoit plus vifs, plus touchants c'est ainsi qu'après avoir traversé des déserts affreux, l'imagination n'en est que plus sensible à la peinture du palais d'Armide. C'est ainsi qu'au sortir des enfers, où Milton vient de nous mener, nous respirons avec volupté l'air pur du jardin de délices. Que le poète se ménage donc avec soin des passages du clair à l'obscur, du gracieux au terrible; mais que cette variété soit harmonieuse, et qu'elle ne prenne jamais rien sur l'analogie du lieu de la scène avec l'action qui doit s'y passer. Ce n'est point un riant ombrage qu'Achille doit chercher pour pleurer la mort de Patrocle, mais le rivage aride et solitaire d'une mer en silence, ou dont les mugissements répondent à sa douleur.

On ne sait pas assez combien l'imagination. ajoute quelquefois au pathétique de la chose ; et c'est un avantage inestimable de l'épopée que de pouvoir donner un nouveau fond à chaque tableau qu'elle peint. Mais une règle bien essentielle, et dont j'exhorte les poètes à ne jamais s'écarter, c'est de réserver les peintures détaillées pour les moments de calme et de relâche : dans ceux où l'action est vive et rapide, on ne peut trop se hâter de peindre à grandes touches ce

qui est de spectacle et de décoration. Je n'en citerai qu'un exemple. Le lever de l'aurore, la flotte d'Énée voguant à pleines voiles, le port de Carthage vide et désert, Didon, qui du haut de son palais voit ce spectacle, et qui, dans sa douleur, s'arrache les cheveux et se meurtrit le sein; tout cela est exprimé dans l'Énéide en moins de cinq

vers:

Regina e speculis ut primum albescere lucem
Vidit, et æquatis classem procedere velis,
Littoraque et vacuos sensit sire remige portus ;
Terque quaterque manu pectus percussa decorum,
Flaventesque abscissa comas: Proh Jupiter! ibit
Hic, ait, et nostris illuserit advena regnis!

On sent que Virgile était impatient de faire parler Didon, et de lui céder le théâtre. C'est ainsi que le poète doit en user toutes les fois que l'action le presse de faire place à ses acteurs ; et c'est là ce qui fait que le style même du poète est plus ou moins grave, plus ou moins orné dans l'épopée, selon que la situation des choses lui permet ou lui interdit les détails.

En général, si la description est peu importante, touchez légèrement; si elle est essentielle, appuyez davantage, mais choisissez les traits les plus intéressants. Le défaut du cinquieme livre de l'Enéide est d'être aussi détaillé que le second. L'exemple du même défaut, joint à la plus grande beauté, se fait sentir dans le récit de Théramène. Celui de l'assemblée des conjurés dans Cinna, et

de la rencontre de deux armées dans les Horaces, sont des modèles du récit dramatique. Voyez NARRATION, ESQUISSE.

Autant le poète est prodigue de descriptions, autant l'orateur doit en être sobre. Sa règle, à lui, est que non-seulement la description soit un moyen de sa cause, mais que chaque trait qu'il y emploie serve à fortifier ce moyen. Tout ce qui dans la description oratoire n'intéresse que l'imagination, est superflu et vicieux. Un modèle de ce genre est la description du supplice de Gavius dans la cinquième des Verrines.

DEVISE. Trait de caractère exprimé en peu de mots, quelquefois seuls, mais le plus souvent accompagnés d'une figure allégorique.

La devise est une invention de la chevalerie. Ce fut d'abord la marque distinctive de l'armure des chevaliers; et c'était sur leur écu ou sur leur cuirasse que leur devise était tracée. Le comte Thésoro l'appelle la philosophie du gentilhomme, la métaphore militaire, le langage des héros.

En France, en Espagne, en Italie, elle brilla dans les tournois, dans les réjouissances publiques, dans les pompes funèbres. Elle fut l'ornement des fêtes de la cour de Louis XIV, et l'expression des trois sentiments qui animaient et qui distinguaient cette cour, la vertu guerrière, la galanterie, et le culte pour le monarque. Dans

Éléments de Littér. II.

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