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quoi le mort serait en droit de se lever de sa tombe pour réclamer une statue et un piédestal.

M. Coste ne possédait pas la brochure et le plan de M. Denonfoux publiés il y a trois ou quatre ans à peine, mais nous ne doutons pas que la bibliothèque de la ville, si empressée à recueillir tout ce qui concerne Lyon, n'ait classé dans ses collections ce singulier travail, ne fût-ce que comme document bizarre et simple objet de curiosité.

Mais les cartes et les plans ne sont pas seuls utiles à l'histoire ; la carte précise, froide et sèche, représente le squelette d'un pays ; il y manque le sentiment, la couleur et la vie que les vues et les descriptions semblent plus particulièrement donner. Quatorze albums contenaient un ensemble de dessins qui faisaient connaître fidèlement Lyon à différentes époques. Privés du puissant secours de la photographie, les artistes représentaient avec plus ou moins de talent et sous divers aspects nos paysages, nos fleuves et nos monuments. Les collections de Fortis, de Chapuy, de Richard, de Baron, les albums annuels de la Société des Amis-desArts nous rappellent notre ancien, notre vieux Lyon, moins élégant, moins beau, moins vaste que de nos jours, mais d'un cachet plus accusé, d'un type plus vigoureux,qu'on ne pouvait confondre ni avec la ville qui possède la Canebière, ni avec celle qui est si fière de la rue de Rivoli, et toujours, alors comme à présent, au milieu de ce paysage poétique et enchanteur que la Providence a façonné avec un soin particulier pour le plaisir du cœur et des

yeux.

Après les collections venaient les vues isolées, quelques unes empruntées à des ouvrages anciens, et d'autant plus curieuses qu'elles se rapprochaient davantage de l'enfance de l'art. Vingtneuf vues générales montrent la ville à diverses époques et de différents côtés plusieurs ont l'air d'avoir été faites de souvenir ou même d'après des récits, car si au couchant et au nord nous avons des montagnes, ces montagnes, aiguës comme des pains de sucre, et de forme fantastique, n'ont aucun rapport avec la configuration de ce qui existe aujourd'hui. Une vue de Lyon, gravée sur bois, in-fol. et probablement du ommencement du XVIe siè

cle, fait naviguer sur la Saône de beaux et grands navires avec des mâts, des voiles et des cordages comme sur la mer de Phocée ou sur le grand Océan. Une petite vue in-32, prise depuis Pierre-Scize, nous offre le même caprice de l'auteur. La ville s'étend devant le spectateur du nord au midi jusqu'au confluent; le blason de la ville est dans le ciel à gauche; le titre Lyonnois. Lyon est à côté. Un seul pont joint les deux rives de la Saône. Un petit navire, avec des voiles et des mâts, traverse la rivière, comme s'il allait en expédition. Une autre vue, prise de la Croix-Rousse, montre les fossés de la ville, entre le Rhône et la Saône, abondamment fournis d'une eau profonde et tranquille et communiquant avec nos deux fleuves, comme si la Croix-Rousse n'était pas sur une montagne dominant le cours des deux rivières, et par conséquent avec une double pente escarpée et rapide qui interdit à ses fossés, creusés en précipice, de conserver la moindre des gouttes d'eau qui leur tombent du ciel.

Aimé VINGTRINIER.

La suite à un prochain numéro.

LA CROIX

DE

SAINT-MARTIN-LA-SAUVETÉ

(Forez).

Saint-Martin-la-Sauveté est un village du Forez, bâti sur la chaine de montagnes qui sépare la vallée d'Aix de celle du Haut-Lignon. Il domine le cours de plusieurs ruisseaux tributaires de ces deux bassins, et il est dominé lui-même, au matin, par l'ancien hameau fortifié de la Sauveté; au soir, par le mont Urfé que couronnent les ruines pittoresques du château du même nom.

L'aspect du pays est apre et sauvage. Saint-Martin appartient à cette région intermédiaire qui n'est déjà plus celle des vignes. et n'est pas encore celle des sapins. Le noyer, le pommier y donnent des fruits abondants, et tempèrent par la beauté de leur verdure la sévérité du paysage; le buis, le houx croissent spontanément dans les haies et dans les fissures des rochers; l'air est vif et pur, la population rustique et laborieuse.

L'existence de Saint-Martin-la-Sauveté remonte probablement à une époque fort reculée. Il se recommande aux archéologues par la voie romaine qui le traverse et les nombreux débris antiques qu'on trouve aux environs (1); aux minéralogistes, par des gisements de plomb argentifère; à l'historien, par le souvenir du P. Lachaize, né sur son territoire. Désormais Saint

(1) Voir les Titres du comté de Forez, de mon compatriote et ami M. Aug. Chaverondier.

Martin méritera encore d'être cité, et surtout visité, pour le monument remarquable qui vient d'être inauguré sur une de ses places publiques.

Ce monument est destiné à perpétuer le souvenir d'une mission prêchée, en 1860, par les RR. PP. Maristes, de Riom. Élevé au moyen d'une souscription volontaire qui a atteint un chiffre considérable, il consiste en une croix de pierre de dimensions colossales. Les dessins en sont dus à M. Boisson, l'habile architecte de la ville de Saint-Etienne. M. Channeboux père, sculpteur à Volvic, a été chargé de son exécution.

Le style général de cette croix rappelle celui du XVe siècle. On sait que la plupart des nombreuses croix de pierre que nous a léguées le moyen-âge, appartiennent à cette époque. Mais les artistes qui les ont élevées ne se sont pas tous placés au même point de vue, et l'on peut rapporter à deux types distincts les conceptions qu'ils ont réalisées.

Parmi ces artistes, les uns semblent s'être proposé surtout d'exciter les fidèles à la componction par le spectacle de l'agonie du Christ, attaché sur la croix pour expier nos crimes. Sur le rocher du Golgotha se dresse l'instrument de la passion. Le divin crucifié élève les yeux vers son père pour lui demander le pardon. du genre humain; et s'il ramène vers la terre ses regards où une douleur indicible s'unit à une ineffable tendresse, c'est pour inviter le pécheur à ne pas rendre inutile par son endurcissement un si grand sacrifice. Au pied de la croix, Marie est debout, forte dans la résignation, malgré son immense amertume, l'apòtre fidèle est à ses côtés, Madeleine inonde de ses larmes le sol rougi du sang de son Dieu. Les compositions de ce genre ⚫ sont du domaine de la sculpture plus encore que de celui de l'architecture: ce sont elles qu'on désigne plus communément sous le nom de Calvaires. D'autres artistes ont compris d'une manière différente le sujet qu'ils devaient traiter. Ils sont partis de cette idée que le Christ, une fois mort, est désormais impassible. Tout est consommé : l'enfer est vaincu, le mystère de la rédemption est accompli. La tête du Sauveur s'incline sur sa poitrine, ses paupières s'abaissent, son corps fléchit doucement,

ses muscles contractés par les angoisses de la passion se détendent. Mais déjà éclatent de toutes parts les signes précurseurs de sa glorieuse résurrection. L'arbre antique, qu'une pieuse légende assure être le même qui fut si fatal à nos premiers parents, arrosé du sang du Christ, sent une nouvelle sève couler dans ses canaux. Ses branches reverdissent, ses extrémités donnent naissance à une vigoureuse végétation, à de luxuriants feuillages qui laissent entrevoir les fruits de vie qui ont succédé aux fruits de mort (1). Le tronc lui-même se change en colonne triomphale; le rocher du Calvaire en un magnifique piédestal. Désormais ornée de la pourpre royale, ornata regis purpura, la croix devient un trône où l'Homme-Dieu appelle ses élus à prendre place avec lui. Au premier rang est sa Mère. Souvent elle occupe une place symétrique à celle du Christ, sur l'autre face de la croix. Elle est radieuse et souriante ; quelquefois le Père Éternel la couronne. Au-dessous d'elle viennent les apôtres, les patrons de la paroisse ou ceux des donataires. La croix de Saint-Martin appartient à cette dernière catégorie. Sa riche ornementation est rehaussée de peintures et de dorures. Cette décoration polychrome, à laquelle le ton gris-sombre de la pierre de Volvic prête une vivacité singulière, produit un effet très-original. Elle était d'ailleurs nécessaire pour conserver toute leur valeur aux détails qui, en raison même de la couleur foncée de la pierre, se seraient confondus, à distance en une masse uniforme.

Sur un soubassement quadrangulaire, formé de six marches de granit bleu de Cezay, repose le piédestal de la croix. Il présente la forme générale d'un cube d'environ deux mètres de côté. Les lignes en sont sévères et pourtant élégantes. Un socle carré, que surmonte un talon renversé largement profilé, ui sert de base. Le corps du piédestal se compose de quatre

(1) Men che di rosa e più che di viole
Colore aprendo, s'innovo la pianta
Che prima avea le ramora si sole.

DANTE, Purg., XXXII, 58.

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