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LA MAISON DE MADAGASCAR.

La Revue du Lyonnais, dans le tome XXe de la nouvelle série, a donné une notice sur les Jussieu, et je vais compléter ces documents, en signalant une vieille maison qui a appartenu à cette famille.

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Sur le quai Saint-Vincent 10, autrefois quai de Sainte-Mariedes,Chaînes au coin du passage de la Muette, qui monte au cours des Chartreux, on voit une petite fabrique assez pittoresque, qui semble étonnée d'être encore debout, mais qui doit son existence à son heureuse situation sur l'alignement contemporain. Cette maison, jadis accompagnée de jardins, portait le nom de Madagascar, et plus anciennement celui de Reste. Ce nom de Madagascar lui venait de son exposition aux rayons du midi, et de ce que les arbres fruitiers, adossés aux rochers escarpés de granit bornant le jardin au nord, donnaient des produits comparables à ceux des pays les plus chauds. Les fenêtres de la maison, auxquelles on a enlevé les croisillons, indiquent l'époque du XVIe siècle. La façade se compose de deux étages à quatre croisées et d'une tour légèrement exhaussée au dessus du toit, arrondie sculement par derrière. Le petit corps de bâtiment en

briques et bois, au coin du passage, et qui n'a qu'une croisée sur le quai, a été ajouté bien postérieurement à la construction.

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Cette maison et le tènement qui formait ses dépendances avaient déjà, au commencement du siècle dernier, une certaine valeur en effet, un bail en date du 24 janvier 1708, fut passé à Antoine Benoît, jardinier, pour une maison, située sur le quai de Sainte-Marie-des-Chaines, paroisse de Saint-Vincent, appelée de Reste ou de Madagascar, les jardins, parterre, allées, maison, de jardinier, terres, vignes et treillages, moyennant le prix de 450 livres, ce qui constituait à cette époque une assez forte somme. Ce bail est passé par M. Pierre Menudel de Belair, seigneur de Randan, chanoine de l'église collégiale de Saint-Paul, au nom et comme ayant charge de Joseph Blanchet, écuyer, seigneur de la Chambre, fils de Guy Blanchet, ancien conseiller du roi, lieutenant général du Roannais.

Outre les Blanchet de la Chambre, il y a eu des Blanchet de Pravieux. Parmi ces derniers, Claude Louis, fils de Jean Claude, échevin, à écrit un poëme intitulé les réclusières de Vénus et une ode sur le jeu. Il était membre de l'Académie de Lyon - Lyonn. dignes de mémoire. Je ne saurais dire si le peintre, Thomas Blanchet, né à Paris en 1617, mort à Lyon en 1689, pourrait être compté parmi les membres de cette famille.

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Par acte du 10 décembre 1714, Joseph Blanchet, écuyer, seigneur de la Chambre, y demeurant, paroisse de Saint-Haonle-vieil, vend au sieur Laurent de Jussieu, maître apothicaire et bourgeois de Lyon, une maison située en cette ville, au quartier de Serin, appelée de Reste ou de Madagascar, avec jardin, parterre, maison de jardinier, etc., le tout de la contenance de huit bicherées environ. Ce tènement est limité par le chemin tendant du quai Saint-Vincent à la porte d'Alincour, le monastère des religieuses de Sainte-Marie, le clos des pères Chartreux et let magasin à poudre.

Le couvent de la Visitation, dit de Sainte-Marie-des-Chaines, fut établi, en 1640, par Antoinette Guinet de Montverd, de Lagnieu en Bugey. Son nom lui était venu des chaînes tendues dans la rivière, à l'entrée de la ville pour en garantir la sureté, et pour empêcher l'introduction frauduleuse des marchandises sujettes aux droits. Ce monastère fut construit sur un tènement appartenant à un citoyen de Lyon, nommé Moneri, originaire de Milan. (Alman. de 1750.) L'église de ces religieuses avait un dôme de forme octogone, et son intérieur était recouvert de peintures grossières, qui représentaient des traits de la vie de saint François de Sales (Descrip. de Lyon. 174†.) — La famille Moneri, dont je viens de parler, avait ses armes peintes sur les vitraux de la chapelle de l'enfant Jésus, dans l'église de Sainte-Croix, avec une inscription à la date de 1622.-(Armor. Lyonn.)-Les Chartreux s'établirent à Lyon, sous le règne de Henri III, et ils achetèrent des héritiers de noble Etienne de Mutio un grand terrain, sur la côte de Saint-Vincent, appelé la Giroflée. L'acte d'achat est du 17 octobre 1584. Le roi imposa à cette Chartreuse le nom du Lys de Saint-Esprit, à cause de l'ordre du Saint-Esprit qu'il avait institué depuis peu. Je trouve en effet cette dénomination, dans un accord passé, en 1784, entre Jean-François Pialat, procureur de la chartreuse du Lys Saint-Esprit et la famille de Jussieu, pour réparations à frais communs d'un mur qui s'était écroulé.

Le magasin à poudre fut établi en 1699: il sert maintenant à la halle aux blés. Sur la porte d'entrée on lit encore: Poudres et salpêtres.

Il parait que, dès l'année 1750, les Jussieu habitaient Paris, puisque Pierre de Jussieu est qualifié de bourgeois de Paris et de Lyon, dans un bail, passé à Claude Odérieu, de la maison située sur le quai, et de tout le terrain qui s'étend jusqu'au dessous de la première terrasse du propriétaire. Le bail est porté à 600 livres; la maison consiste en un rez-de-chausée, premier et second étage et une tour.

Les Jussieu avaient conquis une haute position scientifique qui les retenait hors de leur ville natale, et même loin de la France. En 1760, dame Jeanne Pallier, veuve de Cristophle de Jussieu, est chargée de la procuration de Bernard de Jussieu, écuyer, conseiller, secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses finances, sous-démonstrateur des plantes au jardin du roi, de l'Académie des sciences et de la Société royale de Londres, tant en son nom que comme envoyé de Joseph de Jussieu, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, et de l'Académie royale des sciences, son frère, absent du royaume depuis l'année 1734.

Le locataire s'engage à ne point laisser vendre de vin, à pot, à pinte ou autrement; il parait que les bailleurs n'aimaient pas les ivrognes. Aujourd'hui on est moins sévère, car le rez-de-chaussée de la maison en question est occupé par un cabaret.

La susdite dame Pallier proroge le bail de Claude Odéricu, qui a fait construire deux magasins à blé, existant encore. Ce fait prouve que le commerce des grains avait déjà, à cette époque, son siége dans ce quartier. Le bail est de 500 livres; en 1768, il est reporté à 600 livres, en faveur de Gabriel Odérieu, négociant, demeurant rue des Hébergeries, frère de défunt Clande. Enfin, en 1786, ledit Gabriel cède à MM. de Jussieu ses magasins pour la somme de 2700 livres, et son bail est résilié.

J'ai dit que si la maison de Madagascar n'avait pas subi d'expropriation, c'est qu'elle se trouvait sur un alignement accepté par la voirie de notre temps. Il ne faudrait pas croire que les reculements pour cause d'utilité publique n'eussent pas lieu autrefois. le tènement de Madagascar avait subi cette obligation, par suite de l'élargissement du quai, et il ne paraitrait pas que les propriétaires eussent reçu d'indemnité. Bien plus, en 1749,

l'autorité voulait les forcer à contribuer au pavé qu'elle faisait établir sur le quai, le long de leur clos. C'est pour cette raison qu'Antoine de Jussieu, docteur médecin, secrétaire du roi en la grande chancellerie, fondé de pouvoirs de Joseph de Jussieu, son frère, docteur médecin du roi, et son envoyé dans les Indes, pour la découverte des plantes et de l'histoire naturelle, et Pierre de Jussieu, propriétaires de Madagascar, demandent à ne pas payer la pose du pavé que la ville fait établir sur le quai. Cette pétition est adressée à MM. le prévôt des marchands et échevins juges consulaires de la police et voyerie de la ville et fauxbourgs de Lyon. Je ne saurais dire si les vœux des pétionnaires furent exaucés.

La publication des anciens usages ou règlements de la voirie municipale ne manquerait pas d'intérêt, et il serait assez curieux d'examiner si l'arbitraire n'a pas toujours été le compagnon du règlement. Peut-être déduirait-on de cet examen la nécessité de cette association? mais en même temps on rechercherait la limite que l'arbitraire ne doit jamais franchir. Dans le cours du XVIIIe siècle, la ville de Lyon exécuta d'immenses travaux, et ne mit pas dans cette exécution tout l'ordre et toute l'économie désirables. Le déficit se creusait annuellement, et l'on peut conjecturer que l'administration et le propriétaire avaient de temps en temps des démélés. La Révolution amena la banqueroute, et celleci rétablit l'équilibre dans les finances. On ne fait pas impunément un appel à l'imprévoyance.

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