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Comment a-t-on cherché à obvier à cet inconvénient? Les fouilles pratiquées dans ce lieu vont nous en donner l'explication. Elles ont fait connaitre que le corps, contrairement à la coutume usitée chez les Gaulois, était placé en dehors et derrière le dolmen, dans une espèce de sarcophage recouvert de terre; en sorte que ce dolmen n'était plus un tombeau, mais simplement une chambre sépulcrale qui le précédait. Ne doit-on pas conclure de ces dispositions funéraires exceptionnelles chez nos ancêtres, en se rappelant surtout les croyances religieuses dont nous venons de parler, qu'on a voulu par ce trou pratiqué dans le fond, laisser une entrée à l'âme du mort pour arriver jusqu'à ce corps, comme cette ouverture existe de fait à tous les autres dolmens par l'absence même de la pierre de devant? Si cette opinion est contestable, du moins elle fait raison d'une particularité qui, sans cela, est inexplicable. Et, en dernière analyse, de telles croyances ne sont pas plus bizarres que les pratiques superstitieuses qui existent encore de nos jours: comme on voit les malades à Athènes qui, pour obtenir une prompte guérison, attachent un fil de laine autour de la colonne d'un ancien temple d'Hygie, maintenant chapelle chrétienne, dans la plaine du Céramique; les pèlerins qui vont, le dimanche de la Susception de la couronne d'épines, au bord du lac de Saint-Andéol, l'antique Elanus, dans les montagnes de l'Aubrac et, conservant les vicilles traditions des habitants du pays qui, d'après Grégoire de Tours, offraient autrefois au lac ce qu'ils avaient de plus précieux, des étoffes, des toisons de brebis, des fromages, -- y jettent aujourd'hui quelques pièces d'argent; comme encore les jeunes filles de Colombier-sur-Seule qui, lorsqu'elles veulent se marier, montent sur une roche si elles croient n'être pas aperçues, pour y déposer une pièce de monnaie et sautent à terre pour se conformer à l'ancien usage; ou celles de Guérande 3 qui, dans le même but, mettent, dans la fente de la pierre d'un dolmen, de

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la laine rose liée avec du clinquant ou quelque autre objet analogue, et cela, comme de raison, en cachette du curé. Et si nous ne craignions pas de multiplier les citations, nous dirions, que dans la paroisse de Sandrans, dans l'Ain, existe encore une coutume gauloise que rien n'a pu effacer: lorsqu'un enfant a les reins faibles, on suspend une petite chemisette aux branches d'un arbre de la forêt; lorsque l'enfant a les jambes trop débiles pour le porter, on y suspend des bas; pour les maux de tête, un bonnet. Enfin tant d'autres actes de cette nature, tels que la coutume de jeter des épingles dans les fontaines, d'orner de fleurs de vieux arbres, superstitions qu'on trouve dans divers pays, et qu'il serait trop long de rappeler ici. Au surplus, pour suivre la pensée que nous avons exprimée plus haut, disons que si, dans l'appréciation des faits historiques, on ne doit admettre que ceux qui paraissent vraisemblables, il en est autrement des pratiques religieuses de certains peuples, chez lesquels souvent les croyances sont entourées d'un voile impénétrable qui cache le mythe sacré sous des formes que la raison peut trouver au moins étranges si elle ne les trouve pas absurdes.

Enfin, il est encore un autre système contraire à celui que nous soutenons, dont nous ne cherchons pas à nier la valeur, et qui vient à l'appui des documents que César nous fournit dans ses Commentaires. En lisant les auteurs qui parlent des mœurs des Celtes, on voit que ces peuples, persuadés qu'aucune limite ne pouvait renfermer la divinité, pensaient que ce n'est point dans un temple, mais sous la voûte des cieux, dans la profondeur des forêts qu'on devait l'adorer, prenant, selon l'expression d'un célèbre historien, la nature pour sanctuaire et les vieillards pour ministres de la religion. Les sacrifices se faisaient la nuit à la lumière des étoiles et des brandons, pendant que les Bardes célébraient dans leurs chants la puissance des dieux. On suppose que ces sacrifices avaient lieu dans les Cromlec'hs, enceintes circulaires ou elliptiques, formées par des pierres plantées de distance en distance, sur plusieurs rangs concentriques,

1 Tacile.

:

semblables à celles qu'on voit dans la Grande-Bretagne, auprès de Salisbury. Dans ces enceintes se plaçaient les Druides, puis les chevaliers, et derrière eux le peuple, tandis que le sacrificateur se tenait au centre, devant le menhir, sur la pierre de l'inspiration. Les Gaulois assistaient tout armés et en grand nombre à ces cérémonies, et se retiraient ensuite chez eux en tenant à la bouche ou à la main quelque chose qui eût appartenu au supplicié, usage conservé jusqu'à ces derniers temps par les gens du peuple qui cherchaient à posséder un morceau de la corde d'un pendu. Cette superstition, qu'on a tant reprochée au moyen-âge, on le voit, n'est pas nouvelle. Il est bon de remarquer, à cette occasion, que les Romains connaissaient aussi le talisman de la corde de pendu. Palladius, un des auteurs qui ont écrit de re rustica, raconte que, pour la conservation des pigeons, on attachait un morceau de corde de pendu aux ouvertures du pigeonnier Non pereunt neque deserunt si per omnes fenestras aliquid de strangulati hominis loro, aut vinculo aut fune suspendunt 1. Mais si ces sacrifices avaient lieu en public et dans un emplacement assez vaste pour contenir la foule, le temple d'Uzès, dans les proportions où il se trouve, ne pouvait alors remplir ce but. La même considération s'applique aux sacrifices d'animaux pour l'immolation desquels, d'ailleurs, on n'avait pu établir un autel empreint d'un tel caractère, dans un lieu dont l'aspect seul encore saisit et impressionne vivement. A quoi servait donc ce monument mystérieux, avec tout l'appareil approprié aux cérémonies religieuses? Quelle était son utilité et pour quel usage l'avait-on établi, après de longs et pénibles travaux, sous de gigantesques rochers qui le dérobaient à la vue? Il serait difficile. d'adopter un système au milieu de tant d'opinions qui se contrarient et de pénétrer dans le sanctuaire des croyances de nos aïeux, quand aucun écrit n'a été laissé par les Druides, et qu'on est obligé de s'en rapporter à des historiens étrangers à la Gaule, auxquels probablement on cachait la vérité; et quand le langage de ces monuments symboliques, le sens de ces caractères mysté

1 Palladius, I, 24.

rieux, que le Barde Taliésin pouvait expliquer encore au VIe siècle, nous sont entièrement inconnus.

Cependant, sans chercher des explications forcées, il serait encore possible ici de mettre d'accord les relations historiques qui doivent nous servir de guide, avec les traditions populaires, dont il faut aussi tenir compte, en disant que si les cromlec'hs servaient aux sacrifices publics, le monument qui nous occupe était affecté aux exécutions secrètes, comme à Venise le canal Orfano renfermait dans son sein le secret de la politique cruelle et ombrageuse de la république. N'est-il pas à présumer, en effet, que les Druides, pour juger les membres de leur ordre qui avaient manqué d'une manière grave à leurs devoirs, ou ceux dont ils pouvaient craindre d'indiscrètes et dangereuses révélations, avaient un tribunal spécial dans un lieu interdit au vulgaire, où une justice sommaire punissait les coupables sans scandale et sans éclat? L'autorité d'un historien qui dit, en parlant de ces prêtres farouches, que souvent une caverne obscure servait à la célébration de mystères inconnus à la multitude, donne quelque poids à cette opinion. Et ici on doit distinguer cette grotte, avec son autel qui porte encore la marque des sacrifices, de celles qu'on voit aux envirors de Chartres, destinées à l'initiation des Druides, et dans lesquelles on ne trouve aucun appareil de ce genre. Ce système nous paraît le seul admissible. Tout nous confirme donc dans l'opinion que nous avons émise, que le temple d'Uzès a servi aux sacrifices humains au temps des Gaulois; et les preuves tirées par induction de tout ce qui frappe ici nos regards, ne laissent aucun doute dans notre esprit.

En résumé, quand les documents historiques sont incomplets et les traditions populaires insuffisantes; quand les recherches sont sans résultats, ne peut-on pas arriver à la découverte de la vérité en interrogeant les témoins muets qu'on a sous les yeux, comme l'a fait le plus illustre des naturalistes modernes, lorsqu'il a recomposé avec quelques ossements fossiles les animaux d'un ancien monde depuis lontemps disparus ? N'est-ce pas le seul moyen de découvrir les mystères des monuments celtiques qui sont encore une énigme pour l'archéologue?

V. DE BAUMEFORT.

LES

ÉCORCHEURS DANS LE LYONNAIS

(1436-1445).

FIN.

A ces détails généraux nous pouvons ajouter quelques faits qui touchent plus particulièrement le pays lyonnais.

Nous avons vu, qu'en 1438, c'est à Lyon que se trouvaient les chefs des Grandes Compagnies dont la masse était logée « ez marches de l'Ostunois. >>> » On ne sait pas le temps qu'elles séjournèrent dans ces contrées, mais leur nombre était de 12 à 13,000 hommes, selon la lettre qu'écrivait le comte de Fribourg, capitaine général de Bourgogne (1). Le sire de Charny jugeant impossible de leur résister à force ouverte, s'était engagé au nom du Duc à leur payer une sorte de rançon. Les Etats de Bourgogne furent assemblés à cet effet « et il fut traicté de leur païer la somme de um saluts « d'or en la ville de Lyon, dedans le vie jour de St-Martin « d'hyver prochain, dont le seigneur de Charny et autres, « pour préserver lesdits païs, ont fait et baillé leurs obligations « aux dits capitaines (2).

(1) Notes et documents, etc, (registres secrétariaux de Mâcon), p. 293, 388. (2) Cette somme, au pouvoir actuel de l'argent vaudrait au moins d'après M. Leber, 380,000 francs. Elle fut levée « par manière de prest, à reprendre et recepvoir lesdits prests par ceux qui les auront «< faiz, c'est assavoir ce qu'il auront plus prestés qu'ils ne seront

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