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JOCAST E.

Et moi je me punis.
Elle fe frape.

Par un pouvoir affreux réservée à l'incefte,

La mort est le feul bien, le feul dieu qui me reste.
Laïus, reçoi mon fang, je te fuis chez les morts:
J'ai vécu vertueufe, & je meurs fans remords.
LE CHŒUR.

O malheureuse reine! ô deftin que j'abhorre!
JO CAST E.

Ne plaignez que mon fils, puifqu'il refpire encore.
Prêtres, & vous Thébains, qui futes mes fujets,
Honorez mon bucher, & fongez à jamais,

Qu'au milieu des horreurs du deftin qui m'opprime,
J'ai fait rougir les dieux qui m'ont forcée au crime.

Fin du cinquiéme & dernier alte.

LETTRES

LETTRES

Ecrites en 1719, qui contiennent la Critique de l'EDIPE de Sophocle, de celui de Corneille, de celui de l'Auteur.

LETTRE PREMIERE.

E vous envoie, monfieur, ma tragédie d'Œ dipe, que vous avez vû naître. Vous favez que j'ai commencé cette piéce à dix-neuf ans. Si quelque chofe pouvait faire pardonner la médiocrité d'un ouvrage, ma jeuneffe me fervirait d'excufe. Du moins malgré les défauts dont cette tragédie eft pleine, & que je fuis le premier à reconnaître, j'ofe me flatter que vous verrez quelque différence entre cet ouvrage & ceux que l'ignorance & la malignité m'ont imputés. Je fens combien il est dangereux de parler de foi: mais mes malheurs ayant été publics, il faut que ma juftification le foit auffi. La réputation d'honnète homme m'est plus chère que celle d'auteur : ainfi je crois que perfonne ne trouvera mauvais qu'en donnant au public un ouvrage pour lequel il a eu tant d'indulgence, j'effaie de mériter entiérement fon eftime, en détruifant l'impofture qui pourrait me l'ôter.

Je fais que tous ceux avec qui j'ai vécu font perfuadés de mon innocence: mais auffi bien des Théatre. Tom. I.

G

gens

gens qui ne connaiffent ni la poëfie, ni moí m'imputent encore les ouvrages les plus indignes d'un honnête homme & d'un poète.

Il y a peu d'écrivains célébres qui n'ayent effuyé de pareilles difgraces; prefque tous les poêtes qui ont réuffi ont été calomniés ; & il est bien trifte pour moi de ne leur reffembler que par mes malheurs.

Vous n'ignorez pas que la cour & la ville ont de tout tems été remplies de critiques obfcènes, obscurs qui, à la faveur des nuages qui les couvrent, lancent, fans être aperçus, les traits les plus envénimés contre les femmes & contre les puiffances, & qui n'ont que la fatisfaction de blef fer adroitement, fans goûter le plaifir dange reux de fe faire connaître. Leurs épigrammes & leurs vaudevilles font toujours des enfans fuppofés, dont on ne connaît point les vrais parens ils cherchent à charger de ces indignités quelqu'un qui foit affez connu pour que le monde puiffe l'en foupçonner, & qui foit affez peu protégé pour ne pouvoir fe défendre. Telle était la fituation où je me fuis trouvé en entrant dans le monde. Je n'avais pas plus de dixhuit ans. L'imprudence, attachée d'ordinaire à la jeuneffe, pouvait aifément autorifer les foupçons que l'on faifait naître fur moi. J'étais d'ailleurs fans appui, & je n'avais jamais fongé à me faire des protecteurs, parce que je ne croyais pas que je duffe jamais avoir des ennemis.

Il parut à la mort de Louis XIV. une petite piéce imitée des J'ai vu de l'abbé Regnier. C'é

tait un ouvrage où l'auteur paffait en revue tout ce qu'il avait vu dans fa vie. Cette piéce eft auffi négligée aujourd'hui, qu'elle était alors recherchée. C'eft le fort de tous les ouvrages qui n'ont d'autre mérite que celui de la fatyre. Cette piéce n'en avait point d'autre; elle n'était remarquable que par les injures groffières qui y étaient indignement répandues, & c'eft ce qui lui donna un cours prodigieux on oublia la baffeffe du ftyle en faveur de la malignité de l'ouvrage. Elle finiffait ainfi : J'ai vû ces maux, & je n'ai pas vingt ans.

Comme je n'avais pas vingt ans alors, plufieurs perfonnes crurent que j'avais mis par-là mon cachet à cet indigne ouvrage; on ne me fit pas l'honneur de croire que je puffe avoir affez de prudence pour me déguifer. L'auteur de cette miférable fatyre ne contribua pas peu à la faire courir fous mon nom, afin de mieux cacher le fien. Quelques-uns m'imputèrent cette piéce par malignité, pour me décrier & pour me perdre. Quelques autres qui l'admiraient bonnement, me l'attribuèrent pour m'en faire honneur. Ainfi un ouvrage que je n'avais point fait, & même que je n'avais point encore vu alors, m'attira de tous côtés des malédictions & des louanges.

Je me fouviens que paffant alors par une petite ville de province, les beaux efprits du lieu me prièrent de leur réciter cette piéce, qu'ils difaient être un chef-d'œuvre. J'eus beau leur répondre que je n'en étais point l'auteur, & que la piéce était miférable, ils ne m'en crurent G 2

point

point fur ma parole; ils admirèrent ma rete nue, & j'acquis ainfi auprès d'eux, fans y pen-. fer, la réputation d'un grand poëte & d'un homme fort modefte.

Cependant ceux qui m'avaient attribué ce malheureux ouvrage, continuaient à me rendre refponfable de toutes les fotifes qui fe débitaient dans Paris, & que moi-même je dédaignais de lire. Quand un homme a eu le malheur d'être calomnié une fois, il est fûr de l'être toujours, jufqu'à ce que fon innocence éclate, ou que la mode de le perfécuter foit paffée; car tout eft mode en ce pays-là, & on fe laffe de tout à la fin, même de faire du mal.

Heureufement ma juftification eft venue, quoiqu'un peu tard; celui qui m'avait calomnié, & qui m'avait caufé ma difgrace, m'a figné lui-même, les larmes aux yeux, le défaveu de fa calomnie, en préfence de deux perfonnes de confidération qui ont figné après lui. M. le marquis de la V*** a eu la bonté de faire voir ce certificat à Monfeigneur le Régent.

Ainfi il ne manquait à ma juftification que de la faire connaître au public. Je le fais aujourd'hui, parce que je n'ai pas eu occafion de le faire plutôt; & je le fais avec d'autant plus de confiance, qu'il n'y a perfonne en France qui puiffe avancer que je fois l'auteur d'aucune des chofes dont j'ai été accufé, ni que j'en aye débité aucune, ni même que j'en aye jamais parlé, que pour marquer le mépris fouverain que je fais de ces indignités.

Je m'attends bien que plufieurs perfonnes,

accou

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