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Quand Laïus entreprit ce voyage funeste,
Avait-il près de lui des gardes, des foldats?
JO CAST E.

Je vous l'ai déja dit, un feul fuivait ses pas.

Un feul homme?

OE DI PE.

JO CAST E.

Ce roi, plus grand que fa fortune,
Dédaignait comme vous une pompe importune :
On ne voyait jamais marcher devant fon char
D'un bataillon nombreux le faftueux rampart :
Au milieu des fujets foumis à fa puiffance,
Comme il était fans crainte, il marchait fans défense;
Par l'amour de fon peuple il se croyait gardé.
OE DIP E.

O héros, par le ciel aux mortels accordé,
Des véritables rois exemple augufte & rare!
Oedipe a-t-il fur toi porté fa main barbare?
Dépeignez-moi du moins ce prince malheureux.

JO CAST E.

Puifque vous rapellez un fouvenir fâcheux;
Malgré le troid des ans, dans fa mâle vieilleffe,
Ses yeux brillaient encor du feu de fa jeuneffe;
Son front cicatrifé fous fes cheveux blanchis
Imprimait le respect aux mortels interdits;
Et fi j'ofe, feigneur, dire ce que j'en pense,
Laïus eut avec vous affez de reffemblance,
Et je m'applaudiffais de retrouver en vous,
Ainfi que les vertus, les traits de mon époux.
Seigneur, qu'a ce difcours qui doive vous furprendre?

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OEDIP E.

J'entrevois des malheurs que je ne puis comprendre;
Je crains que par les dieux le pontife inspiré
Sur mes deftins affreux ne foit trop éclairé.
Moi, j'aurais maffacré ! dieux! ferait-il poffible?

JOCAST E.

Cet organe des dieux eft-il donc infaillible?
Un ministère faint les attache aux autels :
Ils approchent des dieux; mais ils font des mortels:
Penfez-vous qu'en effet, au gré de leur demande,
Du vol de leurs oifeaux la vérité dépende?
Que fous un fer facré des taureaux gémiffans
Dévoilent l'avenir à leurs regards perçans,

Et

que de leurs feftons ces victimes ornées, Des humains dans leurs flancs portent les destinées! Non, non, chercher ainfi l'obfcure vérité,

C'eft ufurper les droits de la divinité.

Nos prêtres ne font point ce qu'un vain peuple pense; Notre crédulité fait toute leur fcience.

OE DIP E.

Ah dieux! s'il était vrai, quel ferait mon bonheur ! JO CAST E.

Seigneur, il est trop vrai, croyez-en ma douleur; Comme vous autrefois pour eux préoccupée, Hélas! pour mon malheur je fuis bien détrompée, Et le ciel me punit d'avoir trop écouté

D'un oracle impofteur la fauffe obfcurité.

Il m'en coûta mon fils. Oracles, que j'abhorre,
Sans vos ordres, fans vous, mon fils vivrait encore.
OEDIPE.

OE DIP E.

Votre fils! par quels coups l'avez-vous donc perdu? Quel oracle fur vous les dieux ont-ils rendu ?

JO CAST E.

Apprenez, apprenez, dans ce péril extrême,
Ce que j'aurais voulu me cacher à moi-même,
Et d'un oracle faux ne vous allarmez plus.

Seigneur, vous le favez, j'eus un fils de Laïus.
Sur le fort de mon fils ma tendreffe inquiète
Confulta de nos dieux la fameufe interprète.
Quelle fureur, hélas ! de vouloir arracher
Des fecrets que le fort a voulu nous cacher !
Mais enfin j'étais mère, & pleine de faibleffe,
Je me jettai craintive aux pieds de la prêtreffe;
Voici fes propres mots, j'ai dû les retenir;
Pardonnez fi je tremble à ce feul fouvenir.
» Ton fils tuera fon père, & ce fils facrilège,
» Inceste & parricide... O dieux ! achèverai-je ?

Eh bien, madame?

OE DIP E.

JO CAST E.

Enfin, feigneur, on me prédit,

Que mon fils, que ce monftre entrerait dans mon lit;
Que je le recevrais, moi, feigneur, moi fa mère,
Dégoutant dans mes bras du meurtre de fon père,
Et que tous deux unis par ces liens affreux,
Je donnerais des fils à mon fils malheureux.
Vous vous troublez, feigneur, à ce récit funefte;
Vous craignez de m'entendre & d'écouter le reste.
OEDIPE.

OE DIP E.

Ah! madame, achevez. Dites, que fites-vous
De cet enfant, l'objet du célefte courroux?
JO CAST E.

Je crus les dieux, feigneur ; & faintement cruelle,
J'étouffai pour mon fils mon amour maternelle.
En vain de cet amour l'impérieuse voix
S'oppofait à nos dieux, & condamnait leurs loix :
Il falut dérober cette tendre victime

Au fatal afcendant qui l'entraînait au crime;
Et penfant triompher des horreurs de fon fort,
J'ordonnai par pitié qu'on lui donnât la mort.
O pitié criminelle autant que malheureuse!
O d'un oracle faux obfcurité trompeuse!
Quel fruit me revient-il de mes barbares foins?
Mon malheureux époux n'en expira pas moins;
Dans le cours triomphant de fes destins profpères,
Il fut affaffiné par des mains étrangères.

Ce ne fut point fon fils qui lui porta ces coups,
Et j'ai perdu mon fils fans fauver mon époux.
Que cet exemple affreux puiffe au moins vous inftruire!
Banniffez cet effroi qu'un prêtre vous inspire;
Profitez de ma faute, & calmez vos efprits.
OE DIP E.

Après le grand fecret que vous m'avez appris,
Il est juste à mon tour que ma reconnaissance
Faffe de mes destins l'horrible confidence.
Lorfque vous aurez fû, par ce trifte entretien,
Le raport effrayant de votre fort au mien,
Peut-être ainsi que moi frémirez-vous de crainte.

Le

Le deftin m'a fait naître au trône de Corinthe, Cependant de Corinthe, & du trône éloigné, Je vois avec horreur les lieux où je fuis né. Un jour, ce jour affreux, présent à mà pensée, Jette encor la terreur dans mon ame glacée. Pour la première fois, par un don folemnel, Mes mains jeunes encor enrichiffaient l'autel. Du temple tout-à-coup les combles s'entr'ouvrirent; De traits affreux de fang les marbres fe couvrirent; De l'autel ébranlé par de longs tremblemens Une invisible main repouffait mes préfens; Et les vents au milieu de la foudre éclatante, Portèrent jufqu'à moi cette voix effrayante : »Ne vien plus des lieux faints fouiller la pureté; » Du nombre des vivans les dieux t'ont rejetté ; » Ils ne reçoivent point tes offrandes impies; » Va porter tes préfens aux autels des furies; » Conjure leurs ferpens prêts à te déchirer; » Va, ce font là les dieux que tu dois implorer. Tandis qu'à la frayeur j'abandonnais mon ame, Cette voix m'annonça, le croirez-vous, madame? Tout l'affemblage affreux des forfaits inouïs, Dont le ciel autrefois menaça votre fils; Me dit, que je ferais l'affaffin de mon père.

Ah dieux !

JO CAST E.

OE DI PE.

Que je ferais le mari de ma mère.

JO CAST E.

Où fuis-je ? Quel démon en uniffant nos cœurs,

Cher

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