Obrazy na stronie
PDF
ePub

Jouir d'un droit plus faint que celui de la guerre,
Etre encor plus que roi, plus même que Cefar?

Eh bien?

CESAR.

BRUTU s.

Tu vois la terre enchaînée à ton char: Romps nos fers, fois Romain, renonce au diadême.

CESAR.

Ah! que propofes-tu ?

BRUTU S.

Ce qu'a fait Sylla même. Longtems dans notre fang Sylla s'était noyé; Il rendit Rome libre, & tout fut oublié. Cet affaffin illuftre, entouré de victimes, En defcendant du trône effaça tous fes crimes. Tu n'eus point ses fureurs, ofe avoir ses vertus. Ton cœur fut pardonner; Cefar, fais encor plus. Que fervent déformais les graces que tu donnès ? C'est à Rome, à l'état qu'il faut que tu pardonnes: Alors plus qu'à ton rang nos cœurs te font foumis; Alors tu fais régner, alors je fuis ton fils.

Quoi! je te parle en vain ?

CESAR.

Rome demande un maître;

Un jour à tes dépens tu l'apprendras peut-être.
Tu vois nos citoyens plus puiffans que des rois.
Nos mœurs changent, Brutus; il faut changer nos loix.
La liberté n'eft plus que le droit de fe nuire:
Rome, qui détruit tout, femble enfin fe détruire.
Ce coloffe effrayant, dont le monde est foulé,

[blocks in formation]
[ocr errors]

En preffant l'univers, eft lui-même ébranlé.
Il penche vers fa chûte, & contre la tempête
Il demande mon bras pour foutenir la tête.
Enfin depuis Sylla, nos antiques vertus,
Les loix, Rome, l'état, font des noms fuperflus.
Dans nos tems corrompus, pleins de guerres civiles
Tu parles comme au tems des Dèces, des Emiles.
Caton t'a trop féduit, mon cher fils, je prévoi
Que ta trifte vertu perdra l'état & toi.

Fai céder, fi tu peux, ta raison détrompée

Au vainqueur de Caton, au vainqueur de Pompée;
A ton père qui t'aime, & qui plaint ton erreur.
Sois mon fils en effet, Brutus, ren-moi ton cœur;
Pren d'autres fentimens, ma bonté t'en conjure;
Ne force point ton ame à vaincre la nature.
Tu ne me répons rien: tu détournes les yeux?
BRUTU S.

Je ne me connais plus. Tonnez sur moi, grands dieux !
Cefar...

CESAR.

Quoi! tu t'émeus? ton ame eft amollie ?

'Ah! mon fils...

BRUTU s.

Sais-tu bien qu'il y va de ta vie?

Sais-tu que le fénat n'a point de vrai Romain,
Qui n'afpire en fecret à te percer le fein?
Que le falut de Rome, & que le tien te touche.
Ton génie allarmé te parle par ma bouche:
Il me pouffe, il me preffe, il me jette à tes pieds.
Il fe jette à fes genoux.

Cefar,

Cefar, au nom des dieux dans ton cœur oubliés, Au nom de tes vertus, de Rome, & de toi-même, Dirai-je, au nom d'un fils qui frémit & qui t'aime, Qui te préfère au monde, & Rome feule à toi, Ne me rebute pas.

Que me veux-tu ?

CESAR.

Malheureux, laiffe-moi.

BRUTU S.

Croi moi, ne fois point infenfible.
CESAR.

L'univers peut changer; mon ame est infléxible.

BRUTU s.

Voilà donc ta réponse?

CESAR.

Oui, tout eft réfolu.

Rome doit obéir, quand Cefar a voulu.

BRUTUS d'un air confterné.

Adieu, Cefar.

CESAR.

Eh, quoi! d'où viennent tes allarmes? Demeure encor mon fils. Quoi, tu verfes des larmes?

[ocr errors]

Quoi! Brutus peut pleurer! Eft-ce d'avoir un roi?
Pleures-tu les Romains?

BRUTUS.

Je ne pleure que toi,

Adieu, te dis-je.

CESAR.

O Rome! ô rigueur héroïque!

Que ne puis-je à ce point aimer ma république !

SCE

SCENE V.

CESAR, DOLABELLA, Romains.

DOLA A BELL A.

LE fénat par ton ordre au temple eft arrivé :

On n'attend plus que toi, le trône eft élevé.
Tous ceux qui t'ont vendu leur vie & leurs fuffrages,
Vont prodiguer l'encens au pied de tes images.
J'amène devant toi la foule des Romains;

Le fénat va fixer leurs efprits incertains.

Mais fi Cefar croyait un vieux foldat qui l'aime,
Nos préfages affreux, nos devins, nos dieux même,
Cefar différerait ce grand événement.

CESAR.

Quoi! lorfqu'il faut régner, différer d'un moment !
Qui pourrait m'arrêter, moi?

DOLABELLA.

Toute la nature

Conspire à t'avertir, par un finiftre augure.
Le ciel qui fait les rois redoute ton trépas.

CESAR.

Va, Cefar n'eft qu'un homme, & je ne penfe pas,
Que le ciel de mon fort à ce point s'inquiète,
Qu'il anime pour moi la nature muette,
Et que les élémens paraiffent confondus,
Pour qu'un mortel ici refpire un jour de plus.
Les dieux du haut du ciel ont compté nos années;

Suivons

Suivons fans reculer nos hautes deftinées.

Cefar n'a rien à craindre.

DOLABELLA.

Il a des ennemis,

Qui fous un joug nouveau font à peine affervis.
Qui fait s'ils n'auraient point confpiré leur vengeance?

Ils n'oferaient.

CESAR.

DOLABELLA.

Ton cœur a trop de confiance.

CESAR.

Tant de précautions contre mon jour fatal
Me rendraient méprisable, & me défendraient mal.
DOLABELLA.

Pour le falut de Rome il faut que Cefar vive;
Dans le fénat au moins permets que je te fuive.
CESAR.

Non, pourquoi changer l'ordre entre nous concerté?
N'avançons point, ami, le moment arrêté;
Qui change fes deffeins découvre fa faibleffe.
DOLABELLA.

Je te quitte à regret. Je crains, je le confeffe.
Ce nouveau mouvement dans mon cœur eft trop fort.
CESAR.

Va, j'aime mieux mourir que de craindre la mort.
Allons.

SCENE

« PoprzedniaDalej »