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CASSIUS.

Si tu n'étais qu'un citoyen vulgaire,
Je te dirais : Va, sers, fois tyran fous ton père;
Ecrafe cet état que tu dois foutenir;

Rome aura déformais deux traîtres à punir:
Mais je parle à Brutus, à ce puiffant génie,
A ce héros armé contre la tyrannie,
Dont le cœur infléxible, au bien déterminé,
Epura tout le fang que Cefar t'a donné.
Ecoute, tu connais avec quelle furie.
Jadis Catilina menaça fa patrie?

Oui.

BRUTU s.

CASSIUS.

Si le même jour, que ce grand criminel
Dut à la liberté porter le coup mortel;
Si lorfque le fénat eut condamné ce traître,
Catilina pour fils t'eût voulu reconnaître,
Entre ce monftre & nous forcé de décider,
Parle qu'aurais-tu fait ?

BRUTUS.

Peux-tu le demander?

Penfes-tu qu'un inftant ma vertu démentie,
Eût mis dans la balance un homme & la patrie?

CASSIU S.

Brutus, par ce feul mot ton devoir est dicté.
C'est l'arrêt du fénat, Rome eft en fûreté.
Mais dis, fens-tu ce trouble, & ce fecret murmure,
Qu'un préjugé vulgaire impute à la nature?

Un feul mot de Cefar a-t-il éteint dans toi
L'amour de ton pays, ton devoir & ta foi?

En

En difant ce fecret, ou faux ou véritable,

Et t'avouant pour fils, en eft-il moins coupable>
En es-tu moins Brutus ? en es-tu moins Romain?
Nous dois-tu moins ta vie, & ton cœur, & ta main?
Toi, fon fils! Rome enfin n'eft-elle plus ta mère ?
Chacun des conjurés n'eft-il donc plus ton frère?
Né dans nos murs facrés, nourri par Scipion,
Elève de Pompée, adopté par Caton,
Ami de Caffius, que veux-tu davantage?
Ces titres font facrés, tout autre les outrage.
Qu'importe qu'un tyran, vil esclave d'amour,
Ait féduit Servilie, & t'ait donné le jour?
Laiffe là les erreurs, & l'hymen de ta mère;
Caton forma tes mœurs,
Caton feul eft ton père:
Tu lui dois ta vertu, ton ame est toute à lui:
Brife l'indigne noeud que l'on t'offre aujourd'hui :
Qu'à nos fermens communs ta fermeté réponde,
Et tu n'as de parens que les vengeurs du monde.
BRUTU s.

Et vous, braves amis, parlez, que pensez-vous?
CIMBER.

Jugez de nous par lui, jugez de lui par nous.
D'un autre fentiment fi nous étions capables
Rome n'aurait point eu des enfans plus coupables.
Mais à d'autres qu'à toi pourquoi t'en raporter?
C'est ton cœur, c'eft Brutus, qu'il te faut confulter.

BRUTU S.

Eh bien, à vos regards mon ame eft dévoilée;
Lifez-y les horreurs dont elle eft accablée.

Je ne vous céle rien, ce cœur s'eft ébranlé,

De mes ftofques yeux des larmes ont coulé.
Après l'affreux ferment, que vous m'avez vû faire;
Prêt à fervir l'état, mais à tuer mon père,
Pleurant d'être fon fils, honteux de fes bienfaits,
Admirant fes vertus, condamnant fes forfaits,
Voyant en lui mon père, un coupable, un grand homme,
Entraîné par Cefar, & retenu par Rome,

D'horreur & de pitié mes efprits déchirés,

Ont fouhaité la mort que vous lui préparez.

Je vous dirai bien plus, fachez que je l'eftime.
Son grand cœur me féduit, au sein même du crime;
Et fi fur les Romains quelqu'un pouvait régner,
Il est le feul tyran que l'on dût épargner.
Ne vous allarmez point: ce nom que je déteste,
Ce nom feul de tyran l'emporte fur le refte.
Le fénat, Rome, & vous, vous avez tous ma foi:
Le bien du monde entier me parle contre un roi.
J'embraffe avec horreur une vertu cruelle;
J'en frissonne à vos yeux; mais je vous fuis fidelle.:
Cefar me va parler; que ne puis-je aujourd'hui
L'attendrir, le changer, fauver l'état & lui!

Veuillent les immortels, s'expliquant par ma bouche,
Prêter à mon organe un pouvoir qui le touche ! [
Mais fi je n'obtiens rien de cet ambitieux,

Levez le bras, frapez, je détourne les yeux.

Je ne trahi rai point mon païs pour mon père:
Que l'on approuve, ou non, ma fermeté sévère;
Qu'à l'univers furpris cette grande action
Soit un objet d'horreur ou d'admiration :
Mon efprit peu jaloux de vivre en la mémoire,

Ne

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Ne confidère point le reproche ou la gloire;
Toujours indépendant, & toujours citoyen,
Mon devoir me fuffit, tout le reste n'eft rien.
Allez, ne fongez plus qu'à fortir d'esclavage.
CASSIUS.

Du falut de l'état ta parole eft le gage.
Nous comptons tous fur toi, comme fi dans ces lieux
Nous entendions Caton, Rome même & nos dieux.

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Voici donc le moment, où Cefar va m'entendre;

Voici ce capitole, où la mort va l'attendre.
Epargnez-moi, grands dieux, l'horreur de le hair.
Dieux, arrêtez ces bras levés pour le punir!
Rendez, s'il fe peut, Rome à son grand cœur plus chère,
Et faites qu'il foit jufte, afin qu'il foit mon père.
Le voici. Je demeure immobile, éperdu.
O mânes de Caton, foutenez ma vertu.

SCENE

IV.

CESAR, BRUT U S.

CESAR.

EH bien, que veux-tu? Parle. As-tu le cœur d'un homme?

Es-tu fils de Cefar?

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BRUTU S.

Oui, fi tu l'es de Rome:
CESAR.

Républicain farouche, où vas-tu t'emporter ?

N'as-tu voulu me voir que pour mieux m'infulter?
Quoi! tandis que fur toi mes faveurs fe répandent,
Que du monde foumis les hommages t'attendent,
L'empire, mes bontés, rien ne fléchit ton cœur?
De quel œil vois-tu donc le fceptre ?

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Je plains tes préjugés, je les excufe même.

Mais peux-tu me haïr ?

BRUTU S.

Non, Cefar, & je t'aime.

Mon cœur par tes exploits fut pour toi prévenu,
Avant que pour ton fang tu m'euffes reconnu.

Je me fuis plaint aux dieux de voir qu'un fi grand homme
Fût à la fois la gloire & le fléau de Rome.

Je détefte Cefar avec le nom de roi:

Mais Cefar citoyen ferait un dieu pour moi;
Je lui facrifierais ma fortune & ma vie.

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Daigne écouter les voeux, les larmes, les avis
De tous les vrais Romains, du fénat, de ton fils.
Veux-tu vivre en effet le premier de la terre,

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