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De quiconque eft Romain raniment les vertus.

DECIMU s.

Nés juges de l'état, nés les vengeurs du crime,
C'eft foufrir trop longtems la main qui nous opprime;
Et quand fur un tyran nous fufpendons nos coups,
Chaque inftant qu'il refpire eft un crime pour nous.

CIMBE R.

Admettrons-nous quelqu'autre à ces honneurs fuprêmes?
BRUTU S.

Pour venger la patrie il fuffit de nous-mêmes.
Dolabella, Lépide, Emile, Bibulus,

Ou tremblent fous Céfar, ou bien lui font vendus.
Ciceron, qui d'un traître a puni l'infolence,

Ne fert la liberté que par fon éloquence,
Hardi dans le fénat, faible dans le danger,
Fait pour haranguer Rome, & non pour la venger.
Laiffons à l'orateur, qui charme fa patrie,

Le foin de nous louer, quand nous l'aurons servie.
Non, ce n'est qu'avec vous que je veux partager
Cet immortel honneur, & ce preffant danger.
Dans une heure au fénat le tyran doit se rendre :
Là, je le punirai; là, je le veux surprendre;
Là, je veux que ce fer, enfoncé dans son sein,
Venge Caton, Pompée, & le peuple Romain.
C'eft hazarder beaucoup. Ses ardens fatellites
Partout du Capitole occupent les limites;
Ce peuple mou, volage, & facile à fléchir,
Ne fait s'il doit encor l'aimer ou le haïr.
Notre mort, mes amis, paraît inévitable.
Mais qu'une telle mort eft noble & défirable!

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Qu'il eft beau de périr dans des deffeins fi grands,
De voir couler fon fang dans le fang des tyrans!
Qu'avec plaifir alors on voit fa dernière heure!
Mourons, braves amis, pourvû que Cefar meure,
Et que la liberté, qu'oppriment fes forfaits,
Renaiffe de fa cendre, & revive à jamais.

CASSIUS.

Ne balançons donc plus, courons au capitole:
C'est-là qu'il nous opprime, & qu'il faut qu'on l'immole.
Ne craignons rien du peuple, il femble encor douter;
Mais fi l'idole tombe, il va la détefter.

BRUTU S.

Jurez donc avec moi, jurez fur cette épée,
Par le fang de Caton, par celui de Pompée,
Par les mânes facrés de tous ces vrais Romains,
Qui dans les champs d'Afrique ont fini leurs deftins,
Jurez par tous les dieux, vengeurs de la patrie,
Que Cefar fous vos coups va terminer fa vie.
CASSIUS.

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Faifons plus, mes amis, jurons d'exterminer
Quiconque ainfi que lui prétendra gouverner:
Fuffent nos propres fils nos frères, ou nos pères :
S'ils font tyrans, Brutus, ils font nos adverfaires.
Un vrai républicain n'a pour père & pour fils,
Que la vertu, les dieux, les loix & fon pays.
BRUTU S.

Oui, j'unis pour jamais mon fang avec le vôtre.
Tous dès ce moment même adoptés l'un par l'autre,
Le falut de l'état nous a rendu parens.

Scêlons notre union du fang de nos tyrans.

Il s'avance vers la ftatue de Pompée.

Nous le jurons par vous, héros, dont les images
A ce preffant devoir excitent nos courages;
Nous promettons, Pompée, à tes facrés genoux,
De faire tout pour Rome, & jamais rien pour nous;
D'être unis pour l'état, qui dans nous se rassemble,
De vivre, de combattre, & de mourir enfemble.
Allons, préparons-nous : c'est trop nous arrêter.

S. CENE V.

CESAR, BRUTU S.

CESAR.

Demeure. C'eft ici que tu dois m'écouter;

Où vas-tu, malheureux ?

BRUTU s.

Loin de la tyrannie.

CESAR.

Licteurs, qu'on le retienne.

BRUTUS.

Achève, & pren ma vie.

CESAR.

Brutus, fi ma colère en voulait à tes jours,
Je n'aurais qu'à parler, j'aurais fini leur cours.
Tu l'as trop mérité. Ta fière ingratitude
Se fait de m'offenfer une farouche étude.
Je te retrouve encor avec ceux des Romains,
Dont j'ai plus foupçonné les perfides deffeins;

Avec ceux qui tantôt ont ofé me déplaire,
Ont blâme ma conduite, ont bravé ma colère.
BRUTU s.

Ils parlaient en Romains, Cefar; & leurs avis,
Si les Dieux t'infpiraient, feraient encor fuivis.
CESAR.

Je foufre ton audace, & confens à t'entendre:
De mon rang avec toi je me plais à descendre.
Que me reproches-tu?

BRUTUS.

Le monde ravagé,

Le fang des nations, ton païs faccagé ?

Ton pouvoir, tes vertus, qui font tes injustices,
Qui de tes attentats font en toi les complices;
Ta funefte bonté, qui fait aimer tes fers,

Et qui n'eft qu'un appas pour tromper l'univers.
CESAR.

'Ah! c'eft ce qu'il falait reprocher à Pompée.
Par fa feinte vertu la tienne fut trompée.
Ce citoyen fuperbe, à Rome plus fatal,
N'a pas même voulu Cefar pour fon égal.
Crois-tu, s'il m'eût vaincu, que cette ame hautaine,
Eût laiffé refpirer la liberté Romaine ?
Sous un joug defpotique il t'aurait accablé.
Qu'eût fait Brutus alors?

BRUTU S.

Brutus l'eût immolė.

CESAR.

Voilà donc ce qu'enfin ton grand cœur me destine?

Tu ne t'en défens point. Tu vis pour ma ruïne,

Brutus!

BRUTUS.

Brutus!

Si tu le crois, prévien donc ma fureur. Qui peut te retenir ?

CESAR. Il lui préfente la lettre de Servilie.

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Lis, ingrat, lis, connais le fang que tu m'oppofes;
Voi qui tu peux haïr, & poursui fi tu l'ofes.
BRUTU S.

Où fuis-je ? Qu'ai-je lû? me trompez-vous, mes yeux ?

CESAR.

Eh bien! Brutus, mon fils!

BRUTU S.

Lui, mon père ! grands dieux !
CESAR.

Oui, je le fuis, ingrat. Quel filence farouche!

Que dis-je ? quels fanglots échapent de ta bouche?
Mon fils... Quoi, je te tiens muet entre mes bras !
La nature t'étonne, & ne t'attendrit pas !

BRUTU S.

O fort épouvantable, & qui me désespère !

O fermens! ô patrie! ô Rome toujours chère !

Céfar!... Ah, malheureux ! j'ai trop longtems vécu.
CESAR.

Parle. Quoi d'un remords ton cœur eft combattu !

Ne me déguise rien. Tu gardes le filence?

Tu crains d'être mon fils, ce nom facré t'offense?
Tu crains de me chérir, de partager mon rang
C'eft un malheur pour toi d'être né de mon fang!
Ah! ce fceptre du monde, & ce pouvoir suprême,

Ce

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