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Non, tu n'es
pas Brutus! Je le fuis, je veux l'être.
Je périrai, Romain, ou vous ferez fans maître.
Je vois que Romes encor a des cœurs vertueux.
On demande un vengeur, on a fur moi les yeux :
On excite cette ame, & cette main trop lente:
On demande du fang... Rome fera contente.

SCENE III.

BRUTUS, CASSIUS, CINNA, CASCA, DECIMUS, Suite,

CASSIUS.

JE t'embraffe, Brutus, pour la dernière fois.

Amis, il faut tomber fous les débris des loix.
De Cefar déformais je n'attens plus de grace;
11 fait mes fentimens, il connait notre audace.
Notre ame incorruptible étonne fes deffeins;
Il va perdre dans nous les derniers des Romains.
C'en eft fait, mes amis, il n'est plus de patrie,
Plus d'honneur, plus de loix, Rome eft anéantie;
De l'univers & d'elle il triomphe aujourd'hui.
Nos imprudens ayeux n'ont vaincu que pour
Ces dépouilles des rois, ce sceptre de la terre,
Six cent ans de vertus, de travaux & de guerre,
Cefar jouït de tout, & dévore le fruit

lui.

Que fix fiècles de gloire à peine avaient produit.
Ah Brutus es-tu né pour fervir sous un maître?
La liberté n'eft plus.

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BRUTU S.

Elle eft prête à renaître.
CASSIUS.

Que dis-tu? mais quel bruit vient fraper mes efprits?
BRUTU S.

Laiffe-là ce vil peuple, & fes indignes cris.
CASSI U S.

La liberté, dis-tu?... Mais quoi... le bruit redouble.

SCENE IV.

BRUTUS, CASSIUS, CIMBER,
DECIMUS.

CASSIUS.

AH! Cimber, eft-ce toi? parle, quel eft ce trouble?

DECIMUS.

Trame-t-on contre Rome un nouvel attentat?

Qu'a-t-on fait qu'as-tu vû?

CIM BE R.

La honte de l'état.

Cefar était au temple, & certe fière idole
Semblait être le dieu qui tonne au capitole.
C'est-là qu'il annonçait fon fuperbe deffein,
D'aller joindre la Perfe à l'empire Romain.
On lui donnait les noms de foudre de la guerre,
De vengeur des Romains, de vainqueur de la terre:
Mais parmi tant d'éclat, fon orgueil imprudent
Voulait un autre titre, & n'était pas content.

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Enfin parmi ces cris, & ces chants d'allégreffe,
Du peuple qui l'entoure Antoine fend la preffe:
Il entre: ô honte! ô crime indigne d'un Romain!
Il entre, la couronne, & le fceptre à la main.
On fe tait on frémit: lui, fans que rien l'étonne,
Sur le front de Cefar attache la couronne;
Et foudain devant lui fe mettant à genoux,
Cefar, règne, dit-il, fur la terre & fur nous.
Des Romains à ces mots les vifages pâliffent;
De leurs cris douloureux les voûtes retentiffent.
J'ai vû des citoyens s'enfuir avec horreur,
D'autres rougir de honte & pleurer de douleur.
Cefar, qui cependant lifait fur leur vifage
De l'indignation l'éclatant témoignage,...
Feignant des fentimens longtems étudiés,
Jette & fceptre & couronne, & les foule à fes pieds.
Alors tout fe croit libre, alors tout eft en proie
Au fol enyvrement d'une indifcrète joie.
Antoine eft allarmé: Cefar feint, & rougit;
Plus il cèle fon trouble, & plus on l'applaudit,
La modération fert de voile à fon crime:
Il affecte à regret un refus magnanime.
Mais malgré fes efforts, il frémiffait tout bas,
Qu'on applaudit en lui les vertus qu'il n'a pas.
Enfin ne pouvant plus retenir fa colère;

́act. 111. Confer: scem. 111.

Il fort du capitole avec un front févère.
Il veut que dans une heure on s'affemble au fénat.
Dans une heure, Brutus, Cefar change l'état.
De ce Sénat facré la moitié corrompuë,
Ayant acheté Rome, à Cefar l'a venduë;

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Plus lâche que ce peuple, à qui dans fon malheur,
Le nom de roi du moins fait toujours quelque horreur.
Cefar déja trop roi, veut encor la couronne :
Le peuple la refuse, & le fénat la donne;
Que faut-il faire enfin, héros qui m'écoutez ?
CASSIUS.

Mourir, finir des jours dans l'opprobre comptés.
J'ai traîné les liens de mon indigne vie,
Tant qu'un peu d'efpérance a flaté ma patrie.
Voici fon dernier jour, & du moins Caffius
Ne doit plus refpirer, lorfque l'état n'eft plus.
Pleure qui voudra Rome, & lui refte fidelle;
Je ne peux la venger, mais j'expire avec elle.
Je vais où font nos dieux.... Pompée & Scipion,
En regardant leurs ftatuës.
Il eft tems de vous fuivre, & d'imiter Caton.

BRUTUS.

Non, n'imitons perfonne, & fervons tous d'exemple:
C'est nous, braves amis, que l'univers contemple;
C'est à nous de répondre à l'admiration

Que Rome en expirant conserve à notre nom.
Si Caton m'avait crû, plus jufte en fa furie,
Sur Cefar expirant il eût perdu la vie;
Mais il tourna fur foi fes innocentes mains;
Sa mort fut inutile au bonheur des humains.
Faisant tout pour la gloire, il ne fit rien pour Rome,
Et c'eft la feule faute où tomba ce grand homme.

CASSIUS.

Que veux-tu donc qu'on faffe en un tel désespoir?

BRU

BRUTUS, montrant le billet.

Voilà ce qu'on m'écrit, voilà notre devoir.
CASSIU S.

On m'en écrit autant, j'ai reçu ce reproche.

BRUTU S.

C'est trop le mériter.

CIMBER.

L'heure fatale approche.

Dans une heure un tyran détruit le nom Romain.
BRUTU s.

Dans une heure à Cefar il faut percer le fein.

CASSIUS.

Ah! je te reconnais à cette noble audace.

DECIMU s.

Ennemi des tyrans, & digne de ta race,
Voilà les fentimens que j'avais dans mon cœur.

CASSIUS.

Tu me rens à moi-même, & je t'en dois l'honneur;
C'est-là ce qu'attendaient ma haine & ma colère
De la mâle vertu qui fait ton caractère.

C'eft Rome qui t'infpire en des deffeins fi grands:
Ton nom feul eft l'arrêt de la mort des tyrans.
Lavons, mon cher Brutus, l'opprobre de la terre ;
Vengeons ce capitole, au défaut du tonnerre.
Toi Cimber, toi Cinna, vous Romains indomtés,
Avez-vous une autre ame & d'autres volontés ?
CIMBER.

Nous penfons comme toi, nous méprifons la vie.
Nous déteftons Cefar, nous aimons la patrie,
Nous la vengerons tous; Brutus & Caffius

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