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Qui d'un mot peut nous perdre, & d'un mot nous fauver,
Il fait que dans ces murs la mort nous environne,
Et les cris des Thébains font montés vers fon trône.
Le roi vient. Par ma voix, le ciel va lui parler;
Les deftins à fes yeux veulent se dévoiler;
Les tems font arrivés; cette grande journée
Va du peuple & du roi changer la deftinée.

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DIPE, JOCASTE, le grand-prêtre, EGINE; DIMAS, ARASPE, le chœur.

OE DIP E.

Peuples, qui dans ce temple apportans vos douleurs;

Préfentez à nos dieux des offrandes de pleurs,
Que ne puis-je fur moi détournant leurs vengeances,
De la mort qui vous fuit étouffer les femences?
Mais un roi n'eft qu'un homme en ce commun danger
Et tout ce qu'il peut faire eft de le partager.
(au grand - prêtre.)

Vous, miniftre des dieux que dans Thèbe on adore,
Dédaignent-ils toujours la voix qui les implore?
Verront-ils fans pitié finir nos triftes jours?
Ces maitres des humains font-ils muets & fourds?

LE GRAND-PRÊTRE.

Roi, peuple, écoutez - moi. Cette nuit à ma vuë
Du ciel fur nos autels la flamme eft defcenduë;
L'ombre du grand Laïus a paru parmi nous

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Terrible, & refpirant la haine & le courroux.
Une effrayante voix s'eft fait alors entendre:

» Les Thébains de Laïus n'ont point vengé la cendre; » Le meurtrier du roi refpire en ces états,

» Et de fon foufle impur infecte vos climats.

» Il faut qu'on le connaiffe, il faut qu'on le puniffe.
» Peuples, votre falut dépend de fon fupplice.
OE DI PE.

Thébains, je l'avoûrai, vous foufrez juftement
D'un crime inexcufable un rude châtiment.

Laïus vous était cher, & votre négligence
De fes mânes facrés a trahi la

vengeance.

Tel eft fouvent le fort des plus juftes des rois;
Tant qu'ils font fur la terre on respecte leurs loix:
On porte jufqu'aux cieux leur justice suprême :
Adorés de leur peuple, ils font des dieux eux-même:
Mais après leur trépas, que font-ils à vos yeux?
Vous éteignez l'encens que vous brûliez pour eux;
Et comme à l'intérêt l'ame humaine est liée,
La vertu qui n'eft plus eft bientôt oubliée.
Ainfi du ciel vengeur implorant le courroux,
Le fang de votre roi s'élève contre vous.
Apaisons fon murmure, & qu'au lieu d'hécatombe
Le fang du meurtrier foit verfé fur fa tombe.

A chercher le coupable appliquons tous nos foins.
Quoi ! de la mort du roi n'a-t-on point de témoins?
Et n'a-t-on jamais pû, parmi tant de prodiges,
De ce crime impuni retrouver les veftiges?
On m'avait toujours dit, que ce fut un Thébain
Qui leva fur fon prince une coupable main.
C 3

Pour

( à Jocafte.)

Pour moi qui de vos mains recevant fa couronne,
Deux ans après fa mort ai monté fur fon trône,
Madame, jufqu'ici respectant vos douleurs,
Je n'ai point rapellé le sujet de vos pleurs ;
Et de vos feuls périls chaque jour allarmée,
Mon ame à d'autres foins femblait être fermée:
JOCAST E.

Seigneur, quand le deftin me réservant à vous,
Par un coup imprévû m'enleva mon époux;
Lorfque de fes états parcourant les frontières,
Ce héros fuccomba fous des mains meurtrières;
Phorbas en ce voyage était feul avec lui.
Phorbas était du roi le confeil & l'appui.
Laius qui connaiffait fon zèle & fa prudence,
Partageait avec lui le poids de fa puiffance.
Ce fut lui qui du prince à fes yeux maffacré
Raporta dans nos murs le corps défiguré :
Percé de coups lui-même il fe trainait à peine.
Il tomba tout fanglant aux genoux de fa reine.
» Des inconnus, dit-il, ont porté ces grands coups:
» Ils ont devant mes yeux maffacré votre époux ;
» Ils m'ont laiffé mourant, & le pouvoir céleste
» De mes jours malheureux a ranimé le reste.
Il ne m'en dit pas plus, & mon cœur agité
Voyait fuir loin de lui la trifte vérité :
Et peut-être le ciel, que ce grand crime irrite,
Déroba le coupable à ma jufte pourfuite;
Peut-être accompliffant fes décrets éternels,
Afin de nous punir, il nous fit criminels.

Le

Le sphinx bientôt après défola cette rive:
A fes feules fureurs Thèbe fut attentive;

Et l'on ne pouvait guère, en un pareil effroi,
Venger la mort d'autrui, quand on tremblait pour foi.
OE D'I P E.

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Madame, qu'a-t-on fait de ce fujet fidèle ?

JOCAST E.

Seigneur, on paya mal fon fervice & fon zèle:
Tout l'état en fecret était fon ennemi :

Il était trop puiffant pour n'être point haï;
Et du peuple & des grands la colère infenfée
Brûlait de le punir de fa faveur paffée.

On l'accufa lui-même, & d'un commun transport,
Thèbe entière à grands cris me demanda fa mort;
Et moi de tous côtés redoutant l'injustice,
Je tremblais d'ordonner fa grace, ou fon fupplice.
Dans un château voifin conduit fecrétement,
Je dérobai fa tête à leur emportement.
Là, depuis quatre hyvers ce vieillard vénérable,
De la faveur des rois exemple déplorable,
Sans fe plaindre de moi, ni du peuple irrité,
De fa feule innocence attend fa liberté.

OE DIP E.

( à fa fuite.)

Madame, c'eft affez. Courez, que l'on s'empreffe,
Qu'on ouvre fa prison, qu'il vienne, qu'il paraiffe.
Moi-même devant vous je veux l'interroger.
J'ai tout mon peuple ensemble & Laïus à venger.
Il faut tout écouter, il faut d'un œil févère
Sonder la profondeur de ce trifte mystère.

Et vous, dieux des Thébains, dieux qui nous exaucez
Puniffez l'affaffin, vous qui le connaissez.

Soleil, cache à fes yeux le jour qui nous éclaire:
Qu'en horreur à fes fils, exécrable à sa mère,
Errant, abandonné, proscrit dans l'univers,
Il raffemble fur lui tous les maux des enfers;
Et que fon corps fanglant, privé de sépulture;
Des vautours dévorans devienne la pâture.

LE GRAND-PRÊTRE.

A ces fermens affreux nous nous uniffons tous.
OE DIP E.

Dieux, que le crime feul éprouve enfin vos coups!
Ou fi de vos decrets l'éternelle juftice
Abandonne à mon bras le foin de fon fupplice,
Et fi vous êtes las enfin de nous haïr,
Donnez en commandant le pouvoir d'obéir.
Si fur un inconnu vous poursuivez un crime,
Achevez votre ouvrage, & nommez la victime.
Vous, retournez au temple, allez, que votre voix
Interroge ces dieux une feconde fois :

Que vos vœux parmi nous les forcent à defcendre;
S'ils ont aimé Laïus, ils vengeront fa cendre;
Et conduifant un roi, facile à fe tromper,
Ils marqueront la place où mon bras doit fraper.

Fin du premier acte.

ACTE

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