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Cefar, qu'à ta colère aucun de nous n'échape:

Commence ici par moi; fi tu veux régner, frape.
CESAR.

Ecoute... & vous fortez *. Brutus m'ofe offenser!
Mais fais-tu de quels traits tu viens de me percer?
Va, Cefar eft bien loin d'en vouloir à ta vie.
Laiffe- là du fénat l'indifcrète furie.

Demeure. C'est toi feul qui peux me défarmer.
Demeure. C'est toi feul que Cefar veut aimer.
BRUTU S.

Tout mon fang eft à toi, fi tu tiens ta promeffe.
Si tu n'es qu'un tyran, j'abhorre ta tendreffe;
Et je ne peux refter avec Antoine & toi,
Puifqu'il n'eft plus Romain, & qu'il demande un roi.
Les fénateurs fortent.

SCENE

IV.

CESAR, ANTOINE.

ANTOIN E.

EH bien, t'ai-je trompé? Crois-tu que la nature

Puiffe amollir une ame, & fi fière, & fi dure?
Laiffe, laiffe à jamais dans fon obscurité
Ce fecret malheureux qui pése à ta bonté.
Que de Rome, s'il veut, il déplore la chûte;
Mais qu'il ignore au moins quel fang il perfécute.
Il ne mérite pas de te devoir le jour.
Ingrat à tes bontés, ingrat à ton amour,

Renon

Renonce-le pour fils.

CESAR.

Je ne le puis je l'aime.
ANTOIN E.

Ah! ceffe donc d'aimer l'orgueil du diadême:
Defcen donc de ce rang, où je te vois monté;
La bonté convient mal à ton autorité;

De ta grandeur naiffante elle détruit l'ouvrage.
Quoi! Rome eft fous tes loix, & Caffius t'outrage!
Quoi Cimber! quoi Cinna! ces obfcurs fénateurs,
Aux yeux du roi du monde affectent ces hauteurs!
Ils bravent ta puiffance, & ces vaincus refpirent!
CESAR.

Ils font nés mes égaux; mes armes les vainquirent;
Et trop au-deffus d'eux, je leur puis pardonner
De frémir fous le joug que je veux leur donner.
ANTOIN E.

Marius de leur fang eût été moins avare.

Sylla les eût punis.

CESAR.

Sylla fut un barbare,

Il n'a fû qu'opprimer. Le meurtre & la fureur
Faifaient fa politique, ainsi que fa grandeur.
Il a gouverné Rome au milieu des fupplices;
Il en était l'effroi, j'en ferai les délices.

Je fais quel eft le peuple, on le change en un jour;
Il prodigue aifément fa haine & fon amour;
Si ma grandeur l'aigrit, ma clémence l'attire.
Un pardon politique à qui ne peut me nuire,
Dans mes chaînes qu'il porte, un air de liberté

A

A ramené vers moi fa faible volonté.

Il faut couvrir de fleurs l'abîme où je l'entraîne,
Flater encor ce tigre à l'instant qu'on l'enchaîne,
Lui plaire en l'accablant, l'affervir, le charmer,
Et punir mes rivaux en me faisant aimer.

ANTOIN E.

Il faudrait être craint: c'eft ainfi que l'on règne.
CESAR.

Va, ce n'eft qu'aux combats que je veux qu'on me craigne.
ANTOIN E.

Le peuple abufera de ta facilité.

CESAR.

Le peuple a jufqu'ici confacré ma bonté.
Voi ce temple que Rome élève à ma clémence.
ANTOIN E.

Crain qu'elle n'en élève un autre à la vengeance:
Crain des cœurs ulcérés, nourris de défefpoir,
Idolâtres de Rome, & cruels par devoir.
Caffius allarmé prévoit qu'en ce jour même

Ma main doit fur ton front mettre le diadême.
Déja même à tes yeux on ofe en murmurer.
Des plus impétueux tu devrais t'affurer.

A prévenir leurs coups daigne au moins te contraindre.
CESAR.

Je les aurais punis, fi je les pouvais craindre.
Ne me confeille point de me faire haïr.
Je fais combattre, vaincre, & ne fais point punir.
Allons, & n'écoutant ni foupçon ni vengeance,
Sur l'univers foumis régnons fans violence.

Fin du premier acte.

ACTE

A CTE II.

SCENE PREMIERE.

BRUTUS, ANTOINE, DOLABELLA.

CE

ANTOIN E.

E fuperbe refus, cette animofité, Marquent moins de vertu que de férocité. Les bontés de Cefar, & furtout fa puiffance, Méritaient plus d'égards & plus de complaisance: A lui parler du moins vous pourriez confentir. Vous ne connaiffez pas qui vous ofez haïr; Et vous en frémiriez, fi vous pouviez apprendre... BRUTU S.

Ah! je frémis déja, mais c'est de vous entendre.
Ennemi des Romains, que vous avez vendus,
Penfez-vous ou tromper, ou corrompre Brutus?
Allez ramper fans moi sous la main qui vous brave;
Je fais tous vos deffeins, vous brûlez d'être efclave.
Vous voulez un monarque, & vous êtes Romain!
ANTOIN E.

Je fuis ami, Brutus, & porte un cœur humain.
Je ne recherche point une vertu plus rare:
Tu veux être un héros, mais tu n'es qu'un barbare;
Et ton farouche orgueil, que rien ne peut fléchir,
Embraffa la vertu, pour la faire haïr.

Théatre. Tom. I.

A a

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Quelle baffeffe, ô ciel! & quelle ignomini?

Voilà donc les foutiens de ma triste patrie!
Voilà vos fucceffeurs, Horace, Decius,

Et toi, vengeur des loix, toi mon fang, toi Brutus !
Quels reftes, juftes dieux! de la grandeur Romaine !
Chacun baise en tremblant la main qui nous enchaîne.
Cefar nous a ravi jusques à nos vertus,

Et je cherche. ici Rome, & ne la trouve plus.
Vous que j'ai vû périr, vous immortels courages,
Héros, dont en pleurant j'aperçois les images,
Famille de Pompée, & toi, divin Caton,
Toi dernier des héros du fang de Scipion,
Vous ranimez en moi ces vives étincelles

Des vertus dont brillaient vos ames immortelles.
Vous vivez dans Brutus, vous mettez dans mon fein
Tout l'honneur qu'un tyran ravit au nom Romain.
Que vois-je, grand Pompée, au pied de ta ftatuë?
Quel billet, fous mon nom, fe présente à ma vuë?
Lifons: Tu dors, Brutus, & Rome eft dans les fers!
Rome, mes yeux fur toi feront toujours ouverts;
Ne me reproche point des chaînes que j'abhorre.
Mais quel autre billet à mes yeux s'offre encore?
Non, tu n'es pas Brutus. Ah! reproche cruel!
Cefar! tremble, tyran, voilà ton coup mortel.

Non,

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