Et Tarquin après tout eut mes premiers fermens.
Le fond du théâtre s'ouvre.
Que vois-je? c'est mon père.
Vien, Rome eft en danger; c'est en toi que j'espère.
Par un avis fecret le fénat eft instruit,
Qu'on doit attaquer Rome au milieu de la nuit. J'ai brigué pour mon fang, pour le héros que j'aime, L'honneur de commander dans ce péril extrême; Le fénat te l'acorde; arme-toi, mon cher fils; Une feconde fois va fauver ton pays; Pour notre liberté va prodiguer ta vie; Va, mort ou triomphant, tu feras mon envie.
Remettez, feigneur, en d'autres mains
Les faveurs du fénat, & le fort des Romains.
Ah! quel défordre affreux de fon ame s'empare!
Vous pourriez refufer l'honneur qu'on vous prépare!
BRUTU S.
Eh quoi! votre cœur égaré
Des refus du fénat eft encor ulcéré?
De vos prétentions je vois les injuftices. Ah! mon fils, eft-il tems d'écouter vos caprices? Vous avez fauvé Rome, & n'êtes pas heureux ? Cet immortel honneur n'a pas comblé vos vœux? Mon fils au confulat a-t-il ofé prétendre,
Avant l'âge où les loix permettent de l'attendre ? Va, ceffe de briguer une injufte faveur ; La place où je t'envoye eft ton poste d'honneur. Va, ce n'eft qu'aux tyrans que tu dois ta colère: De l'état & de toi je fens que je fuis père. Donne ton fang à Rome, & n'en exige rien; Sois toujours un héros, fois plus, fois citoyen. Je touche, mon cher fils, au bout de ma carrière; Tes triomphantes mains vont fermer ma paupière; Mais foutenu du tien, mon nom ne mourra plus; Je renaîtrai pour Rome, & vivrai dans Titus. Que dis-je je te fuis. Dans mon âge débile, Les dieux ne m'ont donné qu'un courage inutile; Mais je te verrai vaincre, ou mourrai comme toi, Vengeur du nom Romain, libre encor, & fans roi. TITUS.
BRUTUS, VALERIUS, TITUS, MESSALA.
VALERIUS.
Seigneur, faites qu'on fe retire.
BRUTUS à fon fils.·
(Titus & Meffala fortent. )
VALERIU S.
On trahit Rome.
BRUTU S.
Je n'en faurais douter; on nous trahit, feigneur. De cet affreux complot j'ignore encor l'auteur; Mais le nom de Tarquin vient de fe faire entendre, Et d'indignes Romains ont parlé de fe rendre.
Des citoyens Romains ont demandé des fers!
Les perfides m'ont fui par des chemins divers; On les fuit. Je foupçonne & Ménas, & Lélie, Ces partifans des rois & de la tyrannie, Ces fecrets ennemis du bonheur de l'état, Ardens à défunir le peuple & le fénat.
Meffala les protège; & dans ce trouble extrême, J'oferais foupçonner jufqu'à Meffala même, Sans l'étroite amitié dont l'honore Titus.
Obfervons tous leurs pas, je ne puis rien de plus; La liberté, la loi, dont nous fommes les pères, Nous défend des rigueurs peut-être néceffaires. Arrêter un Romain fur de fimples foupçons, C'est agir en tyrans, nous qui les puniffons. Allons parler au peuple, enhardir les timides, Encourager les bons, étonner les perfides. Que les pères de Rome, & de la liberté, Viennent rendre aux Romains leur intrépidité; Quels cœurs en nous voyant ne reprendront courage? Dieux, donnez-nous la mort plutôt que l'efclavage. Que le fénat nous fuive.
BRUTUS, VALERIUS, PROCULUS.
PROCULUS.
UN efclave, feigneur,
D'un entretien fecret implore la faveur.
BRUTUS.
Dans la nuit? à cette heure?
PROCULUS.
Il apporte, dit-il, la preffante nouvelle.
Peut-être des Romains le falut en dépend. Allons, c'eft les trahir que tarder un moment. A Proculus.
Vous, allez vers mon fils; qu'à cette heure fatale Il défende furtout la porte Quirinale,
Et que la terre avoue, au bruit de ses exploits, Que le fort de mon fang eft de vaincre les rois.
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