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Je vous plains de fervir fous ce maître farouche, Que le mérite aigrit, qu'aucun bienfait ne touche; Qui, né pour obéïr, fe fait un lâche honneur D'appéfantir sa main fur fon libérateur ;

Lui, qui s'il n'ufurpait les droits de la couronne,
Devrait prendre de vous les ordres qu'il vous donne.
TITUS.

Je rens grace à vos foins, feigneur, & mes foupçons
De vos bontés pour moi respectent les raisons.
Je n'examine point, fi votre politique

Pense armer mes chagrins contre ma république,
Et porter mon dépit, avec un art fi doux,
Aux indifcrétions qui fuivent le courroux.
Perdez moins d'artifice à tromper ma franchise;
Ce cœur est tout ouvert, & n'a rien qu'il déguise.
Outragé du fénat, j'ai droit de le haïr :

Je le hais; mais mon bras eft prêt à le servir.
Quand la caufe commune au combat nous appelle,
Rome au cœur de fes fils éteint toute querelle :
Vainqueurs de nos débats nous marchons réunis,
Et nous ne connaiffons que vous pour ennemis.
Voilà ce que je fuis, & ce que je veux être.
Soit grandeur, foit vertu, foit préjugé peut-être,
Né parmi les Romains, je périrai pour eux.

J'aime encor mieux, feigneur, ce fénat rigoureux,
Tout injufte pour moi, tout jaloux qu'il peut être,
Que l'éclat d'une cour, & le fceptre d'un maître.
Je fuis fils de Brutus, & je porte en mon cœur
La liberté gravée, & les rois en horreur.

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ARONS.

Ne vous flatez-vous point d'un charme imaginaire?
Seigneur, ainfi qu'à vous, la liberté m'eft chère:
Quoique né fous un roi, j'en goûte les appas;
Vous vous perdez pour elle, & n'en jouïffez pas.
Eft-il donc, entre nous, rien de plus defpotique,
paffe en république ?
leur barbare rigueur

Que l'efprit d'un état qui
Vos loix font vos tyrans
Devient fourde au mérite, au fang, à la faveur:
Le fénat vous opprime, & le peuple vous brave;
Il faut s'en faire craindre, ou ramper leur efclave.
Le citoyen de Rome, infolent ou jaloux,
Ou hait votre grandeur, ou marche égal à vous.
Trop d'éclat l'effarouche; il voit d'un œil févère,
Dans le bien qu'on lui fait, le mal qu'on lui peut faire;
Et d'un banniffement le décret odieux

Devient le prix du fang qu'on a versé pour eux.

Je fais bien, que la cour, feigneur, a fes naufrages; Mais fes jours font plus beaux, fon ciel a moins d'orages. Souvent la liberté, dont on fe vante ailleurs,

Etale auprès d'un roi fes dons les plus flateurs.
Il récompenfe, il aime, il prévient les fervices;
La gloire auprès de lui ne fuit point les délices.
Aimé du fouverain, de fes rayons couvert,
Vous ne fervez qu'un maître, & le refte vous fert.
Eblouï d'un éclat, qu'il refpecte & qu'il aime,
Le vulgaire applaudit jufqu'à nos fautes même;
Nous ne redoutons rien d'un fénat trop jaloux,
Et les févères loix fe taifent devant nous.
Ah! que né pour

la cour, ainfi

que pour les armes,

Des

Des faveurs de Tarquin vous goûteriez les charmes!
Je vous l'ai déja dit; il vous aimait, feigneur;
Il aurait avec vous partagé fa grandeur;

Du fénat à vos pieds la fierté profternée
Aurait...

TITUS.

J'ai vû fa cour, & je l'ai dédaignée. Je pourais, il eft vrai, mendier fon appur, Et fon premier esclave être tyran sous lui. Grace au ciel! je n'ai point cette indigne faibleffe; Je veux de la grandeur, & la veux fans baffeffe. Je fens que mon deftin n'était point d'obéir: Je combattrai vos rois, retournez les fervir.

ARONS.

Je ne puis qu'approuver cet excès de conftance;
Mais fongez, que lui-même éleva votre enfance.
Il s'en fouvient toujours. Hier encor, feigneur,
En pleurant avec moi fon fils & fon malheur,
Titus, me difait-il, foutiendrait ma famille,
Et lui feul méritait mon empire & ma fille.
TITUS en fe détournant.
Sa fille ! dieux! Tullie? O vœux infortunés !

ARONS en regardant Titus.

Je la ramène au roi, que vous abandonnez :
Elle va loin de vous, & loin de fa patrie,
Accepter pour époux le roi de Ligurie.
Vous cependant ici fervez votre fénat,
Perfécutez fon père, opprimez fon état.
J'espère que bientôt ces voûtes embrasées,
Ce capitole en cendre, & ces tours écrasées,

Du fénat & du peuple éclairant les tombeaux,

A cet hymen heureux vont fervir de flambeaux.

SCENE

III.

TITUS, MESSA LA.

TITUS.

AH! mon cher Meffala, dans quel trouble il me laiffe!

Tarquin me l'eût donnée ! ô douleur qui me preffe ! Moi, j'aurais pû!... mais non, miniftre dangereux, Tu venais épier le fecret de mes feux.

Hélas! en me voyant se peut-il qu'on l'ignore!

Il a lu dans mes yeux l'ardeur qui me dévore.
Certain de ma faibleffe, il retourne à fa cour,
Infulter aux projets d'un téméraire amour.
J'aurais pû l'époufer! lui confacrer ma vie !
Le ciel à mes défirs eût destiné Tullie!

Malheureux que je fuis!

MESSA L A.

Vous pouriez être heureux;

Arons pourrait fervir vos légitimes feux.

Croyez-moi.

TITUS.

Banniffons un espoir fi frivole;

Rome entière m'appelle aux murs du Capitole.
Le peuple raffemblé fous ces arcs triomphaux,
Tout chargés de ma gloire, & pleins de mes travaux,
M'attend pour commencer les fermens redoutables,

De

De notre liberté garants inviolables.

MESSA LA.

Allez fervir ces rois.

TITUS.

Oui, je les veux fervir;

Oui, tel eft mon devoir, & je le veux remplir.

MESSA L A.

Vous gémiffez pourtant?

TITUS.

Ma victoire eft cruelle.

MESSA LA.

Vous l'achetez trop cher.

TITUS.

Elle en fera plus belle.

Ne m'abandonne point dans l'état où je fuis. MESSA LA.

Allons, fuivons fes pas, aigriffons fes ennuis. Enfonçons dans fon cœur le trait qui le déchire.

SCENE

IV.

BRUTUS, MESSA LA.

BRUTU s.

Arrêtez, Meffala, j'ai deux mots à vous dire.

A moi, seigneur?

MESSA L A.

BRUTU s.

A vous. Un funefte poison

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