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ACTE I I.

SCENE PREMIERE.

Le théâtre représente, ou eft fuppofe représenter, un appartement du palais des confuls.

TITUS, MESSA LA.

MESSAL A.

Non, c'eft trop offenfer ma sensible amitié.

Qui peut de fon fecret me cacher la moitié,
En dit trop & trop peu, m'offense & me foupçonne.

TITUS.

Va, mon cœur à ta foi tout entier s'abandonne;

Ne me reproche rien.

MESSA LA.

Quoi! vous dont la douleur

Du fénat avec moi détefta la rigueur,

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Qui verfiez dans mon fein ce grand fecret de Rome,
Ces plaintes d'un héros, ces larmes d'un grand homme!
Comment avez-vous pû dévorer fi longtems

Une douleur plus tendre, & des maux plus touchans?
De vos feux devant moi vous étouffiez la flamme.
Quoi donc ! l'ambition, qui domine en votre ame,
Eteignait-elle en vous de fi chers sentimens ?
Le fénat a-t-il fait vos plus cruels tourmens?
Le haïffez-vous plus que vous n'aimez Tullie?

TITUS.

Ah! j'aime avec transport: je hais avec furie :
Je fuis extrême en tout, je l'avouë, & mon cœur
Voudrait en tout fe vaincre, & connait fon erreur.
MESSA L ́A.

Et pourquoi de vos mains déchirant vos bleffures,
Déguiser votre amour, & non pas vos injures?

TITUS.

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Que veux-tu, Meffala? J'ai, malgré mon courroux,
Prodigué tout mon fang pour ce fénat jaloux.
Tu le fais, ton courage eut part à ma victoire:
Je fentais du plaifir à parler de ma gloire :
Mon cœur, enorgueilli des fuccès de mon bras
Trouvait de la grandeur à venger des ingrats.
On confie aisément des malheurs qu'on furmonte;
Mais qu'il eft accablant de parler de fa honte !
MESSA LA.

Quelle est donc cette honte, & ce grand repentir?
Et de quels fentimens auriez-vous à rougir?

TITUS.

Je rougis de moi-même, & d'un feu téméraire,
Inutile, imprudent, à mon devoir contraire.

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Eh bien! l'ambition, l'amour & fes fureurs,
Sont-ce des paffions indignes des grands cœurs!
TITUS.

L'ambition, l'amour, le dépit, tout m'accable;
De ce confeil de rois l'orgueil infuportable
Méprife ma jeuneffe, & me difpute un rang,
Brigué par ma valeur, & payé par mon fang:

Au

.

Au milieu du dépit dont mon ame eft faifie,
Je pers tout ce que j'aime, on m'enlève Tullie.
On te l'enlève, hélas! trop aveugle courroux!
Tu n'ofais y prétendre, & ton cœur eft jaloux.
Je l'avoûrai, ce feu, que j'avais fû contraindre,
S'irrite en s'échapant, & ne peut plus s'éteindre.
Ami, c'en était fait : elle partait; mon cœur
De fa funefte flamme allait être vainqueur :
Je rentrais dans mes droits : je fortais d'esclavage.
Le ciel a-t-il marqué ce terme à mon courage?
Moi le fils de Brutus, moi l'ennemi des rois,
C'est du fang de Tarquin que j'attendrais des loix?
Elle refufe encor de m'en donner, l'ingrate,

Et partout dédaigné, partout ma honte éclate.

Le dépit, la vengeance, & la honte, & l'amour, De mes fens foulevés difpofent tour à tour.

MESSA LA..

Puis-je ici vous parler, mais avec confiance?
TITU U S.

Toujours de tes confeils j'ai chéri la prudence.
Eh bien, fai-moi rougir de mes égaremens.

MESSAL A.

J'approuve & votre amour & vos reffentimens.
Faudra-t-il donc toujours que Titus autorife
Ce fénat de tyrans, dont l'orgueil nous maîtrise?
Non; s'il vous faut rougir, rougiffez en ce jour
De votre patience, & non de votre amour.
Quoi! pour prix de vos feux, & de tant de vaillance,
Citoyen fans pouvoir, amant fans espérance,

Je vous verrais languir, victime de l'état,

Oublié

Oublié de Tullie, & bravé du fénat?

Ah! peut-être, feigneur, un cœur tel que le vôtre
Aurait pû gagner l'une, & fe venger de l'autre.
TITUS.

De quoi viens-tu flater mon efprit éperdu ?
Moi, j'aurais pû fléchir fa haine ou fa vertu?
N'en parlons plus: tu vois les fatales barrières
Qu'élèvent entre nous nos devoirs & nos pères :
Sa haine déformais égale mon amour.

Elle va donc partir?

MESSA L A.

Oui, feigneur, dès ce jour.
TITUS.

Je n'en murmure point. Le ciel lui rend juftice;

Il la fit pour régner.

MESSAL A.

Ah! ce ciel plus propice

Lui deftinait peut-être un empire plus doux;
Et fans ce fier fénat, fans la guerre, fans vous...
Pardonnez; vous favez, quel eft fon héritage;
Son frère ne vit plus, Rome était fon partage.
Je m'emporte, feigneur : mais fi pour vous fervir,
Si pour vous rendre heureux, il ne faut que périr;
Si mon fang....

TITUS.

Non, ami, mon devoir eft le maître. Non, croi-moi, l'homme eft libre au moment qu'il veut

l'être.

Je l'avoue, il eft vrai, ce dangereux poifon

A pour quelques momens égaré ma raison;

Théatre. Tom. I.

T

Mais

Mais le cœur d'un foldat fait domter la molleffe;
Et l'amour n'eft puiffant que par notre faiblesse.

MESSAL A.

Vous voyez des Tofcans venir l'ambaffadeur;
Cet honneur qu'il vous rend...

TITUS.

Ah! quel funefte honneur !

Que me veut-il? C'est lui qui m'enlève Tullie;
C'est lui qui met le comble au malheur de ma vie.

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ARON S.

Après avoir en vain, près de votre sénat,

Tenté ce que j'ai pû pour fauver cet état,
Soufrez qu'à la vertu rendant un juste honimage,
J'admire en liberté ce généreux courage,

Ce bras qui venge Rome, & foutient fon païs,
Au bord du précipice où le fénat l'a mis.

Ah! que vous étiez digne, & d'un prix plus augufte,
Et d'un autre adverfaire, & d'un parti plus jufte!
Et que ce grand courage, ailleurs mieux employé,
D'un plus digne falaire aurait été payé !

Il eft, il eft des rois, j'ofe ici vous le dire,
Qui mettraient en vos mains le fort de leur empire,
Sans craindre ces vertus qu'ils admirent en vous,
Dont j'ai vû Rome éprife, & le fénat jaloux.

Je

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