Qu'il n'eût jamais trouvé dans le fond de son coeur. Sous le joug des Tarquins, la cour & l'esclavage Ainollisfait leurs meurs,
énervait leur courage; Leurs rois, trop occupés à domter leurs sujets , De nos heureux Toscans ne troublaient point la paix, Mais si ce fier sénat réveille leur génie, Si Rome est libre , Albin, c'est fait de l'Italie. Ces lions, que leur maître avait rendu plus doux, Vont reprendre leur rage
& s'élancer sur nous. Etuuffons dans leur sang la femence féconde Des maux de l'Italie & des troubles du monde : Affranchissons la terre : & donnons aux Romains Ces fers qu'ils destinaient au reste des humains. Mesfala viendra-t-il ? Pourrai-je ici l'entendre ? Ofera-t-il ?...
AL BI N.
Seigneur , il doit ici se rendre. A toute heure il y vient. Titus est son appui.
AR ON s. As-tu pû lui parler ? Puis-je compter sur lui?
A LB I N. Seigneur , ou je me trompe, ou Messala conspire Pour changer ses destins plus que ceux de l'empire; Il est ferme, intrépide, autant que si l'honneur Ou l'amour du pays excitait sa valeur ; Maître de son secret , & maître de lui-même, Impénétrable, & calme en fa fureur extrême.
A R O N s. Tel autrefois dans Rome il parut à mes yeux ,
Lorr.
Lorsque Tarquin régnant me reçut dans ces lieux, Et ses lettres depuis.... mais je le ivois paraître.
ARON S. Enéreux Meffala , l'appui de votre maître , Eh bien , l'or de Tarquin , les présens de mon roi, Des sénateurs Romains n'ont pû tenter la foi ? Les plaisirs d'une cour , l'espérance , la crainte, A ces ceurs endurcis n'ont pû porter d'atteinte ? Ces fiers' patriciens font - ils autant de dieux , Jugeant tous les mortels, & ne craignant rien d'eux ? Sont – ils sans passion , sans intérêt , sans vice ?
M es S A LA. Ils ofent s'en vanter ; mais leur feinte justice, Leur âpre austérité , que rien ne peut gagner , N'est dans ces cours hautains que la soif de régner : Leur orgueil foule aux pieds l'orgueil du diadême : Ils ont brisé le joug pour l'imposer eux-même. De notre liberté ces illustres vengeurs , Armés pour la défendre , en font les oppresseurs. Sous les noms séduisans de patrons & de pères , Ils affectent des rois les démarches altières. Rome a changé de fers; & sous le joug des grands , Pour un roi qu'elle avait , a trouvé cent tyrans.
AR O N s. Parmi vos citoyens en est-il d'assez sage ,
Pour
Pour détester tout bas cet indigne esclavage ?
M E S S A LA. Peu fentent leur état : leurs esprits égarés De ce grand changement sont encor enyvrés. Le plus vil citoyen dans sa baffefse extrême, Ayant chassé les rois pense être roi lui – même. Mais je vous l'ai mandé, seigneur , j'ai des amis Qui sous ce joug nouveau sont à regret soumis ; Qui dédaignant l'erreur des peuples imbécilles , Dans ce torrent fougueux restent seuls immobiles ; Des mortels éprouvés , dont la tête & les bras Sont faits pour ébranler ou changer les états.
ARON s. De ces braves Romains que faut - il que j'espère? Serviront-ils leur prince ?
ME S S A L A.
Ils sont prêts à tout faire : Tout leur sang est à vous. Mais ne prétendez pas, Qu'en aveugles sujets ils servent des ingrats. Ils ne se piquent point du devoir fanatique De servir de victime au pouvoir despotique , Ni du zèle insensé de courir au trépas, Pour venger un tyran, qui ne les connait pas. Tarquin promet beaucoup; mais devenu leur maître, Il les oubliera tous, ou les craindra peut-être. Je connais trop les grands : dans le malheur amis, Ingrats dans la fortune, & bientôt ennemis. Nous sommes de leur gloire un instrument servile , Rejetté par dédain, dès qu'il est inutile , Es brisé fans pitié, s'il devient dangereux.
A
A des conditions on peut compter sur eux; Ils demandene un chef digne de leur courage, Dont le nom feul impofe à ce peuple volage; Un chef assez puissant, pour obliger le roi, Même après le succès, à nous tenir sa foi ; Ou fi de nos desseins la trame est découverte, Un chef assez hardi pour venger notre perte.
ARON S. Mais vous m'aviez écrit que l'orgueilleux Titus ...
M E SS A LA. Il est l'appui de Rome, il est fils de Brutus; Cependant....
ARON s.
De quel wil voit-il les injustices, Dont ce fénat superbe a payé ses services Lui seul a sauvé Rome , & toute sa valeur En vain du consulat lui mérita l'honneur. Je sais qu'on le refuse.
ME S S A LA.
Et je sais qu'il murmure : Son coeur altier & promt est plein de cette injure; Pour toute récompense il n'obtient qu'un vain bruit, Qu’un triomphe frivole, un éclat qui s'enfuit. J'observe d'affez près son ame impérieuse, Et de son fier courroux la fougue impétueuse ; Dans le champ de la gloire il ne fait que d'entrer; Il y marche en aveugle, on l'y peut égarer. La bouillante jeunesse est facile à féduire; Mais que de préjugés nous aurions à détruire ! Rome, un consul, un père, & la haine des rois,
Et
Et l'horreur de la honte , & surtout les exploits. Connaissez donc Titus , voyez toute son ame, Le courroux qui l'aigrit, le poison .qui l'enflamme; Il brûle pour Tullie.
ARON s.
Il l'aimerait ! MESS A L A.
Seigneur, A peine ai-je arraché ce secret de son coeur : Il en rougit lui-même, & cette ame inflexible N'ose avouer qu'elle aime, & craint d'être sensible. Parmi les passions dont il est agité, Sa plus grande fureur est pour la liberté.
AR ON s. C'est donc des sentimens, & du cour d'un feul homme Qu'aujourd'hui, malgré moi, dépend le fort de Rome!
A Albin. Ne nous rebutons pas. Préparez-vous , Albin, A vous rendre sur l'heure aux' tentes de Tarquin.
A Mesala. Entrons chez la princesse. Un peu d'expérience M'a pû du coeur humain donner quelque science : Je lirai dans son ame , & peut-être ses mains Vont former l'heureux piége où j'attens les Romains.
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