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BRUTUS,

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

BRUTUS, les S E NATEURS.

(Le théatre représente une partie de la maison des confuls fur le mont Tarpéïen; le temple du capitole fe voit dans le fond. Les fénateurs font affemblés entre le temple & la maifon, devant l'autel de Mars. Brutus & Valerius Publicola, confuls, préfident à cette assemblée : les fénateurs font rangés en demi-cercle. Des licteurs avec leurs faifceaux font debout derrière les fénateurs.)

BRUTU s.

D'Eftructeurs des tyrans, vous qui n'avez pour rois

Que les dieux de Numa, vos vertus & nos loix;
Enfin notre ennemi commence à nous connaître.

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Ce fuperbe Toscan qui ne parlait qu'en maître,
Porfenna, de Tarquin 'ce formidable appui,
Ce tyran, protecteur d'un tyran comme lui,
Qui couvre de fon camp les rivages du Tibre,
Refpecte le fénat, & craint un peuple libre.
Aujourd'hui devant vous abaiffant fa hauteur,
Il demande à traiter par un ambassadeur.
Arons, qu'il nous députe, en ce moment s'avance;
Aux fénateurs de Rome il demande audience;
Il attend dans ce temple, & c'eft à vous de voir
S'il le faut refufer, s'il le faut recevoir.

VALERIUS PUBLICOLA.

Quoi qu'il vienne annoncer, quoi qu'on puiffe en attendré;
Il le faut à fon roi renvoyer fans l'entendre ;
Tel eft mon fentiment. Rome ne traite plus
Avec les ennemis que quand ils font vaincus.
Votre fils, il eft vrai, vengeur de fa patrie,
A deux fois repouffé le tyran d'Etrurie ;

Je fais tout ce qu'on doit à ses vaillantes mains;
Je fais qu'à votre exemple il fauva les Romains!
Mais ce n'est point affez. Rome affiégée encore,
Voit dans les champs voisins ces tyrans qu'elle abhorre
Que Tarquin fatisfaffe aux ordres du fénat,
Exilé par nos loix, qu'il forte de l'état;

De fon coupable afpe&t qu'il purge nos frontières,
Et nous pourrons enfuite écouter fes prières.
Ce nom d'ambaffadeur à paru vous fraper;

Tarquin n'a pû nous vaincre, il cherche à nous tromper.
L'ambaffadeur d'un roi m'eft toujours redoutable.
Ce n'est qu'un ennemi, fous un titre honorable,

Qui vient, rempli d'orgueil ou de dextérité,
Infulter ou trahir avec impunité.

Rome, n'écoute point leur féduifant langage;
Tout art t'eft étranger; combattre eft ton partage;
Confon tes ennemis de ta gloire irrités;
Tombe, ou puni les rois; ce font - là tes traités.
BRUTU S.

Rome fait à quel point fa liberté m'est chère:
Mais, plein du même efprit, mon fentiment diffère.
Je vois cette ambassade, au nom des fouverains,
Comme un premier hommage aux citoyens Romains.
Acoûtumons des rois la fierté defpotique,
A traiter en égale avec la république ;

Attendant que du ciel rempliffant les décrets,
Quelque jour avec elle ils traitent en fujets.
Arons vient voir ici Rome encor chancelante,
Découvrir les refforts de fa grandeur naiffante,
Epier fon génie, obferver fon pouvoir;
Romains, c'est pour cela qu'il le faut recevoir.
L'ennemi du fénat connaîtra qui nous fommes:
Et l'esclave d'un roi va voir enfin des hommes.
Que dans Rome à loifir il porte ses regards;
Il la verra dans vous: vous êtes fes ramparts.
Qu'il révère en ces lieux le Dieu qui nous raffemble;
Qu'il paraiffe au fénat, qu'il écoute & qu'il tremble.

Les fénateurs fe levent, & s'approchent un moment,
pour donner leurs voix.

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Je vois tout le fénat paffer à votre avis.

Rome & vous l'ordonnez : A regret j'y souscris.

Theatre. Tom. I.

S

Lic

1

Liceurs, qu'on l'introduife; & puiffe fa présence
N'apporter en ces lieux rien dont Rome s'offenfe.
A Brutus.

C'eft fur vous feul ici que nos yeux font ouverts:
C'est vous qui le premier avez-rompu nos fers:
De notre liberté foutenez la querelle ;
Brutus en eft le père, & doit parler pour elle.

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SCENE II.

LE SENAT, ARONS, ALBIN, fuite.

(Arons entre par le côté du théatre, précédé de deux lic teurs, & d'Albin fon confident; il paffe devant les confuls & le fénat, qu'il faluë, & il va s'affeoir fur un fiège préparé pour lui fur le devant du théatre.)

Confuls,

ARON S.

Onfuls, & vous fénat, qu'il m'est doux d'être admis Before Dans ce confeil facré de fages ennemis, -neth, acl. 1.56.2. De voir tous ces héros, dont l'équité févère

N'eut jufques aujourd'hui qu'un reproche à fe faire;
Témoin de leurs exploits, d'admirer leurs vertus ;
D'écouter Rome enfin par la voix de Brutus;
Loin des cris de ce peuple indocile & barbare,
Que la fureur conduit, réunit & fépare,
Aveugle dans fa haine, aveugle en fon amour,
Qui menace & qui craint, régne & fert en un jour,
Dont l'audace......

BRU

BRUTU S.

Arrêtez, fachez qu'il faut qu'on nomme

Avec plus de refpect les citoyens de Rome.
La gloire du fénat eft de représenter
Ce peuple vertueux, que l'on ofe infulter.
Quittez l'art avec nous; quittez la flaterie;
Ce poifon qu'on prépare à la cour d'Etrurie,
N'eft point encor connu dans le fénat Romain.
Pourfuivez.

ARONS.

Moins piqué d'un difcours fi hautain, Que touché des malheurs où cet état s'expofe, Comme un de fes enfans j'embraffe ici fa caufe.

Vous voyez quel orage éclate autour de vous, C'eft en vain que Titus en détourna les coups; Je vois avec regret, fa valeur & fon zèle N'affûrer aux Romains qu'une chute plus belle; Sa victoire affaiblit vos ramparts défolés; Du fang qui les inonde ils femblent ébranlés. Ah! ne refufez plus une paix néceffaire. Si du peuple Romain le fénat eft le père, Porsenna l'eft des rois que vous perfécutez. İbid: Mais vous, du nom Romain vengeurs fi redoutés, Vous des droits des mortels éclairés interprêtes, Vous qui jugez les rois, regardez où vous êtes. Voici ce capitole, & ces mêmes autels, Où jadis atteftant tous les dieux immortels, J'ai vû chacun de vous, brûlant d'un autre zèle, A Tarquin votre roi, jurer d'être fidèle.

Quels dieux ont donc changé les droits des fouverains?

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