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dire un bon mot? Comment apporter au milieu" d'eux fur la fcène, le corps de Marcus, devant Heureux jeune Caton fon père, qui s'écrie: „, homme, tu ès mort pour ton païs! O mes amis, laiffez-moi compter ces glorieufes blef fures! Qui ne voudrait mourir ainfi pour la patrie? Pourquoi n'a-t-on qu'une vie à lui facrifier?.... Mes amis, ne pleurez point » ma perte, ne regrettez point mon fils; pleu,, rez Rome; la maîtreffe du monde n'eft plus : ô liberté ! ô ma patrie! ô vertu! &c. “Voilà ce que feu Mr. Addisson ne craignit point de faire représenter à Londres; voilà ce qui fut joué, traduit en Italien, dans plus d'une ville d'Italie. Mais fi nous hazardions à Paris un tel fpectacle, n'entendez-vous pas déja le parterre qui fe récrie? & ne voyez-vous pas nos femmes qui détournent la tête?

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Vous n'imagineriez pas à quel point va cette délicateffe. L'auteur de notre tragédie de Manlius prit fon fujet de la piéce Anglaife de Mr. Otway, intitulée, Venife fauvée. Le fujet eft tiré de l'hiftoire de la conjuration du marquis de Bedemar, écrite par l'abbé de St. Réal; & permettez moi de dire en paffant, que ce morceau d'histoire, égal peut-être à Sallufte, eft fort au deffus de la piéce d'Otway & de notre Manlius. Premiérement, vous remarquez le préjugé qui a forcé l'auteur Français à déguifer fous des noms Romains une avanture connue, que l'Anglais a traitée naturellement fous les noms véritables. On n'a point trouvé ridicule au théâtre de Londres, qu'un ambaffadeur Espagnol s'appellât

pellât Bedemar, & que des conjurés euffent le nom de Jaffier, de Jaques - Pierre, d'Elliot; cela feul en France eût pû faire tomber la piéce.

Mais voyez qu'Otway ne craint point d'af fembler tous les conjurés. Renaud prend leur ferment, affigné à chacun fon pofte, prefcrit l'heure du carnage, & jette de tems en tems des regards inquiets & foupçonneux fur Jaffier dont il fe défie. Il leur fait à tous ce dif cours pathétique, traduit mot pour mot de l'abbé de St. Réal. Jamais repos fi profond ne précéda un trouble fi grand. Notre bonne deftinée a aveuglé les plus clair - voyans de tous les hommes, raffuré les plus timides, endormi les plus foupçonneux, confondu les plus fubtils: nous vivons encore, mes chers amis, nous vivons, & notre vie fera bientôt funefte aux tirans de ces lieux, &c.

Qu'a fait l'auteur Français ? Il a craint de hazarder tant de perfonnages fur la fcène; il fe contente de faire réciter par Renaud fous le nom de Rutile, une faible partie de ce même difcours qu'il vient, dit-il, de tenir aux conjurés. Ne fentez-vous pas par ce feul expofé combien cette fcène Anglaife eft au-deffus de la Française, la piéce d'Otway fût elle d'ailleurs monstrueuse?

Avec quel plaifir n'ai-je point vû à Londres votre tragédie de Jules-Céfar, qui depuis centcinquante années fait les délices de votre nation? Je ne prétens pas affûrément approuver les irrégularités barbares dont elle eft remplie Théatre. Tom. I.

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Il eft feulement étonnant qu'il ne s'en trouve pas davantage dans un ouvrage compofé dans un fiécle d'ignorance, par un homme qui même ne favait pas le Latin, & qui n'eut de maître que fon génie; mais au milieu de tant de fautes groffières, avec quel raviffement je voyais Brutus tenant encor un poignard teint du fang de Céfar, affembler le peuple Romain & lui parler ainfi du haut de la tribune aux harangues!

Romains, compatriotes, amis, s'il eft quel qu'un de vous qui ait été attaché à Céfar, qu'il Jache que Brutus ne l'était pas moins: Oui, je l'aimais, Romains; fi vous me demandez pourquoi j'ai verfé fon fang, c'est que j'aimais Rome davantage. Voudriez-vous voir Céfar vivant, & mourir fes efclaves, plutôt que d'acheter votre liberté par fa mort? Céfar était mon ami, je le pleure; il était heureux, j'applaudis à fes triom phes; il était vaillant, je l'honore; mais il était ambitieux, je l'ai tué. Ta-t-il quelqu'un par→ mi vous affez lâche pour regretter la fervitude? S'il en eft un feul, qu'il parle, qu'il se mon tre; c'est lui que j'ai offenfé: Y a-t-il quel qu'un affez infame pour oublier qu'il eft Romain? Qu'il parle ; c'est lui feul qui est mon ennemi.

CHOE UR D'ES

ROMAINS.

Perfonne, non, Brutus, perfonne.

BRUTU S.

Ainfi donc je n'ai offenfé perfonne. Voici le corps du dictateur qu'on vous apporte; les der

hier's devoirs lui feront rendus par Antoine, par cet Antoine, qui n'ayant point eu de part au châs timent de Céfar, en retirera le même avantage que moi: & que chacun de vous fente le bonheur inestimable d'être libre. Je n'ai plus qu'un mot à vous dire: J'ai tué de cette main mon meilleur ami pour le falut de Rome; je garde ce même poignard pour moi, quand Rome demandera ma vie. LE CHOE U R.

Vivez, Brutus, vivez à jamais.

Après cette fcène, Antoine vient émouvoir dé pitié ces mêmes Romains, à qui Brutus avait infpiré fa rigueur & fa barbarie. Antoine, par un difcours artificieux, ramène infenfiblement ces efprits fuperbes ; & quand il les voit radous cis, alors il leur montre le corps de Cefar, & fe fervant des figures les plus pathétiques, il les excite au tumulte & à la vengeance. Peut être les Français ne fouffriraient pas que l'on fit paraître fur leurs théâtres un chœur compofé d'artifans & de plébéiens Romains: que le corps fanglant de Céfar y fût expofé aux yeux du peuple, & qu'on excitât ce peuple à la vengeance du haut de la tribune aux harangues; c'est à la coutume, qui eft la reine de ce monde, à changer le goût des nations, & à tourner en plaifir les objets de notre averfion.

Les Grecs ont hazardé des fpectacles non moins revoltans pour nous. Hippolite brifé par fa chute, vient compter fes bleifures & pouf

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fer

fer des cris douloureux. Philoctete tombe dans fes accès de fouffrance; un fang noir coule de fa playe. Oedipe couvert du fang qui dégoute encor des reftes de fes yeux qu'il vient d'arracher, fe plaint des dieux & des hommes. On entend les cris de Clytemneftre, que fon propre fils égorge; & Electre crie fur le théatre: Frapez, ne l'épargnez pas, elle n'a pas épargné notre père. Prométhée eft attaché fur un rocher avec des cloux qu'on lui enfonce dans l'eftomac & dans les bras. Les furies répondent à l'ombre fanglante de Clytemnestre par des hurlemens fans aucune articulation. Beaucoup de tragédies Grecques, en un mot, font remplies de cette terreur portée à l'excès.

Je fais bien, que les tragiques Grecs, d'ailleurs fupérieurs aux Anglais, ont erré en prenant fouvent l'horreur pour la terreur, & le dégoutant & l'incroyable pour le tragique & le merveilleux. L'art était dans fon enfance à Athènes du tems d'Efchile, comme à Londres du tems de Shakespear; mais parmi les grandes fautes des poetes Grecs, & même des vôtres, on trouve un vrai pathétique & de fingulières beautés; & fi quelques Français, qui ne connaiffent les tragédies & les mœurs étrangè res que par des traductions, & fur des ouïdire, les condamnent fans aucune restriction, ils font, ce me femble, comme des aveugles, qui affureraient qu'une rofe ne peut avoir de couleurs vives, parce qu'ils en compteraient les épines à tâtons. Mais fi les Grecs & vous, vous paffez les bornes de la bienféance, & fi

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