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piéces telles que l'ancien Jules Céfar des Anglais, où Caffius & Brutus font à Rome au premier acte, & en Thellalie dans le cinquiéme.

Ces loix obfervées, non feulement fervent à écarter des défauts, mais elles amènent de vraies beautés ; de même que les règles de la belle architecture exactement fuivies compofent néceffairement un batiment qui plait à la vue. On voit qu'avec l'unité de tems, d'action & de tieu, il eft bien difficile qu'une piéce ne foit pas fimple. Auffi voilà le mérite de toutes les piéces de Mr. Racine, & celui que demandait Ariftote. Mr. de la Motte, en défendant une tragédie de fa compofition, préfère à cette noble fimplicité la multitude des événemens; il croit fon fentiment autorisé par le peu de cas qu'on fait de Bérénice, par l'eftime où eft encor le Cid. Il est vrai que le Cid eft plus touchant que Bérénice; mais Bérénice n'eft condamnable que parce que c'eft une élégie plutôt qu'une tragédie fimple; & le Cid, dont l'action eft véritablement tra gique, ne doit point fon fuccès à la multiplicité des événemens; mais il plait malgré cette multiplicité, comme il touche malgré l'infante, & non pas à caufe de l'infante.

Mr. de la Motte croit, qu'on peut fe mettre au-deffus de toutes ces règles, en s'en tenant à l'unité d'intérêt, qu'il dit avoir inventée, & qu'il appelle un paradoxe : mais cette unité d'intérêt ne me paraît autre chofe que celle de l'action. Si plufieurs perfonnages, dit-il, font diverfement intéressés dans le meme événement, 3 s'ils font tous dignes que j'entre dans leurs paffions,

il y a alors unité d'action, & non pas unité d'intérêt. Depuis que j'ai pris la liberté de difputer contre Mr. de la Motte fur cette petite queftion, j'ai relu le difcours du grand Corneille fur les trois unités; il vaut mieux confulter ce grand maître que moi. Voici comme il s'exprime : Je tiens donc, & je l'ai déja dit, que l'unité d'action confifte en l'unité d'intrigue & en l'unité de péril. Que le lecteur life cet endroit de Corneille, & il décidera bien vite entre Mr. de la Motte & moi; & quand je ne ferais pas fort de l'autorité de ce grand homme, n'ai-je pas encore une raison plus convaincante? C'est l'expérience. Qu'on life nos meilleures tragédies Françaises, on trouvera toujours les personnages principaux diverfement intéreffés; mais ces intérêts divers fe raportent tous à celui du perfonnage principal, & alors il y a unité d'action. Si au contraire tous ces intérêts différens ne fe rapportent pas au principal acteur, fi ce ne font pas des lignes qui aboutiffent à un centre commun, l'intérêt eft double, & ce qu'on appelle action au théatre, l'eft auffi. Tenons nous en donc, comme le grand Corneille, aux trois unités, dans lefquelles les autres règles, c'est-à-dire, les autres beautés, fe trouvent renfermées.

Mr. de la Motte les appelle des principes de fantaisie, & prétend, qu'on peut fort bien s'en paffer dans nos tragédies, parce qu'elles font négligées dans nos opéra. C'eft, ce me femble, vouloir réformer un gouvernement régulier fur l'exemple d'une anarchie.

Théatre Tom. I.

B

DE

DE L'OPERA.

L'Opéra eft un fpectacle auffi bizarre que ma gnifique, où les yeux & les oreilles font plus fatisfaits que l'efprit, où l'affer viffement à la mutique rend néceffaires les fautes les plus ridicules, où il faut chanter des ariettes dans la deftruction d'une ville, & danfer autour d'un tombeau; où l'on voit le palais de Pluton & celui du Soleil, des dieux, des démons, des magiciens, des preftiges, des monftres, des palais formés & détruits en un clin d'œil. On tolère ces extravagances, on les aime même, parce qu'on eft là dans le pays des fées; & pourvû qu'il y ait du fpectacle, de belles danfes une belle mufique, quelques fcènes intéreffantes, on eft content. Il ferait auffi ridicule d'exiger dans Alcefte l'unité d'action, de lieu & de tems, que de vouloir introduire des danfes & des démons dans Cinna ou dans Rodogune.

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Cependant quoique les opéra foient difpenfés de ces trois règles, les meilleurs font encor ceux où elles font le moins violées : on les retrouve même, fi je ne me trompe, dans plufeurs, tant elles font néceffaires & naturelles, & tant elles fervent à intéreffer le fpectateur. Comment donc Mr. de la Motte peut-il reprocher à notre nation la légéreté de condamner dans un fpectacle les mêmes chofes que nous approuvons dans un autre ? Il n'y a perfonne qui ne pût répondre à Mr. de la Motte. J'exige avec raifon beaucoup plus de perfection d'une tragédie, que d'un opéra; parce qu'à une tra

gédie mon attention n'eft point partagée ; que ce n'eft ni d'une farabande ni d'un pas de deux que dépend mon plaifir; que c'eft à mon ame uniquement qu'il faut plaire. J'admire qu'un homme ait fù amener & conduire dans un feul lieu, & dans un feul jour, un feul événement, que mon efprit conçoit fans fatigue, & où mon cœur s'intéreffe par degrés. Plus je vois combien cette fimplicité eft difficile, plus elle me charme; & fi je veux enfuite me rendre raison de mon plaifir, je trouve que je fuis de l'avis de Mr. Defpréaux, qui dit :

Qu'en un lieu, qu'en un jour, un feul fait accompli,
Tienne jufqu'à la fin le théatre rempli.

J'ai pour moi encor, pourra-t-il dire, l'autorité du grand Corneille; j'ai plus encore, j'ai fon exemple, & le plaifir que me font fes ouvrages à proportion qu'il a plus ou moins obéï à cette règle.

Mr. de la Motte ne s'eft pas contenté de vouloir ôter du théâtre fes principales règles, il veut encor lui ôter la poefie, & nous donner des tragédies en profe.

DES VERS EN PROSE.

Cet auteur ingénieux & fécond, qui n'a fait que des vers en fa vie, ou des ouvrages de profe à l'occafion de fes vers, écrit contre fon art même, & le traite avec le même mépris qu'il a traité Homère, que pourtant il a traduit. Jamais Virgile, ni le Tasse, ni Mr. Defpréaux, ni Mr. Racine, ni Mr. Pope

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ne fe font avifés d'écrire contre l'harmonie des vers, ni Mr. de Lully contre la mufique, ni Mr. Newton contre les mathématiques. On a vû des hommes qui ont eu quelquefois la faiblefle de fe croire fupérieurs à leur profeffion, ce qui eft le fûr moyen d'être au-deffous: mais on n'en avait point encore vû qui vouluffent. l'avilir. Il n'y a que trop de perfonnes qui méprifent la poefie faute de la connaître. Paris eft plein de gens de bon fens, nés avec des organes infenfibles à toute harmonie, pour qui dé la mufique n'eft que du bruit, & à qui la poéfic ne paraît qu'une folie ingénieufe. Si ces perfonnes apprennent qu'un homme de mérite, qui a fait cinq ou fix volumes de vers, eft de leur avis, ne fe croiront-ils pas en droit de regarder tous les autres poetes comme des foux, & celui-là comme le feul à qui la raison est revenue? Il eft donc néceffaire de lui répondre pour l'honneur de l'art, & j'ofe dire pour l'honneur d'un païs, qui doit une partie de fa gloire, chez les étrangers, à la perfection de cet art même. Mr. de la Motte avance que la rime eft un ufage barbare inventé depuis peu.

Cependant tous les peuples de la terre, excepté les anciens Romains & les Grecs, ont rimé & riment encore. Le retour des mêmes fons eft fi naturel à l'homme, qu'on a trouvé la rime établie chez les fauvages, comme elle l'eft à Rome, à Paris, à Londres, & à Madrid. Il y a dans Montagne une chanfon en rimes Amériquaines traduite en Français; on trouve dans un des Spectateurs de Mr. Addison une traduction

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