De la fimple vertu généreux protecteur;
A vous, à qui je dois ce jour que je respire. Seigneur, éloignez-moi de ce fatal empire.
Ma mère, mes enfans, je mets tout en vos mains Enlevez l'innocence au fer des affaffins.
Vous ne répondez rien. Que faut-il que je pense De ces fombres regards, & de ce long filence? Je vois que mes malheurs excitent vos refus. SOHÊME.
Non, je refpecte trop vos ordres abfolus. Mes gardes vous fuivront jufques dans l'Italie; Difpofez d'eux, de moi, de mon cœur, de ma vie. Fuyez le roi; rompez vos nœuds infortunės; Il est affez puni, fi vous l'abandonnez. Il ne vous verra plus, grace à son injustice; Et je fens qu'il n'est point de fi cruel fupplice... Pardonnez-moi ce mot, il m'échape à regret; La douleur de vous perdre a trahi mon fecret. J'ai parlé, c'en est fait : mais malgré ma faiblesse, Songez que mon refpect égale ma tendreffe. Sohême en vous aimant ne veut que vous fervir, Adorer vos vertus, vous venger & mourir.
Je me flatais, feigneur, & j'avais lieu de croire, Qu'avec mes intérêts, vous chériffiez ma gloire. Quand Sohême en ces lieux a veillé fur mes jours, J'ai cru qu'à fa pitié je devais fon fecours. Je ne m'attendais pas qu'une flamme coupable Dût ajouter ce comble à l'horreur qui m'accable Ni que dans mes périls il me falût jamais
Rougir de vos bontés, & craindre vos bienfaits. Ne penfez pas pourtant, qu'un difcours qui m'offenfe Vous ait rien dérobé de ma reconnaissance. Tout espoir m'eft ravi, je ne vous verrai plus. J'oublîrai votre flamme, & non pas vos vertus. Je ne veux voir en vous qu'un héros magnanime, Qui jufqu'à ce moment mérita mon eftime. Un plus long entretien pourrait vous en priver, Seigneur, & je vous fuis pour vous la conferver. SOHÊME.
Arrêtez, & fachez que je l'ai méritée.
Quand votre gloire parle, elle eft feule écoutée; A cette gloire, à vous, foigneux de m'immoler, Epris de vos vertus, je les fais égaler.
Je ne fuyais que vous, je veux vous fuir encore. Je quittais pour jamais une cour que j'abhorre; J'y refte, s'il le faut, pour vous désabuser, Pour vous respecter plus, pour ne plus m'expofer Au reproche accablant que m'a fait votre bouche. Votre intérêt, madame, eft le feul qui me touche; J'y facrifirai tout; mes amis, mes foldats, Vous conduiront aux bords où s'adreffent vos pas. J'ai dans ces murs encor un refte de puissance. D'un tyran foupçonneux je crains peu la vengeance; Et s'il me faut périr des mains de votre époux, Je périrai du moins en combattant pour vous. Dans mes derniers momens je vous aurai servie, Et j'aurai préféré votre honneur à ma vie.
Il fuffit, je vous crois: d'indignes paffions
Ne doivent point fouiller les nobles actions.
Oui, je vous devrai tout; mais moi je vous expose; Vous courez à la mort, & j'en ferai la cause. Comment puis-je vous fuivre ? & comment demeurer ? Je n'ai de fentiment que pour vous admirer. SOHEM E.
Venez prendre confeil de votre mère en larmes; De votre fermeté plus que de fes allarmes, Du péril qui vous preffe, & non de mon danger; Avec votre tyran rien n'eft à ménager.
Il est roi, je le fais ; mais César eft fon juge: Tout vous menace ici; Rome eft votre refuge; Mais fongez que Sohême, en vous offrant fes vœux, - S'il ofe être fenfible, en eft plus vertueux;
Que le fang de nos rois nous unit l'un & l'autre, le ciel m'a fait un cœur digne du vôtre.
Je n'en veux point douter : & dans mon defefpoir, Je vais confulter Dieu, l'honneur & le devoir.
C'eft eux que j'en attefte; ils font tous trois mes guides; Ils vous arracheront aux mains des parricides.
SOHÊME, NARBAS, AMMON, fuite.
LE tems eft précieux, feigneur, Hérode arrive;
Du fleuve de Judée il a revu la rive.
Salome qui ménage un refte de crédit, Déja par fes confeils affiége fon esprit.
Ses courtisans en foule auprès de lui fe rendent; Les palmes dans les mains nos pontifes l'attendent ; Idamas le devance, & vous le connaiffez.
Je fais qu'on paya mal fes fervices paffés. C'est ce même Idamas, cet Hébreu plein de zèle, Qui toujours à la reine est demeuré fidèle; Qui fage courtifan d'un roi plein de fureur, A quelquefois d'Hérode adouci la rigueur. NARBA S..
Bientôt vous l'entendrez. Cependant Mariamne Au moment de partir s'arrête, se condamne ; Ce grand projet l'étonne, & prete à le tenter, Son auftère vertu craint de l'exécuter.
Sa mère eft à fes pieds, & le cœur plein d'allarmes, Lui présente fes fils, la baigne de ses larmes, La conjure en tremblant de preffer son départ.
La reine flote, héfite, & partira trop tard. C'est vous dont la bonté peut hâter fa fortie. Vous avez dans vos mains la fortune & la vie De l'objet le plus rare & le plus précieux, Que jamais à la terre aient accordé les cieux. Protégez, confervez une augufte famille ; Sauvez de tant de rois la déplorable fille. Vos gardes font-ils prêts? Puis-je enfin l'avertir? SOHÊM E.
Oui, j'ai tout ordonné, la reine peut partir. NARBA S.
Soufrez donc qu'à l'instant un ferviteur fidelle Se prépare, feigneur, à marcher après elle. SOHÊM E.
Allez, loin de ces lieux je conduirai vos pas. Ce féjour odieux ne la méritait pas. Qu'un dépôt fi facré foit refpecté des ondes; Que le ciel attendri par fes douleurs profondes, Faffe lever fur elle un foleil plus ferein.
Et vous, vieillard heureux, qui fuivez fon deftin, Des ferviteurs des rois fage & parfait modelle, Votre fort est trop beau : vous vivrez auprès d'elle.
SOHÊME, AMMON, fuite de Sohême.
Mais déja le roi vient; déja dans ce féjour,
Le fon de la trompette annonce fon retour.
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