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Ce défenfeur heureux de votre illuftre vie ;
Sohême, dont le nom fi craint, fi refpecté,
Longtems de vos tyrans contint la cruauté;
Sohême va partir, nul espoir ne vous reste.
Augufte à votre époux laiffe un pouvoir funefte.
Qui fait dans quels deffeins il revient aujourd'hui ?
Tout, jufqu'à fon amour, est à craindre de lui;
Vous le voyez trop bien; fa fombre jaloufie
Au delà du tombeau portait fa frénéfie;
Cet ordre qu'il donna me fait encor trembler.
Avec vos ennemis daignez diffimuler.
La vertu fans prudence, hélas ! eft dangereuse.
MARIA M N E.

Oui, mon ame, il eft vrai, fut trop impérieuse.
Je n'ai point connu l'art, & j'en avais befoin.
De mon fort à Sohême abandonnons le foin;
Qu'il vienne, je l'attends; qu'il règle ma conduite.
Mon projet eft hardi, je frémis de la fuite.
Faites venir Sohême.

(Elife fort.)

SCENE

IV.

MARIA MNE, NARBAS.

MARIA M N E.

ET vous, mon cher. Narbas,

De mes vœux incertains apaisez les combats.
Vos vertus, votre zèle, & votre expérience,

Ont

Ont acquis dès longtems toute ma confiance.

Mon cœur vous eft connu, vous favez mes deffeins,
Et les maux que j'éprouve, & les maux que je crains.
Vous avez vû ma mère au desespoir réduite,

Me preffer en pleurant d'acompagner fa fuite.
Son efprit accablé d'une jufte terreur

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Croit à tous les momens voir Hérode en fureur,
Encor tout dégoutant du fang de fa famille,
Venir à ses yeux même affaffiner sa fille.
Elle veut à mes fils menacés du tombeau,
Donner Céfar pour père, & Rome pour berceau.
On dit que l'infortune à Rome eft protégée ;
Rome eft le tribunal où la terre eft jugée.
Je vais me présenter aux rois des fouverains.
Je fais qu'il eft permis de fuir fes affaffins,
Que c'est le feul parti que le deftin me laiffe.
Toutefois en fecret, foit vertu, foit faibleffe,
Prete à fuir un époux, mon cœur frémit d'effroi,
Et mes pas chancelans s'arrêtent malgré moi.
NARBA S.

Cet effroi généreux n'a rien que je n'admire ;
Tout injufte qu'il eft, la vertu vous l'infpire.
Ce cœur indépendant des outrages du fort,
Craint l'ombre d'une faute, & ne craint point la mort.
Banniffez toutefois ces allarmes fecrètes;

Ouvrez les yeux, madame, & voyez où vous êtes.
C'est là que répandu par les mains d'un époux,
Le fang de votre père a rejailli fur vous.
Votre frère en ces lieux a vû trancher fa vie.
En vain de fon trépas le roi se justifie;

Théatre. Tom. I.

M

En

En vain Céfar trompé l'en abfout aujourd'hui ;
L'Orient revolté n'en accufe que lui.

Regardez, confultez les pleurs de votre mère,
L'affront fait à vos fils, le fang de votre père,
La cruauté du roi, la haine de fa fœur,
Et (ce que je ne puis prononcer fans horreur,
Mais dont votre vertu n'eft point épouvantée)
La mort plus d'une fois à vos yeux préfentée.

Enfin fi tant de maux ne vous étonnent pas,
Si d'un front affuré vous marchez au trépas,
Du moins de vos enfans embrassez la défense.
Le roi leur a du trône arraché l'espérance;
Et vous connaiffez trop ces oracles affreux,
Qui depuis fi longtems vous font trembler pour eux.
Le ciel vous a prédit qu'une main étrangère
Devait un jour unir vos fils à votre père.
Un Arabe implacable a déja fans pitié
De cet oracle obscur acompli la moitié.
Madame, après l'horreur d'un effai fi funefte,
Sa cruauté, fans doute, acomplirait le reste.
Dans fes emportemens rien n'eft facré
Eh! qui vous répondra, que lui-même aujourd'hui
Ne vienne exécuter fa fanglante menace,

Et des Afmonéens anéantir la race?

pour

lui:

Il eft tems déformais de prévenir les coups;
Il eft tems d'épargner un meurtre à votre époux,
Et d'éloigner du moins de ces tendres victimes
Le fer de vos tyrans, & l'exemple des crimes.

Nourri dans ce palais près des rois vos ayeux,
Je fuis prêt à vous suivre en tout tems, en tous lieux.
Partez,

Partez, rompez vos fers, allez dans Rome même
Implorer du fénat la justice suprême,

Remettre de vos fils la fortune en fa main,
Et les faire adopter par le peuple Romain.

Qu'une vertu fi pure aille étonner Augufte.

Si l'on vante à bon droit fon règne heureux & jufte, Si la terre avec joye embraffe fes genoux,

S'il mérite fa gloire, il fera tout pour vous.

MARIA M N E.

Je vois qu'il n'eft plus tems que mon cœur délibère;
Je cède à vos confeils, aux larmes de ma mère,
Au danger de mes fils, au fort, dont les rigueurs
Vont m'entraîner peut-être en de plus grands malheurs.
Retournez chez ma mère, allez; quand la nuit fombre
Dans ces lieux criminels aura porté son ombre,
Qu'au fond de mon palais on me vienne avertir
On le yeut, il le faut; je fuis prête à partir.

:

SCENE V.

MARIAMNE, SOHÊME, ELISE.

JE

SOHEM E.

E viens m'offrir, madame, à votre ordre fuprême. Vos volontés pour moi font les loix du ciel même. Faut-il armer mon bras contre vos ennemis ? Commandez, j'entreprens, parlez, & j'obéïs.

MARIAM NE.

Je vous dois tout, seigneur, & dans mon infortune,

Ma douleur ne craint point de vous être importune;
Ni de folliciter, par d'inutiles vœux,

Les fecours d'un héros, l'appui des malheureux.
Lors qu'Hérode attendait le trône ou l'esclavage,
Moi-même des Romains j'ai brigué le fuffrage.
Malgré fes cruautés, malgré mon desespoir,
Malgré mes intérêts, j'ai fuivi mon devoir.
J'ai fervi mon époux ; je le ferais encore.
Il faut que pour moi-même enfin je vous implore;
Il faut que je dérobe à d'inhumaines loix
Les reftes malheureux du pur fang de nos rois.
J'aurais dû dès longtems, loin d'un lieu fi coupable;
Demander au sénat un asyle honorable :

Mais, feigneur, je n'ai pû, dans les troubles divers,
Dont la guerre civile a rempli l'univers,

Chercher parmi l'effroi, la guerre & les ravages,
Un port aux mêmes lieux d'où partaient les orages.
Augufte au monde entier donne aujourd'hui la paix;
Sur toute la nature il répand fes bienfaits.
Après les longs travaux d'une guerre odieuse,
Ayant vaincu la terre, il veut la rendre heureuse.
Du haut du capitole il juge tous les rois,

Et de ceux qu'on opprime il prend en main les droits.
Qui peut à fes bontés plus justement prétendre,
Que mes faibles enfans, que rien ne peut défendre,
Et qu'une mère en pleurs amène auprès de lui,
Du bout de l'univers, implorer fon appui ?
Pour conferver les fils, pour confoler la mère,
Pour finir tous mes maux, c'eft en vous que j'espère :
Je m'adreffe à vous feul, à vous, à ce grand cœur,

De

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