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plus éclairé que moi. Cependant je ne fais fi, comme j'ai été un peu trop indulgent, il n'eft pas quelquefois un peu trop févère. Son ou vrage m'a confirmé dans l'opinion où je fuis que le fujet d'Edipe eft un des plus difficiles qu'on ait jamais mis au théâtre. Mon cenfeur me propofe un plan, fur lequel il voudrait que j'euffe compofé ma piéce; c'eft au public à en juger. Mais je fuis perfuadé que fi j'avais travaillé fur le modèle qu'il me préfente, on ne m'aurait pas fait même l'honneur de me critiquer. J'avoue qu'en fubftituant, comme il le veut, Créon à Philoctete, j'aurais peut-être donné plus d'exactitude à mon ouvrage; mais Créon aurait été un perfonnage bien froid, & j'aurais trouvé par-là le fecret d'être à la fois ennuyeux & irrépréhensible.

On m'a parlé de quelques autres critiques. Ceux qui fe donnent la peine de les faire me. feront toujours beaucoup d'honneur, & même de plaifir, quand ils daigneront me les montrer. Si je ne puis à préfent profiter de leurs obfervations, elles m'éclaireront du moins pour les premiers ouvrages que je pourrai compofer, & me feront marcher d'un pas plus fûr dans cette carriére dangereufe.

On m'a fait apercevoir que plufieurs vers de ma piéce fe trouvaient dans d'autres piéces de théâtre. Je dis qu'on m'en a fait apercevoir; car, foit qu'ayant la tête remplie de vers d'autrui, j'aye cru travailler d'imagination, quand je ne travaillais que de mémoire; foit qu'on fe rencontre quelquefois dans les mêmes penfées

&

que

& dans les mêmes tours; il eft certain J'ai été plagiaire fans le favoir, & que hors ces deux beaux vers de Corneille, que j'ai pris hardiment & dont je parle dans mes lettres, je n'ai eu deffein de voler perfonne."

(

Il y a dans les Horaces:

"

Eft-ce vous, Curiace? en croirai-je mes yeux?

Et dans ma piéce il y avait:

Eft-ce vous, Philoctète ? en croirai-je mes yeux ?

Jefpère qu'on me fera l'honneur de croire que j'aurais bien trouvé tout feuloun pareil vers. Je l'ai changé cependant, auffi bien que plufieurs autres, & je voudrais que tous les dé fauts de mon ouvrage fuffent auffi aifés à corriger que celui-là.

On m'apporte en ce moment une nouvelle critique de mon dipe: celle-ci me paraît moins inftructive que l'autre, mais beaucoup plus ma ligne. La première eft d'un religieux, à ce qu'on vient de me dire : la feconde eft d'un homme de lettres; & ce qui eft affez fingulier, c'eft que le religieux poffede mieux le théâtre, & l'autre la Faillerie. Le premier a voulu m'éclairer, & y a réuffi. Le fecond a voulu m'outrager, mais il n'en eft point venu à bout. Je lui pardonne fans peine fes injures, en faveur de quelques traits ingénieux & plaifans dont fon ouvrage m'a paru femé. Ses railleries 'm'ont plus diverti qu'elles ne m'ont offenfé; & même de tous ceux qui ont vû cette fatyre en manufcrit, je fais celui qui en ai jugé le plus avantageufement. Peut-être ne l'ai-je trouvée bonne que par la K 2

crainte

A

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crainte où j'étais de fuccomber à la tentation de la trouver mauvaife. Ce fera au public à juger de fon prix. pb 216 Ce cenfeur affure, dans fon ouvrage, que ma tragédie languira triftement dans la bouti que de Ribou, lorfque fa lettre aura décillé les yeux du public; heureufement il empêche luimême le mal qu'il me veut faire. Si fa fatyre eft bonne, tous ceux qui la liront, auront quel que curiofité de voir la tragédie qui en eft l'objet & au lieu que les piéces de théâtre font vendre d'ordinaire leurs critiques, cette criti que feral vendre mon ouvrage. Je lui aurai la même obligation qu'Efcobar eut à Pafchal. Cette comparaifon me paraît affez jufte; car ma poësie pourait bien être auffi relâchée que la morale d'Efcobar; & il y a quelques traits dans la fatyre de ma piéce, qui font peut-être dignes des lettres provinciales, du moins par la malignité.

Je reçois une troifiéme critique; celle-ci eft fi miférable, que je n'en puis moi-même fou tenir la lecture. J'en attends encor deux au tres. Voilà bien des ennemis; mais je fouhaite donner bien-tôt une tragédie qui m'en attire en cor davantage.

MA

MARIAMNE,

TRAGÉDIE.

Revûe & corrigée par l'auteur en 1762.

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CTDIE

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