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mande des Grands sur la pourpre sori oreille veut être remplie de noms éclatans, et son œil occupé de malheurs de rois.

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La morale, la curiosité, la noblesse de l'art, la pureté du goût, et peut-être la nature envieuse de l'homme, obligent donc de prendre les acteurs de la tragédie dans une condition élévée. Mais si la personne doit être distinguée, sa douleur doit être commune, c'est-à-dire, d'une nature à être sentie par tous. Or, c'est en ceci que Zaïre nous paroît plus touchante qu'Iphigénie.

Que la fille d'Agamemnon meure pour faire partir une flotte, le spectateur ne peut guères s'intéresser à ce motif. Peu lui importe que le vaisseau d'Ulysse soit à l'ancre ou à la voile. Mais la raison presse dans Zaïre; chacun peut comprendre cette raison, car chacun peut éprouver le combat d'une passion contre un devoir. Dérivons de là, cette grande règle dramatique : qu'il faut, autant que possible, fonder l'intérêt de la tragédie, non sur une chose, mais sur un sentiment, et que le personnage doit être éloigné du spectateur par son rang, mais près de lui par son malheur.

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Nous pourrions chercher dans le sujet d'Iphigénie, traité par Racine, les touches du pinceau chrétien, y démêler curieuse

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ment le génie de notre religion; comme nous l'avons fait pour l'Androinaque; mais le lecteur est maintenant sur la voie de ces études, et il peut la suivre sans guide. Nous ne nous arrêterons plus que pour faire une observation o

Le père Brumoy a remarqué qu'Euripide a mieux parlé selon la nature, en donnant à Iphigénie la frayeur de la mort et le desir de se sauver, que Racine, qui a fait son Iphigénie trop résignée. L'observation est fort bonne de soi; mais ce que le père Brumoy n'a pas vu, c'est que l'Iphigénie moderne est la fille chrétienne. Son père et le ciel ont parlé, il ne reste plus qu'à obéir. C'est comme à son propre insçu que Racine a donné ce courage à son héroïne, et par la secrète influence d'une institution religieuse qui a changé le fond des idées et de la morale. Ici la religion, comme de coutume, va plus loin que la nature, et par conséquent elle est plus d'accord avec la belle poésie, qui agrandit les objets et aime un peu l'exagération. La fille d'Agamemnon étouffant tout-à-coup sa passion et l'amour de la vie, intéresse davantage qu'Iphigénie pleurant son trépas. Ce ne sont pas toujours les choses purement naturelles qui touchent. Il est naturel de craindre la mort, et cependant une victime. qui se lamente, sèche les pleurs qu'on versoit

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pour elle. Le cœur humain veut plus qu'il ne peut. Il veut sur-tout admirer : il a en soi un élan vers je ne sais quelle beauté inconnue, pour laquelle il fut créé dans son origine.

La religion chrétienne est donc si heureusement formée, qu'elle est elle-même une véritable poésie, puisqu'elle place les caractères dans le beau idéal : c'est ce que prouvent assez les martyrs chez nos peintres, les chevaliers chez nos poëtes, etc. Quant à la peinture du vice elle peut avoir, dans le christianisme, la même vigueur que celle de la vertu, puisqu'il est vrai que le crime augmente en raison du plus grand nombre de liens que le coupable a rompus. Ainsi les muses, qui haïssent le genre médiocre et tempéré, doivent s'accommoder infiniment d'une religion qui montre toujours ses personnages au-dessus, ou audessous de l'homme.

Pour achever le cercle des caractères naturels, il faudroit parler de l'amitié fraternelle. Mais tout ce que nous avons dit du fils et de la fille, s'applique également à deux frères, ou à un frère et à une sœur. Au reste, c'est dans l'Ecriture qu'on trouve l'histoire de Caïn et d'Abel, cette grande et première tragédie qu'ait vue le monde, et

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nous parlerons ailleurs de Josephi et de ses

frères.

Enfin, le christianisme n'enlevant rien au mëte des caractères naturels, tels que pou. voit les représenter l'antiquité, et lui offrant de plus son influence dans ces mêmes caractères augmente nécessairement la puissance, puisqu'il augmente le moyen, multiplie les beautés, en en multipliant les

sources.

ES

CHAPITRE I X.

CARACTÈRES

SOCIA U X.

Le Prêtre.

et

CEs caractères que nous avons nommés sociaux, se réduisent à deux pour le poëte, le prêtre et le guerrier.

Si nous ne traitions pas à fond du Clergé dans la quatrième partie de notre onvrage, il nous seroit aisé de faire voir à présent, que le caractère du prêtre chrétien, offre bien plus de variété et de grandeur que celui du prêtre dans le polythéisme. Quels beaux tableaux à tracer depuis le pasteur du hameau, jusqu'au Pontife qui ceint la triple couronne pastorale; depuis le curé de ville, jusqu'à l'anachorète du rocher; depuis le

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Chartreux et le Trapiste, jusqu'au moine savant de Saint-Benoît; depuis le missionnaire, et cette foule de religieux consacrés à tous les maux de l'humanité, jusqu'au prophète inspiré de l'antique Sion! Les vierges ne sont pas moins nombreuses: ces filles hospitalières, qui consument leur jeunesse et leurs grâces aux services de nos douleurs ; ces habitantes du cloître qui élèvent, à l'abri des autels, les épouses futures des hommes en se félicitant de porter elles-mêmes les chaînes du plus doux des époux; toute cette innocente famille, sourit agréablement aux Neuf Sœurs de la fable. Dans l'antiquité, tout se réduisoit, pour le poëte, à un grand - prêtre, à un devin, à une vestale, à une sibylle; encore ces personnages ne pouvoient être mêlés qu'accidentellement au sujet, tandis que le prêtre chrétien se peut trouver par-tout, et jouer un des rôles le plus important de l'épopée. Les poëtes sont bien loin d'avoir tiré tout le parti possible du ministre de nos autels : quand on ne lui donneroit qu'une passion malheureuse, en opposition avec ses devoirs, on en feroit sortir les plus grands effets dramatiques, soit qu'on le conduisit au vice ou à la vertu.

M. de la Harpe a montré dans sa Mélanie ce que peut devenir le caractère d'un simple

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